Belgique

« Dans mon métier, le plus compliqué, ce n’est pas le contact avec les morts, c’est celui avec les vivants »

”La thanatopraxie c’est un soin de conservation momentané qui va permettre de retarder le processus de décomposition du corps”, explique-t-il d’emblée en traversant un long couloir lumineux qui mène à la salle d’exposition des cercueils. C’est dans cette pièce paisible à l’éclairage doux que le Montois ajoute : “Ce n’est pas qu’un soin de conservation, c’est aussi un soin de présentation. Certains corps sont très livides. La thanatopraxie permet de donner un air plus apaisé, plus reposé et naturel au défunt”.

La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l'art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains ©ennio cameriere

Le soin de thanatopraxie, comment ça marche ?

L’homme continue son chemin vers la salle de soins, réservée aux professionnels de l’agence funéraire. Il pousse vigoureusement la grande porte d’entrée qui débouche sur un gigantesque espace, séparé en deux cloisons. Nous traversons d’abord la “salle de toilette mortuaire”, pour nous rendre dans la partie réservée à la thanatopraxie. L’atmosphère de ce lieu est des plus aseptisée : l’odeur de désinfectant et la basse température surprennent.

Lorsque le corps du défunt arrive dans cette pièce, il est placé avec précaution sur la table d’embaumement située au c. Il est d’abord nettoyé et désinfecté. Puis le soin de conservation, d’une durée de deux heures environ, commence. Les quelques bouteilles colorées déposées sur une des étagères tranchent avec le gris ambiant de la pièce. Tout est en acier inoxydable. Le thanatopracteur met des gants, une blouse et saisit les contenants : “Ce sont les produits que l’on utilise pour le soin. Ils sont à base d’antiseptique, de formaldéhyde et de colorants. Une fois qu’on a siphonné le sang du mort, on le remplace par ces produits que l’on injecte dans les artères. C’est un système de ponction et d’injection”, qui permet de conserver un corps présentable jusqu’aux funérailles.

Le formaldéhyde, aussi appelé “méthanal”, est un gaz irritant qui peut être toxique. Des précautions doivent être prises lors de son utilisation, notamment pour la protection de l’environnement. Un dosage juste de ce produit irritant est essentiel : “Aussi bien pour l’incinération que pour l’inhumation il ne faut pas que les corps soient trop concentrés en formaldéhyde. Pour une raison écologique bien sûr, mais aussi parce que les cimetières ont tendance à raccourcir les durées des concessions. Ca n’a aucun intérêt d’en faire des pharaons”, précise Pierre-Olivier Charle.

La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l'art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains ©ennio cameriere
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l'art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains ©ennio cameriere

Thanatopracteur, un métier multitâches

Si le local dans lequel nous nous trouvons est séparé en deux salles distinctes, la profession n’est pas autant cloisonnée. Les thanatopracteurs peuvent également effectuer des toilettes mortuaires, un autre type de soin.

En Belgique, un thanatopracteur ne fait pas que ça. En France, par exemple, cette méthode de soin est beaucoup plus courante, on est sur du 50-60 % de thanatopraxie. Les thanatopracteurs peuvent donc vivre exclusivement de cette activité. Ici, c’est une pratique trop récente, qui est seulement en train de se développer”, explique le professionnel.

D’ailleurs, la pratique n’est pas obligatoire en Belgique et est laissée à l’appréciation de la famille des défunts. Sur 800 corps que l’entreprise Borgno prend en charge chaque année, environ un quart reçoit un soin de thanatopraxie. “Certains l’imposent pour tous les défunts ; nous n’obligeons à rien mais parfois on le conseille. C’est parfois inévitable après un accident, une maladie, ou pour le rapatriement d’un corps dans certains pays. Mais il arrive que les proches veuillent juste voir le défunt en famille 20 minutes, et fermer le cercueil pour les visites. Alors, la toilette mortuaire suffit”.

