Belgique

Entre bourrage d’urnes, putsch et plainte pour harcèlement, le chaos règne chez les Jeunes MR bruxellois

Cette férocité n’est pas l’apanage des hautes sphères. Les intrigues fomentées chez les Jeunes MR, en particulier en Région bruxelloise, n’ont rien à envier aux meilleurs épisodes des séries politiques Borgen ou House of Cards.

Entre copinage, plainte pour harcèlement, tentatives de putsch et démission fracassante, la situation interne que traverse l’organisation de jeunesse politique liée au Mouvement Réformateur est délétère.

guillement

Il y a quelques jours, j’ai présenté ma démission en tant que présidente des Jeunes MR d’Ixelles suite à une énième tentative de bourrage d’urnes au sein des Jeunes MR de la capitale en préparation d’une assemblée générale. A Ixelles, durant le mois et demi qui a précédé l’assemblée générale, une trentaine de nouveaux membres s’est inscrite aux jeunes MR d’Ixelles. J’ai démissionné car ce n’est pas la première vague de fausses inscriptions à laquelle je suis confrontée. »

”Il y a quelques jours, j’ai présenté ma démission en tant que présidente des Jeunes MR d’Ixelles suite à une énième tentative de bourrage d’urnes”, a écrit sur les réseaux sociaux Delara Pouya, par ailleurs attachée presse du Vice-Premier ministre David Clarinval.

”À Ixelles, durant le mois et demi qui a précédé l’assemblée générale (NdlR : organe qui élit le président de section locale), une trentaine de nouveaux membres s’est inscrite aux jeunes MR d’Ixelles. J’ai démissionné car ce n’est pas la première vague de fausses inscriptions à laquelle je suis confrontée. J’ai tenté de contacter ces nouveaux inscrits mais je n’ai jamais eu de réponse”, reprend Delara Pouya. “Il faut comprendre qu’une fois inscrits, ces nouveaux venus ont le droit de vote en cas d’assemblée générale. Ce n’est pas éthique et c’est déloyal. Mais c’est compliqué à gérer car l’inscription est gratuite chez les jeunes MR. Et rien n’interdit à un parti de recruter des gens… qui s’en foutent”.

Laura Hidalgo, présidente des Jeunes MR au niveau national, regrette que “des Jeunes de nos rangs puissent véhiculer des informations inexactes”. Elle ajoute que le format des “élections locales internes se déroule en présentiel et que les procurations sont formellement interdites.” Elle reconnaît toutefois que “vu nos milliers de membres, il est difficile de procéder à une vérification quotidienne de chaque structure.”

D’autres témoignages font toutefois état de ces pratiques, aussi à Bruxelles-ville et Etterbeek.

À Bruxelles-ville, plus de votes que de votants

Olivier Eggermont, président des Jeunes MR Bruxelles-ville a ainsi récemment déposé un recours auprès de la Commission de contrôle et d’arbitrage. Lors de la dernière assemblée générale, censée élire un nouveau président, il y aurait eu plus de votes que de votants… “Je préfère penser que la fraude n’était pas volontaire”, pointe Olivier Eggermont.

Lorsque ces tensions sont évoquées, le nom de Kevin Karena (24 ans), président des jeunes MR en Région bruxelloise, revient avec insistance. ” On ne peut prouver le lien, mais ces pratiques de nouvelles inscriptions ont commencé au début de sa présidence, il y a deux ans”, lance Delara Pouya.

Ce jeune diplômé en droit s’est récemment signalé en déposant des poubelles non récoltées devant le cabinet du ministre bruxellois de l’environnement Alain Maron (Ecolo).

Les Jeunes MR déposent des poubelles non collectées devant le cabinet du ministre Alain Maron : “Ecolo dehors”, réclament les jeunes libéraux

”Un comportement dictatorial”

En interne, certains dénoncent un comportement “dictatorial”, et des tentatives de putsch dans chaque section locale.

Nous avons été les premiers à Etterbeek à subir cette pratique. Un jour, nous avons subitement enregistré une vingtaine de nouvelles inscriptions. Dans la foulée, Kevin Karena convoquait une assemblée générale, de force”, raconte Mathilde Danis, présidente des jeunes MR à Etterbeek. “Il avait décidé de ne pas reconnaître notre élection, invoquant les statuts. En fait, il peut se permettre de faire ce qu’il veut, car il est très proche de la présidente nationale, Laura Hidalgo, qui le couvre. Parmi les nouveaux adhérant, certains habitaient à Luxembourg, d’autres m’ont avoué s’être inscrits uniquement pour le vote. Kevin Karena organise cela dans presque chaque section locale. ll fait débarquer ses amis pour faire élire un proche à la présidence. Chez nous, à Etterbeek, il voulait placer la petite amie d’un proche, le président d’une autre section locale.”

