Suisse

Le télétravail depuis l’étranger restera une exception

Travailler depuis l’étranger en tant que salarié d’une entreprise suisse restera un projet compliqué. Copyright 2021 The Associated Press. All Rights Reserved.

Grâce à l’essor du télétravail, beaucoup d’employées et employés se sont pris à rêver de travailler depuis l’étranger pour une entreprise suisse. Un récent accord signé entre la Suisse et la France a d’ailleurs donné une lueur d’espoir en ce sens. Mais les acteurs du marché du travail suisse sont unanimes: le télétravail n’ouvrira pas la porte à d’autres catégories que les frontaliers et on ne verra pas d’augmentation constante du pourcentage de personnes autorisées à le pratiquer.

Ce contenu a été publié le 06 mars 2023


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Les limites du télétravail

Les syndicats comme le patronat reconnaissent les avantages du télétravail, y compris pour les frontaliers «À raison de deux jours par semaine, les bénéfices prévalent et se répercutent sur la motivation et l’efficacité du personnel salarié. Au-delà, les inconvénients risquent de prendre le dessus», estime Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse

Par ricochet, les effets positifs du télétravail rebondissent sur d’autres domaines comme les transports (moins de monde sur les routes égale moins d’embouteillages ou de trains bondés), l’environnement (moins de trajets égale moins de pollution atmosphérique) et l’immobilier (moins de personnel sur place signifie moins de surface de bureaux nécessaire).

Toutefois, les spécialistes mettent en garde contre les dangers que comporte le travail à domicile lorsqu’il est exercé à un taux élevé. «Il est attesté que la perte de lien entre le travailleur individuel et son lieu de travail et ses équipes augmente les risques psychosociaux comme l’isolement, le stress, le surmenage», indique Benoît Gaillard, coresponsable de la communication à l’Union syndicale suisse.

Se pose également la question du respect de la législation à distance en termes d’horaires de travail ou de salaire. Le risque de sous-enchère salariale peut augmenter, selon les syndicats, car une personne employée en télétravail à plein temps, à l’étranger, est moins consciente des pratiques courantes dans sa branche d’activité. Pour Benoît Gaillard, «il est aussi plus difficile pour les travailleurs de s’organiser collectivement».

L’accélération de la numérisation du monde professionnel et du télétravail a été imposée par la crise sanitaire, mais syndicats et patronat abondent dans le même sens: le lien social en entreprise reste fondamental.

Pourquoi les frontaliers et pas les autres?

La possibilité accordée aux frontaliers de France de travailler deux jours par semaine depuis leur domicile peut soulever la question de l’égalité de traitement envers d’autres catégories de personnel.

Pour Marco Taddei, cette règle définitivement adoptée permet au contraire d’éviter des frictions au sein des entreprises suisses: «Imaginez que vous soyez frontalier et ne puissiez pas télétravailler, alors que vos collègues résidant en Suisse en ont l’opportunité. Cela créerait une inégalité de traitement difficile à justifier!»

D’un point de vue économique, les expertes et experts s’accordent à dire qu’il était essentiel de trouver une solution pérenne avec la France, afin de conserver l’attractivité du marché du travail suisse attractif. La demande émanait aussi bien des travailleurs et travailleuses concernées que du patronat. «Dans certaines régions frontalières de Suisse, il est évident qu’il est essentiel de pouvoir continuer à compter sur la main-d’œuvre qualifiée frontalière», affirme Benoît Gaillard.

Le statut de frontalier

Selon l’Administration fédérale des financesLien externe, «est considérée comme travailleur frontalier toute personne résidente d’un État, qui exerce une activité salariée dans l’autre État chez un employeur établi dans cet autre État, et qui retourne, ‘en règle générale’, chaque jour dans l’État dont elle est le résident.»

Un maximum de 45 nuitées sont autorisées en dehors du domicile. Ce nombre comprend les séjours dans l’État d’exercice de la profession et les déplacements professionnels.

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Qu’en est-il des autres pays?

Parmi les pays limitrophes de la Suisse, la France abrite le plus grand bassin de frontaliers (environ 215’000). Ils et elles représentent plus de la moitié du total des personnes qui possède ce statut. Selon Nicole Töpperwien, la pression pour que les États trouvent une solution était forte en raison de l’importance que représente cette main-d’œuvre pour de nombreux secteurs d’activité des cantons frontaliers, notamment en Suisse romande.

En Italie, l’accord amiable qui autorisait le télétravail a pris fin le 31 janvier. Berne et Rome ont décidé de ne pas prolonger cet accord qui aurait potentiellement concerné près de 90’000 frontaliers italiens actifs dans le canton du Tessin. En Allemagne, l’accord est déjà échu depuis le 1er juillet 2022, avec pour conséquence un retour à la situation d’avant Covid-19, qui autorise un jour de télétravail par semaine. Aucun accord n’a jamais été passé avec l’Autriche. «À notre connaissance, il n’y a actuellement pas d’autres négociations en cours sur le télétravail», souligne Mark Wettstein du SFI.

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