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Réforme des retraites : quelle issue pour Emmanuel Macron ?

”Le ni, ni, ni, ça va être compliqué à tenir ! ironise le politologue Alexis Massart. À court terme, Emmanuel Macron va certainement temporiser, notamment lors de son allocution prévue ce mercredi (il répondra aux questions de journalistes ce 22 mars au journal télévisé de TF1 et de France 2 à 13h). Il veut rester le maître des horloges et refuse de se faire dicter sa conduite par les oppositions. Donc il va sûrement prendre son temps avant de prendre des décisions. Mais je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait pas, à moyen terme, une réaction politique de sa part”.

”Droit dans ses bottes”

En attendant, le président de la République consulte à tour de bras pour tenter de trouver une issue à la crise sociale qui enfle dans le pays, depuis l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution qui a permis de faire adopter la réforme controversée des retraites sans vote. Il a reçu hier matin la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne à l’Elysée puis il a déjeuné avec les présidents de l’Assemblée et du Sénat, avant de réunir en soirée les parlementaires de son camp. “Macron fait du Macron, il reste droit dans ses bottes”, estime Alexis Massart, qui tient à souligner que “quoi qu’on en dise, il est inattaquable sur le plan du respect de la démocratie. Il n’a fait qu’utiliser les outils constitutionnels à sa disposition”.

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En réalité, la question n’est pas tant de savoir ce que le chef de l’État va faire, mais plutôt ce qu’il peut faire. Et les options semblent réduites. A priori, pas question d’enterrer la réforme des retraites, comme un Jacques Chirac en fin de règne l’avait fait en 2006 avec le CPE (contrat première embauche) après dix semaines de manifestations et alors même que le projet de loi avait été définitivement adopté par le Parlement un mois plus tôt. “Il ne lâchera pas, c’est certain. Sinon c’est la fin de la partie pour lui” , estime le politologue. Emmanuel Macron a en effet émis le souhait dimanche que la réforme “puisse aller au bout de son cheminement démocratique”. Au grand dam des oppositions, qui lui enjoignent “à ne pas continuer […] dans le déni, l’entêtement”.

Vers un remaniement ministériel ?

À moyen terme, le départ de la Première ministre semble inévitable. “Vous céderez, car vous ne tenez qu’à neuf voix”, a lancé hier la député Mathilde Panot (LFI) à Elisabeth Borne lors des questions au gouvernement. “Parmi les scénarios envisagés, celui du remaniement ministériel semble le moins risqué, estime Alexis Massart. Emmanuel Macron a besoin de nouveaux alliés et pourrait faire entrer au gouvernement des hommes et des femmes issus des rangs des Républicains mais aussi du Parti Socialiste, où certains vivent mal le poids des Insoumis sur la Nupes. Il lui faudra nommer un nouveau Premier ministre plus politique, capable de diriger une majorité plus élargie”. Capable aussi de recoller les morceaux avec des élus de son propre camp, amers après le recours au 49.3.

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Mais au-delà d’un possible changement de casting, comment peut-il sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve, moins d’un an après sa réélection ? Avec 28 % d’opinions favorables selon le dernier baromètre Ifop/JDD, soit 13 points perdus depuis mai 2022, pourra-t-il poursuivre ses réformes ? École, hôpital, travail, immigration : les chantiers sont nombreux mais sa capacité d’action risque fort d’être entravée. Hier, il a demandé à ses troupes, selon l’AFP, de lui faire “d’ici deux à trois semaines maximum” des “propositions” en vue d’un “changement de méthode et d’agenda des réformes”. Après le mouvement des gilets jaunes en 2019, il avait pourtant déjà promis de changer de méthode de gouvernance. En tout cas, le message envoyé est clair : projetons-nous dans l’avenir, tournons la page des retraites et proposons aux Français de nouvelles initiatives. À défaut, Emmanuel Macron pourra toujours se consacrer à l’international. Il part d’ailleurs en Chine le 4 avril. Mais pas sûr que Xi Jinping soit tellement plus facile à convaincre que les Français…