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Comment le XV de France compte préparer sa Coupe du monde « en famille »

A Montgesty (Lot),

Retour aux sources. Le 13 novembre 2019, accompagné de ses adjoints, Fabien Galthié donnait le coup d’envoi de son mandatdans la salle communale de ce petit village lotois, dont son père est le maire. Le XV de France sortait d’une Coupe du monde moyennasse au Japon terminée en quart de finale, et plus généralement d’une décennie pourrie. Trois ans et demi plus tard, la salle communale au réseau téléphonique déficient est devenue un commerce multiservices (avec Wifi) bienvenu dans une bourgade de 330 habitants. Et les Bleus font de nouveau peur, à moins de quatre mois du début de leur Coupe du monde, le 8 septembre face aux All Blacks.

« On est là où on voulait être à l’époque », observe un Fabien Galthié détendu, ce mardi depuis la salle de la mairie, à côté d’une carte économique du Lot très « Troisième République », et devant une trentaine de journalistes. « Nous retrouver ici a une forte portée symbolique, appuie le manager général Raphaël Ibanez. C’est là où tout a commencé pour notre staff. Il nous semble que depuis quatre ans les résultats sont plutôt probants, avec 80 % de victoires. Cela nous donne encore plus de force. »

Devant la mairie de Montgesty, ce mardi matin.
Devant la mairie de Montgesty, ce mardi matin. – Nicolas Stival / 20 Minutes

Le premier Grand Chelem depuis douze ans glané en 2022, tous les cadors mondiaux terrassés, une série historique de 14 victoires d’affilée seulement brisée en février dans l’imprenable Aviva Stadium de Dublin… Jusqu’ici tout va bien pour les numéros 2 mondiaux. Mais forcément, joueurs et sélectionneur seront jugés en fonction de leur réussite cet automne, où ils devraient croiser la route des numéros 1 irlandais ou des champions du monde sud-africain dès les quarts de finale.

Le début de la « version 10 » du logiciel Galthié

« C’est le début de notre version 10 que l’on va mettre en œuvre à Monaco », lâche le sélectionneur, dans le langage LinkedIn qu’il adopte parfois. Comprenez : si une première liste de 42 éléments sera publiée le 21 juin, Antoine Dupont et ses hommes commenceront leur préparation pour la dixième compétition de l’ère Galthié du 2 au 14 juillet dans la fastueuse Principauté, bien loin de l’aride beauté calcaire du Quercy et de Montgesty.

Ceux qui suivent de près l’actu du XV de France observeront qu’il n’est plus question du stage de trois jours avec la Légion étrangère initialement prévu dès le 26 juin à Carpiagne (Bouches-du-Rhône). Bien vu… « Cela coupait le repos des joueurs, explique Laurent Labit, entraîneur des arrières tricolores. Nous avons de très bons rapports avec la Légion mais on considère que les demi-finalistes et les finalistes auront besoin de se régénérer plutôt que de cohésion. Depuis trois ans et demi, l’état d’esprit et la cohésion, on les a… »

Quand tu montres la flèche du temps à tes amis.
Quand tu montres la flèche du temps à tes amis. – Nicolas Stival / 20 Minutes

Objectif fraîcheur physique et mentale

Entre les finales de Coupes d’Europe ce week-end (avec La Rochelle et Toulon), la dernière journée du Top 14, puis les barrages, demi-finales et finale (le 17 juin avec possiblement le Stade Toulousain, principal pourvoyeur les Bleus), l’encadrement tricolore a jugé que ses « soldats » avaient plus besoin de repos en famille que de marche nocturne avec des cailloux dans le sac à dos.

La fraîcheur, physique et mentale, voilà ce que vise l’encadrement des Bleus, bien aidé par une forme d’union sacrée avec les clubs avant LE grand rendez-vous à la maison. Cette préparation à la Coupe du monde ne tournera pas, comme tant de fois auparavant, à l’opération commando censée rattraper en une poignée de semaines le temps perdu pendant quatre ans.

