Belgique

Les magistrats bientôt soumis à un screening pour lutter contre les tentatives de corruption ?

« Si on contrôle les magistrats, on doit aussi contrôler le politique », « une dérive totalitaire »: le screening des magistrats divise

Avec manifestement une crainte en ligne de mire : voir des magistrats et du personnel de justice être acheté par l’un ou l’autre criminel en échange, par exemple, d’informations concernant un dossier. C’est un peu dans l’optique de lutter contre ce potentiel risque qu’un texte de loi – que La Libre a pu lire dans son intégralité – est en cours d’élaboration.

Bases de données de la police, des renseignements, casier judiciaire

Le texte – un avant-projet de loi portant sur le statut social du magistrat et introduisant une vérification de sécurité pour les magistrats et personnel judiciaire – stipule ainsi que “dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, les craintes d’infiltration d’organisations criminelles augmentent, y compris dans l’ordre judiciaire. Ce projet vise à minimaliser le risque d’une telle infiltration tant parmi la magistrature que parmi les membres du personnel judiciaire et, à cette fin, introduit une vérification de sécurité obligatoire telle que décrite aux articles 22quinquies et suivants de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité”.

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Ainsi, les magistrats et le personnel judiciaire feraient l’objet d’un screening par l’Autorité nationale de Sécurité (organe chargé de protéger les informations classifiées) qui pourra ensuite émettre un avis de sécurité après un contrôle. Pour cela, l’organisme de sécurité pourra notamment consulter et évaluer des informations confidentielles dans les bases de données de la police, des renseignements ou encore dans les casiers judiciaires. Si le screening donne lieu à un avis négatif, le magistrat ou membre du personnel judiciaire contrôlé pourrait être démis de ses fonctions.

L’avis de sécurité n’étant accordé que pour une période maximale de cinq ans, une vérification de sécurité devra être répétée à des intervalles réguliers, précise l’avant-projet de loi.

Le port d’Anvers aussi concerné

Les cas de corruption se sont multipliés ces dernières années, surtout autour des milieux de narcotrafiquants. Mais aucun élément concernant la corruption d’un magistrat ou d’un membre du personnel judiciaire n’a été rendu public.

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En septembre 2022, un policier a été placé sous mandat après avoir proposé à des douaniers environ un million d’euros pour avoir accès à un conteneur dans le port d’Anvers, dans lequel étaient cachées plusieurs centaines de kilos de cocaïne. Un docker du port d’Anvers s’est vu proposer 20 000 euros pour déplacer une grue (et faciliter le transport d’une cargaison de drogue). Des membres de l’une ou l’autre administration se sont également fait épingler pour avoir partagé des informations confidentielles, mais rien n’indique à l’heure actuelle que des juges auraient été approchés par des criminels.

Contacté, le cabinet du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), explique qu’il y a déjà eu, par le passé, des tentatives d’infiltration de membres de la criminalité organisée dans le monde de la justice. “Il ne faut pas être naïfs et le screening doit permettre d’éviter ces tentatives d’infiltration, précise-t-on. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un contrôle, mais d’un screening. Et il n’est pas question d’opérer un screening à l’aveugle, une analyse des risques au préalable devra être mise en place pour déterminer les fonctions sensibles qui pourraient être ciblées. Nous en discutons avec la magistrature qui est d’accord sur le principe. Nous avançons, mais rien n’est encore concret. Par ailleurs, le ministre de la Justice a déjà annoncé que le personnel du port d’Anvers sera soumis à ce screening. Notre volonté est de réduire les risques de corruption au maximum.”