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Guerre en Ukraine : Avantages, primes… Le Kremlin lance une vaste campagne de recrutement de soldats

De grandes affiches aux messages explicites placardées au bord des routes, des vidéos sur les réseaux sociaux… Le pouvoir russe met les moyens pour tenter de séduire. La plus grande campagne de recrutement militaire a été lancée par Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine. Son but : gonfler les rangs de l’armée face à la possible contre-offensive de Kiev au printemps. Pourquoi la Russie a-t-elle un besoin pressant de recruter ? Est-ce que cette campagne a du sens ? Peut-elle séduire une partie de la population. 20 Minutes fait le point sur la question avec Michel Goya, historien, stratégiste, et ancien colonel.

Pourquoi la Russie a besoin de séduire pour recruter ?

En septembre 2022, après plusieurs revers militaires, Vladimir Poutine avait décrété la mobilisation forcée. Une décision qui avait entraîné la fuite de dizaines de milliers d’hommes hors des frontières et qui avait froissé l’opinion. Avec cette campagne de mobilisation volontaire, le Kremlin veut « éviter un nouveau choc », explique à l’AFP Denis Volkov, directeur du centre d’études indépendant Levada.

« Le pouvoir essaie de donner une image héroïque de l’engagement, de rendre cet acte plus attractif au niveau social. Il ne veut pas avoir à organiser à nouveau une mobilisation forcée, même si une telle action peut continuer à se tenir plus discrètement, complète notre expert. Du côté de la population, certains peuvent être attirés par les salaires, et aussi se dire : ‘Si je suis volontaire, je pourrais peut-être choisir mon unité’ ».

Le salaire promis à un militaire déployé en zone d’opérations en Ukraine s’élève à plus de 200.000 roubles, soit plus de dix fois le salaire minimum. « Les primes sont aussi relevées », précise notre spécialiste.

Cette campagne peut-elle répondre aux besoins de l’armée russe ?

Les besoins en soldat de l’armée russe sont massifs et continus. « L’armée a dû geler les contrats des soldats professionnels, qui s’engagent habituellement sous forme de contrat court de quelques mois, afin qu’ils restent combattre jusqu’à la fin de la guerre », analyse Michel Goya, qui précise que l’armée avait déjà besoin de troupes avant le début de la guerre.

Plusieurs centaines de milliers soldats tués, les désertions, la création de nouvelles unités… Autant de facteurs qui poussent le Kremlin à agir pour recruter. Une partie des recrues pourrait d’ailleurs se trouver parmi les conscrits.

« Au bout de deux mois de formation militaire, ils peuvent être engagés en opération. L’avantage, c’est qu’ils ont déjà eu un avant-goût de la vie militaire, ils savent à quoi s’attendre en s’engageant », détaille notre expert, qui ajoute que le recrutement devra être important si la guerre se poursuit à ce niveau d’intensité. Car l’objectif des Russes est clair : tenir les zones occupées malgré la contre-offensive ukrainienne en préparation.

Les arguments virilistes de la campagne peuvent-ils faire mouche ?

« Tu es un homme, sois-le. » Les spots de publicité de cette campagne de recrutement jouent sur les codes virilistes pour tenter d’emporter l’adhésion de la population. Dans un clip vidéo, on peut apercevoir un agent de sécurité, un jeune homme à la salle de musculation ou encore un chauffeur de taxi, avec l’idée que tous trois donneraient une autre tournure à leur vie en embrassant une carrière militaire.

« Notre métier, défendre la patrie », dicte un slogan inscrit sur des affiches. Le point de vue selon lequel le point de vue selon lequel « il est bon pour chaque homme de servir (dans l’armée), c’est une école de la vie » est fortement ancré dans cette société patriarcale, évoque Denis Vlokov, interrogé par l’AFP.

Les campagnes ont « toujours été un peu comme ça, sur ce thème-là, qui correspond à la société russe », rappelle Michel Goya. Le pouvoir cherche à attirer les hommes par tous les moyens pour éviter une nouvelle vague de mobilisation forcée. Même si Vladimir Poutine a récemment fait voter une loi qui pourrait faciliter cette action en cas de besoin.