Belgique

En débat, Marc Uyttendaele juge que le PS bruxellois encourage “le communautarisme” et qu’” Ahmed Laaouej est le fossoyeur de la laïcité”

Dans une conférence-débat, organisée par le café laïque de Bruxelles ce 1er mars et lors de laquelle il a présenté son livre, il a croisé le fer avec Fadila Maaroufi, de l’observatoire des fondamentalismes. Marc Uyttendaele s’est également livré à une analyse au picrate de la situation politique bruxelloise, et de celle du PS en particulier.

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La nouvelle de cette sortie sans filtre a rapidement fait le tour de plusieurs partis.

Suis-je du PS ? J’ai toujours eu une difficulté, presque atavique, à me fondre dans un groupe. Cela doit être génétique”, a commencé par expliquer le professeur de l’ULB. “Dans un livre, Roger Vailland glisse que les balles perdues sont toujours pour les compagnons de route. Je peux me considérer comme un compagnon de route du parti socialiste qui, pendant des années, était le parti le plus proche de moi, de mon univers, de mon milieu, familialement aussi. Si vous souhaitez une parole officielle du PS, il faut s’adresser ailleurs. Parce que je ne me ressens pas comme débiteur d’une quelconque pensée de quelque structure que ce soit.”

Des désaccords sur la conception de laïcité et de la neutralité, notamment dans le dossier des signes convictionnels à la STIB, sans parler de la mise l’écart de son fils suite à son refus de suivre la ligne du parti sur l’abattage sans étourdissement, l’ont toutefois amené à prendre ses distances avec le PS bruxellois.

Je comprends que par rapport à la laïcité, vous ayez quelques difficultés à trouver des membres ou mandataires socialistes. À Bruxelles encore moins. Enfin, il y en a un et il est suspect puisque c’est mon fils”, a-t-il indiqué à l’assemblée. “Au-delà de ça, le basculement a eu lieu, pas qu’au parti socialiste d’ailleurs. Mais il est total.”

Pour Marc Uyttendaele, qui fustige le clientélisme et le communautarisme du PS bruxellois, ce basculement doit être envisagé sous deux angles.

guillement

Les laïcs au PS bruxellois sont aux abonnés absents. »

”Les laïcs au PS bruxellois sont aux abonnés absents. Ils ont décidé que ce n’était pas un combat qui devait être mené. Probablement que, dans leurs tripes, leurs viscères, ils sont toujours laïcs. Mais jamais ils ne l’exprimeront. Parce qu’il y a une logique électorale, pour ne pas dire clientéliste, qui fait qu’il a été décidé pour ce parti de prospecter les quartiers – qui est un mot que je n’ai pas envie d’entendre – et donc de frotter une communauté dans le sens du poil. Alors que cette communauté n’a peut-être pas envie d’être frottée dans ce sens du poil. Car toute communauté est composite.”

Il juge que ces positions “décevantes” du PS bruxellois constituent “un recul par rapport aux décennies précédentes”.

Marc Uyttendaele n’hésite pas à nommer ceux qui, selon lui, incarnent ce basculement.

Le fossoyeur de la laïcité a un nom : il s’appelle Ahmed Laaouej (président du PS bruxellois). Mais je crois qu’au-delà de ça, le pire, ce n’est pas Laaouej ou Ridouane Chahid, qui juge utile de se mettre en scène sur les réseaux sociaux dans des comportements religieux. Ce sont les muets, ce sont les silencieux, ce sont ceux qui, au moment du vote sur l’abattage avec étourdissement, se sont alignés derrière les religieux et ceux qui draguent les religieux. Le vrai problème est là. Il faut avoir le courage d’appeler un chat un chat”.

”Sauf votre fils”, l’interpelle un membre de l’assemblée.

”Oui, sauf mon fils. Mais il en assume les conséquences dans la marginalisation”, au sein du parti, reprend Marc Uyttendaele.

Selon le Bruxellois, les autres partis ne sont toutefois guère plus reluisants.

guillement

Les Ecolos, au moins assument le communautarisme qui, à Bruxelles, est dans leur ADN politique. Et Défi a été particulièrement navrant. »

”Les Ecolos, au moins assument le communautarisme qui, à Bruxelles, est dans leur ADN politique. Ils sont cohérents”, pointe-t-il. “Défi a été particulièrement navrant. J’avais un profond respect pour Olivier Maingain dans ce débat. Il a déposé une proposition très intéressante sur l’inscription de la laïcité dans la Constitution. Mais au moment du débat sur l’abattage, il a dit ne pas vouloir mélanger les voix de son parti avec celles de la N-VA et du Vlaams Belang. Cela veut dire que, si le Vlaams Belang et la N-VA votent contre la peine de mort, Olivier Maingain votera pour.”

Selon Marc Uyttendaele, “les libéraux ne sont pas plus réjouissants” que les autres partis.

Pour Marc Uyttendaele, dans leur texte sur les signes convictionnels, les libéraux font « un cadeau aux catholiques qui n’a pas évidemment pas lieu d’être. »

”J’ai été entendu (comme expert) dans une commission au Parlement bruxellois dans le cadre d’une proposition visant à interdire les signes convictionnels dans toutes les administrations bruxelloises. Mais avec un mot qui tue et qui fait que, même moi, si j’avais été parlementaire, je n’aurais pas voté cette proposition. L’interdiction était faite à l’égard de tout signe religieux ostentatoire. Cela se distingue du signe religieux ostensible, et le signe religieux ostentatoire vise clairement le voile islamique, éventuellement le turban Sikh ou une Kippa. Mais ça ne vise pas une discrète croix chrétienne”, conclut le constitutionnaliste. “C’est fondamental que l’affirmation de la laïcité implique de traiter toutes les religions sur le même pied. Et il ne s’agit pas, au nom d’une histoire qui n’est pas forcément glorieuse d’ailleurs, de réserver un traitement de faveur à une religion plutôt qu’une autre. C’est ça la différence entre ostensible et ostentatoire. C’est faire un cadeau aux catholiques qui n’a évidemment pas lieu d’être.”