« Faire de ce groupe France une famille France »

« Cela a été mûri, réfléchi par rapport aux quatre années écoulées et à l’expérience que nous, avec Fabien Galthié [alors adjoint pas comme les autres de Jacques Brunel] et Laurent Labit, avons de l’édition 2019, détaille Thibault Giroud, directeur de la performance des Bleus. On avait connu six ou sept sites différents, on n’avait pas vu du tout nos familles. C’était très long. Là, nous nous déplaçons trois fois, à Monaco, au CNR de Marcoussis [du 24 juillet au 3 août] et à Capbreton [du 7 au 25 août] pour une logistique parfaite. »

Les proches des joueurs et de la trentaine de personnes du staff pourront profiter d’eux (et vice-versa) lors du dernier stage landais. « On sera dans un village, dans la nature avec pour chaque membre, une maison ou un bungalow », explique Galthié. « Il s’agit de faire de ce groupe France une famille France », renchérit Ibanez.

Un groupe mouvant

Et pour être sûr que tout ce beau monde aura assez d’« énergie » – mot répété à plusieurs reprises par le manager général – pour durer jusqu’au 28 octobre, jour de finale au Stade de France, chacun rentrera chez lui pendant une semaine, entre Monaco et Marcoussis, avec des « devoirs de vacances » à base de courses et de traction. Puis de nouveau après le match contre l’Australie le 26 août au Stade de France, pour se retrouver frais et dispos le 2 septembre, six jours avant le choc inaugural du Mondial contre la Nouvelle-Zélande.

Enfin, on parle là des « rescapés » d’un été qui sera meurtrier pour certains. Car, jusqu’à la liste des 33 heureux retenus pour la compétition de leur vie, le 21 août, le groupe va bouger. « Nous aurons la possibilité de modifier la première liste de 42 joueurs à chaque changement de site, explique Fabien Galthié. On pourra sortir des joueurs blessés ou moins en réussite. » Et ainsi réintégrer peut-être certains absents de longue durée, comme Jelonch, en avance sur ses temps de convalescence, voire Villière, Jaminet ou Barlot, au fil d’une « préparation sans concession mais avec beaucoup de précision » (Galthié, toujours).

Merci d’éviter les vacances aux Tonga

La pression sera donc maximale sur les intéressés (enfin, un peu moins sur les cadres du genre Dupont, Ntamack ou Alldritt…). « Nous avons une « vision macro » de 100 joueurs que l’on va placer sur des « rankings » de 1 à 7 à chaque poste, reprend le sélectionneur. J’invite l’élite du rugby français à rester prête à monter dans le bus jusqu’au dernier match. » Pas question pour les joueurs dans l’antichambre de la gloire de quitter notre beau pays cet été. « Est-ce que, si j’avais la possibilité de jouer une Coupe du monde, je partirais en vacances trois semaines aux Tonga ? Je ne pense pas », plaisante William Servat, en charge de la mêlée.

L’ancien talonneur toulousain rappelle qu’il était en vacances en Corse avec Thierry Dusautoir en juin 2007, lorsque le Dark Destroyer a été convoqué pour remplacer au pied levé Elvis Vermeulen, forfait et signer un Mondial inoubliable. Et puis entre pépins physiques et suspensions, on n’est jamais à l’abri de voir surgir tout au bout de la compétition un nouveau Jean-Marc Doussain, convoqué pour disputer la finale de la Coupe du monde 2011 à 20 ans et avec zéro sélection au compteur.

Le programme des Bleus

  • 5 au 9 juin 2023 : stage à Marcoussis pour 23 joueurs issus des 10 clubs de Top 14 ne participant pas aux demi-finales
  • 21 juin : première liste des 42 joueurs convoqués pour la préparation de la Coupe du monde
  • 2 au 14 juillet : stage à Monaco
  • 24 juillet au 3 août : stage à Marcoussis
  • 5 août : Ecosse – France (match de préparation) à Murrayfield
  • 7 au 25 août : stage à Capbreton
  • 12 août : France – Ecosse (match de préparation) à Saint-Etienne
  • 17 août : France – Fidji (match de préparation) à Nantes
  • 21 août : annonce de la liste des 33 joueurs pour la Coupe du monde
  • 26 août : France – Australie (match de préparation) au Stade de France
  • 8 septembre : début de la Coupe du monde avec France – Nouvelle-Zélande au Stade de France