France

Après les violences du 1er mai, faut-il une nouvelle loi anticasseurs ?

Dans les rangs policiers, les esprits sont encore très marqués par les violences qui ont émaillé les manifestations du 1er mai. Un CRS a reçu un cocktail Molotov, qui l’a grièvement brûlé au visage, boulevard Voltaire, à Paris. Comme lui, 406 de policiers et gendarmes, qui ont fait face pendant près de quatre heures aux casseurs et black blocs, ont été blessés ce jour-là en France et 31 ont été hospitalisés. « La manifestation a choqué parce que la violence a passé un autre niveau, des policiers ont quand même subi des tentatives d’homicide », déplore Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP police FO. Le parquet de Paris a effectivement ouvert une enquête en ces termes après le jets du cocktail molotov sur un policier.

Les forces de l’ordre « tentent d’endiguer une violence exponentielle dirigée à l’encontre des citoyens, des biens et des institutions mais surtout à leur encontre », dénoncent plusieurs organisations syndicales, dont Alliance, dans un courrier adressé au chef de l’Etat. Leurs représentants sont reçus ce vendredi et lundi à l’Élysée par Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron. Leur objectif: obtenir des « gestes forts immédiats », et notamment une nouvelle loi « anti-casseurs ».

« Il y a des pistes de réflexions »

Le ministre de l’Intérieur a d’ores et déjà jugé qu’un nouveau texte était nécessaire. Gérald Darmanin en a parlé, vendredi dernier, avec son homologue de la Justice, Éric Dupond-Moretti. « Il y a des pistes de réflexions mais c’est encore un peu tôt. Il faut savoir exactement ce qu’il y a dans le droit existant, ce qui est applicable ou non, et voir comment on peut améliorer le texte », confie-t-on dans l’entourage du garde des Sceaux. Et d’ajouter: « Quand on voit les images du 1er mai, c’est normal de s’interroger et de réfléchir au sujet. »

Reste que la dernière loi du genre remonte à avril 2019. Elle a instauré le délit de dissimulation du visage sans motif légitime en manifestation et autorisé les fouilles de sacs et de véhicules, dans et aux abords des cortèges. En revanche, le Conseil constitutionnel avait censuré la mesure permettant aux préfets de prononcer des interdictions administratives de manifester, sur le modèle des interdictions administratives de stade sanctionnant les supporters de foot violents. Les Sages avaient estimé que cette disposition portait atteinte « au droit d’expression collective des idées et des opinions » et n’était « pas adaptée, nécessaire et proportionnée ».

« On n’a pas besoin juridiquement d’une nouvelle loi »

Pour Linda Kebbab, il est pourtant nécessaire « d’interdire à des personnes ayant déjà exercé des violences, de la casse ou des dégradations, de participer à une manifestation ». Le 1er mai, quelque 540 personnes ont été interpellées en France, dont 305 à Paris. « Mais 80 à 90 % des gens ont été relâchés » à l’issue de leur garde à vue, ajoute la syndicaliste, qui affirme pourtant que « des personnes ont été prises la main dans le sac mais n’ont pas été condamnées », faute d’éléments probants. Linda Kebbab plaide pour une réforme de la procédure pénale visant à « éviter que des avocats s’engouffrent dans les vices de procédures ».

Thibaut Spriet, secrétaire national du Syndicat de la magistrature, est plus circonspect sur la nécessité d’une nouvelle loi, notant qu’il existe « déjà beaucoup d’outils répressifs dans notre droit pénal qui permettent de réprimer et de sanctionner les auteurs d’infractions dans le cadre d’une manifestation ». « On n’a donc pas besoin juridiquement d’une nouvelle loi qui serait une loi d’affichage allant dans le sens d’une surpénalisation du maintien de l’ordre », souligne le magistrat. Et ce dernier d’ajouter : « brûler une poubelle, détruire un bien public, s’en prendre aux forces de l’ordre, ce sont déjà des infractions qui peuvent faire l’objet d’une sanction censée dissuader les auteurs. » Le gouvernement, dit-il, tente de détourner l’attention, avec ce texte, des « gardes à vue abusives » et des « violences policières » observées.