France

La Mairie de Paris inaugure un quai Valéry Giscard d’Estaing, malgré les accusations de violence sexuelle

Un président accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes mérite-t-il les hommages de la République à titre posthume, tout président qu’il fut ? C’est la question que posent des féministes, alors que la Mairie de Paris s’apprête à inaugurer mardi 9 mai le quai Valéry Giscard d’Estaing.

En mai 2020, quelques mois avant sa mort, une journaliste allemande avait accusé l’ancien président de lui avoir touché les fesses avec insistance lors d’une séance photo, fin 2018. Elle avait déposé plainte. L’année d’après, l’ex-Première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt avait révélé dans ses mémoires que Valéry Giscard d’Estaing lui avait posé la main sur la cuisse lors d’un dîner à Copenhague, en 2002-2003.

« Les femmes ne sont pas des proies »

Des accusations qui ont incité Alice Coffin, lors du dernier Conseil de Paris lors duquel cette dénomination a été votée, à interpeller la maire de Paris : « Nous sommes bien conscients de la tradition républicaine qui veut qu’il y ait une dénomination à Paris pour les anciens présidents de la République (…) mais il me semble important que nous écoutions aussi la parole des femmes qui ont tenté de se faire entendre sur cet homme », a commencé la conseillère écologiste de Paris, avant de rapporter les témoignages de ces femmes. « Les femmes ne sont pas des proies, même pour les présidents de la République », a enchaîné Alice Coffin, regrettant que cette situation soit « passée sous silence ».

Suite à l’intervention d’Alice Coffin, la journaliste Hélène Devynck a rapporté qu’à TF1 et LCI, plusieurs maquilleuses lui avaient « raconté qu’elles l’évitaient pour les mêmes raisons. Il touchait leurs fesses ». « On ne cautionne pas la mise en place de plaques commémorant Giscard d’Estaing, un homme déjà dans tous les manuels d’histoire, et qui a eu des comportements problématiques, d’agression sexuelle et de harcèlement », accuse Pauline Baron de NousToutes, un collectif de luttes contre les violences sexuelles.

« Je ne vais pas vous dire que je suis pour »

Contactée par 20 Minutes, Laurence Patrice, adjointe à la maire de Paris en charge de la mémoire et qui doit officier pour la cérémonie avec Anne Hidalgo, se justifie : « C’est une décision du Conseil de Paris votée à la quasi-unanimité. En tant qu’adjointe à la mémoire, j’assume, c’est un geste républicain », affirme l’élue, avant d’ajouter plus tard : « Je ne vais pas vous dire que je suis pour qu’on honore des personnes accusées d’agressions sexuelles. » Ou encore : « C’est une décision qui se fait au niveau de la maire de Paris. » Visiblement embêtée, l’adjointe explique que « ça ne sert à rien de s’y opposer, c’est une règle républicaine, si je m’y étais opposée ça se serait tout de même fait » et que « Valéry Giscard d’Estaing, ça n’est tout de même pas Gabriel Matzneff [du nom de cet écrivain français accusé d’actes de pédocriminalité]. »

L’adjointe en charge de l’égalité femmes-hommes, Hélène Bidard, a une position plus claire : non, elle ne se rendra pas à cet hommage. « Je ne vais pas aller à cette inauguration personnellement. Je n’y trouve pas mon intérêt politique à y aller. Je n’ai pas été consultée. Je l’ai appris en plein Conseil de Paris », rapporte l’élue, qui tient à ajouter : « Le nombre de condamnations pour viol est toujours infime. Un changement profond de la justice n’est pas encore là. »

« Homme de progrès et Européen convaincu »

Valéry Giscard d’Estaing est à l’origine de la création du musée d’Orsay, qui doit porter d’ailleurs son nom depuis un vote des députés en mars 2021. « La dénomination du  »Quai Valéry Giscard d’Estaing » devant le Musée d’Orsay s’est imposée dans la continuité du ‘’Quai François Mitterrand » près du Grand Louvre, et du  »Quai Jacques Chirac » le long du Musée des Arts Premiers, rendant ainsi hommage à l’ambition culturelle des anciens présidents de la République française au cœur de la capitale de la France », explique la Mairie de Paris dans un communiqué.

« Homme de progrès et Européen convaincu, Valéry Giscard d’Estaing a ouvert la voie à des avancées sociales majeures comme la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, l’abaissement de la majorité légale à 18 ans, l’instauration du divorce par consentement mutuel et la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées », ajoute encore la mairie dans ce communiqué.