France

Bretagne : Quasiment disparu des champs, le sarrasin fait son grand retour

Sans cette plante, les Bretons resteraient un peu sur leur faim. Car sans le sarrasin, pas de farine de blé noir, l’ingrédient de base pour réaliser des galettes, plat incontournable de la gastronomie bretonne. Selon la légende, cette plante originaire d’Asie aurait été introduite dans la région lors des croisades au XIIe siècle avant d’être popularisée par Anne de Bretagne à la fin du XVe siècle. Le sarrasin appréciant les terres acides bretonnes et demandant peu de travail, la duchesse avait en effet encouragé sa culture pour éloigner la famine. Dans son sillage, la production s’est alors développée dans la région jusqu’à atteindre les 370.000 hectares dans les années 1900.

Mais après la Seconde Guerre mondiale, les paysans ont progressivement délaissé le sarrasin au profit d’autres cultures plus rentables comme le blé ou le maïs. Pratiquement disparu des champs, la plante, qui appartient comme l’oseille ou la rhubarbe à la famille des polygonacées, retrouve depuis quelques années une seconde jeunesse. On doit notamment ce renouveau à un groupe de producteurs et de meuniers de la région qui se sont battus pour défendre la farine de blé noir bretonne, récompensée par un label IGP (Indication géographique protégée) en 2010.

70 % du sarrasin consommé vient de l’étranger

La production locale tourne depuis autour des 3.000 tonnes par an. En hausse, cette récolte de blé noir est toutefois loin de satisfaire l’appétit des Bretons qui en consomment chaque année 11.000 tonnes, soit 3,5 fois plus que la moyenne française. Résultat, 70 % du sarrasin utilisé dans la région provient aujourd’hui de l’étranger, principalement d’Europe de l’Est (Russie, Ukraine, Pologne…), d’Asie ou du Canada.

Pierre-Yves Héluard cultive du blé noir qu'il transforme en farine.
Pierre-Yves Héluard cultive du blé noir qu’il transforme en farine. – J. Gicquel / 20 Minutes

En dehors de l’association Blé Noir Tradition Bretagne, d’autres acteurs essaient aussi de relocaliser cette production. C’est le cas de Pierre-Yves Héluard qui cultive du sarrasin bio à Pont-Péan près de Rennes. Un temps intéressé par le maraîchage, le trentenaire s’est finalement lancé dans l’aventure du blé noir en 2019, attiré par ses nombreux atouts. « C’est une plante qui pousse très vite et qui ne demande pas beaucoup d’entretien, indique-t-il. Elle est aussi bonne pour l’environnement car elle ne réclame pas beaucoup d’eau. Et elle nettoie aussi les champs, ce qui est intéressant quand on est en culture biologique et qu’on n’utilise pas d’intrant. »

« Il y a une forte demande »

Début mai, le producteur sèmera de nouvelles graines qu’il récoltera environ 100 jours plus tard. Il transformera ensuite le blé noir en farine dont il se sert pour produire des galettes directement dans sa ferme avec son épouse. « On cultive aussi un peu de blé, d’orge brassicole et d’avoine mais le sarrasin représente quand même les trois quarts de notre activité », souligne le paysan-galettier, qui fabrique chaque semaine 5.000 galettes.

Arnaud Chenard s’y connaît aussi en galette. Gérant du Moulin de la Fatigue à Vitré, il fournit en farine de blé noir IGP de nombreuses crêperies de la région. Il voit ainsi d’un très bon œil la relocalisation de la production de sarrasin en France. « Ce n’est certes pas un produit très rémunérateur mais on voit que la production progresse chaque année et c’est une très bonne chose car il y a une forte demande », indique le meunier, rappelant au passage que la galette complète a remporté le concours du plat régional préféré des Français organisé par RTL lors du dernier salon de l’agriculture.