Belgique

Pour Marc Uyttendaele (ULB), les propos d’Eric de Beukelaer sur l’avortement relèvent… du Code pénal

Dans La Libre du week-end, Sophie Rohonyi se montrait dure à l’égard de la position récemment exprimée par les évêques sur cette délicate question : “Je pense qu’ils n’ont pas à s’immiscer dans des débats comme ceux-là qui ne doivent plus être vus comme des débats éthiques, mais comme des questions de santé publique”.

Sur son blog, Eric de Beukelaer s’indignait de cette volonté d’empêcher la discussion. Une volonté qui relèverait, selon lui, de “la démocrature soft qui dénigre la parole à contre-courant pour ne pas devoir affronter le débat de fond”. En plus des questions de santé publique, l’avortement a une dimension éminemment éthique, ajoutait-il.

La polémique qui oppose Sophie Rohonyi (Défi) et Eric de Beukelaer.

Lundi, sur Twitter, Marc Uyttendaele a pointé du doigt cette intervention d’Eric de Beukelaer. “Propos choquants du vicaire de Beukelaer à l’égard de la députée Rohonyi. L’article 268 du Code pénal interdit à un ministre du culte d’attaquer publiquement une loi. La loi consacre le droit à l’IVG. Le clergé doit s’y soumettre. Ce n’est pas une question éthique, c’est l’État de droit”, a-t-il publié sur les réseaux sociaux. Cette prise de position du constitutionnaliste a elle-même suscité un nouveau torrent de commentaires sur le web…

Le vicaire général de Liège tombe-t-il en effet sous le coup du droit pénal pour avoir critiqué la députée fédérale ? On peut sérieusement en douter. “L’article est en vigueur mais je n’ai pas souvenir d’une condamnation sur cette base, relève Caroline Sägesser, chargée de recherches au Crisp (Centre de recherche et d’information sociopolitiques) et spécialiste de la laïcité et des cultes. En outre, l’article réprime les discours prononcés dans l’exercice du ministère, durant les prêches. Les propos d’Eric de Beukelaer (qui ont été exprimés sur son blog) ne tombent donc pas sous le coup de l’article.

”Une disposition désuète du Code pénal”

Pour Caroline Sägesser, cette disposition pénale s’efface devant des droits plus fondamentaux.” Bon nombre d’analystes soulignent que cet article est probablement incompatible avec le principe de liberté d’expression protégé par la Convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, ce qui est réprimé dans cet article, qui figurait déjà dans le premier Code pénal en 1867, c’est l’attaque directe du gouvernement, de la loi. Je ne vois pas très bien d’application aux propos d’Eric de Beukelaer sous cet angle non plus. Dans tous les cas, cette disposition du Code pénal me semble être désuète.

Eric de Beukelaer a-t-il mis à mal le principe de laïcité ou la séparation de l’Église et de l’État en s’exprimant sur l’IVG ? La chercheuse du Crisp ne le pense pas. “La laïcité postule qu’un prêtre est un citoyen comme un autre (et a donc droit à la liberté d’expression, NdlR), n’en déplaise à Maître Uyttendaele”, conclut Caroline Sägesser.

Le texte d’Eric de Beukelaer publié sur son blog en réaction à l’interview de Sophie Rohonyi.