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L’autre candidate a déposé plainte, assurant se faire suivre en voiture et être harcelée au téléphone. Quelque temps après, j’ai reçu un courrier de police contenant un P.V. pour harcèlement et traque furtive! J’ai passé deux heures à répondre à des questions. C’était lunaire… La plainte ne reposait sur rien« 

L’affaire prendra même une ampleur plus préoccupante. “L’autre candidate a déposé plainte, assurant se faire suivre en voiture et être harcelée au téléphone. Quelque temps après, j’ai reçu un courrier de police contenant un P.V. pour harcèlement et traque furtive ! J’ai passé deux heures à répondre à des questions au commissariat. C’était lunaire… La plainte ne reposait sur rien”, reprend Mathilde Danis. “Nous avons demandé au parti à plusieurs reprises d’intervenir, mais ça n’a jamais été fait. Après mon mandat, je ferai un pas de côté, je ne peux pas travailler avec des gens qui entretiennent un tel climat toxique.”

Le bourgmestre Vincent De Wolf (MR) montera finalement au créneau pour siffler la fin de la récréation. “Je refusais qu’on a créé depuis l’extérieur des problèmes avec une section qui fonctionnait bien”, se souvient Vincent De Wolf.

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Cette manière de calomnier de certains doit s’arrêter, on n’est plus à l’école secondaire. Les jeunes MR sont devenus la première organisation de jeunesse politique à Bruxelles. »

L’ensemble des pratiques dénoncées sont démenties avec aplomb par Kevin Karena. Il se défend notamment de toute volonté de manipulation des votes.

Des gens viennent en effet s’engager chez les jeunes MR. Mme Pouya parle d’une trentaine de personnes, rien qu’à Etterbeek. Le chiffre évoqué est supérieur à la réalité et dans ces personnes, il y a aussi des très proches de l’ancienne présidente… Ceux qui critiquent, comme par hasard, sont des gens qui ont eu même du mal s’engager et ne sont pas d’accord avec la dynamique que je veux installer”, lance Kevin Karena. “On m’a dit à plusieurs reprises : pourquoi fais-tu venir des gens qui veulent prendre notre place ? Mais c’est justement ce qui définit un parti politique ! Depuis mon arrivée, nous avons doublé le nombre de nos inscrits. Nos assemblées générales rassemblent 150 à 200 personnes, contre 50 maximum auparavant”, assure Kevin Karena. “Cette manière de calomnier de la part de certains doit s’arrêter, on n’est plus à l’école secondaire. Les Jeunes MR sont devenus la première organisation de jeunesse politique à Bruxelles. Et logiquement, plus on est nombreux, plus les problèmes personnels sont difficiles à gérer.”

Au sein du MR, tout en ayant connaissance de certaines difficultés, on refuse tout interventionnisme. “Les JMR sont une organisation indépendante de jeunes, avec toute la fébrilité que ça comporte. Ce qui m’importe, c’est ceux qui pourront faire œuvre utile au projet libéral”, assure David Leisterh, président du MR bruxellois.

L’ampleur des rivalités entre ces libéraux en herbes peut surprendre, a fortiori pour des postes non rémunérés et à un tel niveau.

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« Pour beaucoup, c’est bêtement une histoire de titre. Aux Jeunes MR, tout le monde est plus ou moins président ou vice-président de quelque chose. Il y règne aussi une vision viriliste du pouvoir, dans laquelle où nous serions tous des pions qu’il faut écraser pour avancer d’une case. »

”Pour beaucoup, c’est bêtement une histoire de titre. Aux Jeunes MR, tout le monde est président ou vice-président de quelque chose”, reprend Delara Pouya. “Il y règne aussi une vision viriliste du pouvoir, dans laquelle nous serions tous des pions qu’il faut écraser pour avancer d’une case. Beaucoup de femmes arrêtent la politique en partie pour ces raisons… Je vois de plus en plus de jeunes débarquer avec l’ambition de se préparer une place sur les listes, bien plus que par conviction libérale. C’est peut-être lié à la peopolisation de la politique mais aussi à la notoriété et au charisme de Georges-Louis Bouchez, qui attire les jeunes. Par contre, on ne sait pas toujours s’ils viennent pour les bonnes raisons. Y a-t-il suffisamment de contrôle dans les jeunesses politiques, de manière générale ?”

Ce samedi matin, une assemblée générale des jeunes MR se réunira pour entériner le résultat de plusieurs élections. Mais la nouvelle politique, décidément, ressemble furieusement à l’ancienne.