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Jérusalem : « une succession de raids, d’attaques, de répression » depuis le nouveau gouvernement Netanyahou

Le calme est revenu, ce mercredi matin, sur l’esplanade des Mosquées, mais la tension est toujours bien présente à Jérusalem. Cette nuit, plusieurs centaines de Palestiniens ont été arrêtés après de violents affrontements avec la police israélienne venue déloger des musulmans en retraite spirituelle dans la mosquée Al-Aqsa. De nombreuses vidéos circulent déjà sur les réseaux sociaux, filmées sur le vif lors des combats ou témoignant des dégâts causés par les grenades lacrymogènes et les feux d’artifice.

« La police israélienne a voulu évacuer l’esplanade, visant les fidèles musulmans qui étaient restés toute la nuit mais aussi les journalistes. Des fidèles se sont retranchés dans la mosquée, la police est rentrée », relate pour 20Minutes Alice Froussard, journaliste correspondante pour RFI et des médias francophones en Israël. Face à la répression « certains Palestiniens ont riposté avec des pierres et des feux d’artifice », explique-t-elle.

La police israélienne, invitée de force

Pourquoi la police est-elle intervenue jusqu’au cœur d’un lieu saint ? « Il y a une sorte de statut quo » en temps normal, reprend Alice Froussard. L’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’Islam, est bâtie sur ce que les Juifs nomment le mont du Temple, lieu le plus sacré de leur religion. Il s’agit du seul lieu où « les musulmans peuvent venir prier quand ils veulent », et la police israélienne n’est pas censée pouvoir y rentrer. A l’inverse, les juifs « peuvent la visiter à des horaires précis et n’ont pas le droit d’y prier », détaille la correspondante radio.

Sauf que la réalité est bien différente depuis plusieurs années. « De plus en plus de groupes suprémacistes orthodoxes appellent à y prier, voire à y effectuer des sacrifices » d’agneau, relève Alice Froussard. Une pratique encouragée par des membres du nouveau gouvernement, le plus à droite de l’histoire d’Israël. « Normalement, les lieux saints sont administrés par la Jordanie, mais Israël se sent maître sur tout le territoire », dénonce auprès de 20Minutes Inès Abdelrazek, directrice du Palestine institute for public diplomacy. D’où l’intervention policière de la nuit dernière, officiellement pour « troubles à l’ordre public ».

Une « violence systémique » renforcée depuis 2021

La police a dénoncé l’action de « hors-la-loi » et d’« émeutiers » masqués dans la mosquée Al-Aqsa. Selon le ministre de la Sécurité intérieure israélien, Itamar Ben Gvir, les fidèles barricadés tentaient de « blesser et d’assassiner des policiers et de blesser des citoyens israéliens ». Environ « 400 à 500 Palestiniens » ont été arrêtés, selon les informations d’Alice Froussard, et emmenés par bus à Itarot, « un centre d’interrogatoire ». « C’est la rhétorique habituelle de désinformation, qui vise à montrer tout Palestinien comme une menace », critique Inès Abdelrazek. Or, « la source de violence est l’armée d’occupation qui bafoue les droits des civils », estime-t-elle, dénonçant la « violence systémique » d’Israël.

La violente répression de la nuit de mardi à mercredi, dénoncée par l’Egypte et le Maroc, est en effet loin d’être isolée. Depuis le début de l’année, 93 Palestiniens ont déjà été tués. Et le calendrier religieux n’arrange rien. Lors du Ramadan 2021, « il y avait eu des centaines de blessés en trois jours », rappelle Alice Froussard, conduisant à « 11 jours de guerre meurtrière ». Un « traumatisme » qui a ressurgi au Ramadan 2022, même si les violences ne sont pas allées aussi loin. Cette année, le Ramadan en cours se cumule à la Pessah juive, qui commence ce mercredi soir, et à la Pâques chrétienne dimanche.

« Al-Aqsa représente une ligne rouge pour tous les Palestiniens »

« Personne n’a intérêt à une escalade », veut croire la journaliste. Mais la dynamique est inquiétante. Depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahou, dans lequel les orthodoxes extrémistes ont du poids, il y a « une succession de raids, d’attaques, de répression, de lois discriminatoires ». Ce week-end, des musulmans ont reçu « des textos d’intimidation des renseignements israéliens, leur déconseillant de retourner sur l’esplanade », raconte-t-elle. Les attaques contre les chrétiens, « qui sont aussi des Palestiniens », rappelle Inès Abdelrazek, se multiplient également : cimetière profané, statue de Jésus dégradée…

Après la répression policière de la nuit, le Hamas a immédiatement réagi, tirant plusieurs roquettes depuis la bande de Gaza et appelant les Palestiniens « à se rendre en masse à la mosquée al-Aqsa pour la défendre ». « C’est un appel normal, le Hamas veut montrer qu’il est un mouvement de résistance » même s’il n’a aucune force vive à Jérusalem, justifie Inès Abdelrazek. L’organisation est dans son rôle politique, mais de toute façon « Al-Aqsa représente une ligne rouge pour tous les Palestiniens », affirme Alice Froussard, « c’est le seul endroit à Jérusalem où ils sont chez eux ». Le calme est revenu, ce mercredi, sur l’esplanade des Mosquées. Mais « tout peut changer d’une heure à l’autre ».