Belgique

Des notaires saisissent la justice pour contrer la réforme qui prévoit une baisse de leurs honoraires

Recul du service public du notariat

Cette réforme consiste à diminuer les honoraires payés aux notaires dans le cadre de l’achat et du financement d’un bien immobilier pour autant qu’il s’agisse de l’unique propriété que possède l’acheteur et qu’il y vive lui-même.

Les personnes qui achètent une propriété d’un coût compris entre 100 000 et 350 000 euros paieront en moyenne 1 000 euros de moins pour l’achat et le financement de leur logement. Pour les habitations dont le prix est compris entre 350 000 et 850 000 euros, la réduction diminuera progressivement.

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Pour les notaires situés dans des régions où le prix d’achat moyen d’une maison se situe la plupart du temps entre 100 000 et 250 000 euros, les conséquences sont importantes entraînant une diminution d’honoraires sur la quasi-totalité des actes de ventes et de crédits de ce type d’études. Ils disent se retrouver en difficulté financière et sont obligés de se séparer d’une partie de leur personnel. Ils se sentent clairement défavorisés par cette réforme qui les oblige à faire des choix financiers non souhaités pour adapter leurs charges à la baisse de rentrées à laquelle ils sont confrontés et ce, au détriment de la qualité du service public et de leurs prestations.

D’où ce recours devant la Cour constitutionnelle où de nombreux arguments sont avancés pour démontrer que la réforme ne respecte notamment pas le droit constitutionnel de la non-discrimination et de l’égalité.

Licenciements en vue

”Je ne vois pas pourquoi nous devrions financer à titre personnel les politiques publiques décidées par le ministre. Si on veut aider le citoyen lors d’une première acquisition, ce qui est une excellente idée pour tout le monde, il suffit par exemple notamment pour cela – et personne ne l’ignore – de diminuer les droits d’enregistrement perçus lors de l’achat ; le citoyen sera ravi et l’ensemble des notaires également. Il n’appartient pas à une profession de financer de manière isolée les décisions politiques des uns et des autres. Est-ce qu’il serait logique ou acceptable d’annoncer une diminution des honoraires des médecins pour financer la construction de nouveaux hôpitaux ou des logements pour les sans-abri ? C’est discriminatoire pour notre profession et surtout pour le citoyen qui en fait les frais chaque jour dans nos études où le temps manque cruellement pour assurer les mêmes services qu’avant l’entrée en vigueur de la réforme. Les licenciements que l’on craignait à l’annonce de cette réforme sont en train de se produire en masse et nous déplorons de voir nos équipes s’amoindrir laissant une charge de travail supplémentaire aux collaborateurs restant en poste dans nos études. Dans mon étude, on est passé de 5 à 4 collaborateurs et il n’y a plus personne à l’accueil pour répondre aux personnes qui se présentaient depuis toujours au guichet sans rendez-vous – particulièrement les jeunes et les personnes âgées afin de poser des questions et résoudre leurs problèmes au quotidien. Notre rôle social est cruellement impacté par le manque de temps qu’on a perdu du chef de cette réforme”, nous explique un des notaires requérants faisant partie des signataires de ce recours.

Série de témoignages

La requête comprend une série de témoignages qui sont autant de cris d’alarme et font comprendre qu’à ce rythme-là, un certain nombre de notaires et de type d’études ne vont pas tenir le coup occasionnant une désertification notariale pour le citoyen principalement en milieu rural.

Dans la nouvelle loi, il est prévu que le fonds notarial intervienne pour compenser certains manques à gagner dans le cadre de l’achat d’une habitation de 60 000 à 325 000 euros (cela va de 75 euros à 175 euros). Les requérants jugent ces compensations forfaitaires insuffisantes car elles ne comblent pas la perte réelle et effective d’honoraires subie. Aucune compensation n’est en outre prévue pour les transactions au-dessous de 60 000 euros alors que de nombreux biens se vendent au-dessous de ce montant dans de certaines provinces du pays.

Les requérants ne comprennent pas non plus qu’ils n’aient pas droit à une indexation dans le calcul des honoraires proportionnels contrairement à d’autres professions réglementées telles que les huissiers ou médecins. Ils voient là une autre forme de discrimination. Ils balaient d’un revers de la main l’argument du ministre de la Justice selon lequel la “non-indexation” se justifie par la hausse des prix de l’immobilier. “C’est oublier que nos honoraires de vente sont dégressifs en d’autres termes, plus le prix augmente, plus le pourcentage des honoraires diminue “, souligne un des notaires requérants.

Et de faire également remarquer “que la réforme ne permet plus non plus de garantir la discrétion et la vie privée en ce qui concerne précisément les renonciations à succession, acte par définition privé”.

Du côté du cabinet Van Quickenborne, on ne semble pas s’inquiéter de l’issue de ces recours. “Nous analyserons plus en profondeur ces recours mais nous sommes convaincus que nous serons en mesure de le réfuter devant la justice. Nous avons confiance”, souligne le porte-parole du ministre de la Justice. Et de rappeler que la réforme “réduit de 25 % les frais de notaire pour les personnes qui achètent une maison”.