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Dans ce cas, le corps est conservé dans une chambre climatisée afin qu’il ne se dégrade pas trop rapidement. Contrairement à la thanatopraxie, il n’est pas nécessaire d’avoir fait deux années de formation spécifique pour réaliser une toilette mortuaire. Pinceaux, poudres, fards, crayons, éponges, le local est parsemé d’étagères dont les tiroirs sont remplis de produits de maquillage et de soin. Pierre-Olivier Charle en présente certains. “Une fois qu’on a lavé et désinfecté le corps, il faut fermer tous les orifices car il peut y avoir des hémorragies. Puis on habille le défunt avec un costume, un training, un short… Ce que la famille donne. Ensuite on fait un petit maquillage pour que les traits et la couleur paraissent plus naturels qu’un teint blanc.”

La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l'art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains ©ennio cameriere

”Un maquillage est réussi quand on ne le remarque pas”

Johanna Dollorenzo est maquilleuse professionnelle. Elle forme les travailleurs des pompes funèbres au maquillage post-mortem. Aujourd’hui, c’est une séance de reconstruction faciale. Les salles de toilette mortuaire et de thanatopraxie mènent à un petit espace de formation. Ici, assise à une table, la maquilleuse reconstruit une partie du visage d’un mannequin en faisant chauffer de la cire à l’aide d’un fer à lisser. “On utilise de la cire et du silicone pour reconstruire, une bouche, un nez, une oreille… D’abord on met un point de colle, on sèche au maximum la zone, on cautérise ce qu’il faut, puis on fait chauffer la wax et on recouvre la plaie”, détaille-t-elle.

”Selon moi, un maquillage est réussi quand on ne le remarque pas”, glisse Pierre-Olivier Charle. “Parfois, les familles nous demandent de reproduire comment la personne se maquillait de son vivant sur base d’une photo”.

La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l'art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains ©ennio cameriere

Le maquillage post-mortem est une étape essentielle. “Quand un proche a vu la personne morte dans de mauvaises conditions, on lui conseille fortement de la revoir une fois préparée, afin de garder un beau souvenir. Ils sont souvent contents de cette dernière rencontre”, affirme Pierre-Olivier Charle en quittant la salle de formation pour rejoindre un grand bureau. Il y a rendez-vous avec une famille dans une quinzaine de minutes.

Le contact avec les vivants

En Belgique, les thanatopracteurs sont aussi fréquemment amenés à accueillir les familles et à les guider dans le processus. Chez Funérailles Borgno, c’est dans une grande pièce lumineuse qu’elles sont prises en charge. “C’est notre rôle de montrer les différentes possibilités qui s’ouvrent à eux pour l’organisation des funérailles. Beaucoup de personnes sont perdues face à cela et c’est normal”, explique le thanatopracteur polyvalent en finissant un appel téléphonique.

Un téléphone qui sonne souvent puisqu’au-delà des contacts avec les familles, les pompes funèbres sont aussi en relation avec les journaux (pour les annonces nécrologiques), les fossoyeurs, mais aussi les représentants des différentes confessions religieuses, quand la famille le désire. Dans le cas de la religion musulmane par exemple, la toilette mortuaire (appelée toilette coranique) doit être pratiquée par un imam.

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La fenêtre de ce grand bureau donne sur le parking de l’établissement. Pierre-Olivier Charle se lève en entendant le bruit de moteur et de portes qui claquent, la famille avec qui il a rendez-vous vient d’arriver. Tout en se dirigeant vers la porte pour les accueillir le thanatopracteur confie : “Souvent, on nous demande ce que ça fait de côtoyer la mort au quotidien. C’est notre métier, on arrive à passer au-dessus. Un accident, un proche, un enfant… ça c’est quand même toujours plus dur. Mais ce qui est plus compliqué, ce n’est pas le contact avec les défunts, c’est celui avec les vivants.”

La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l'art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains
La thanatopraxie, soins de conservation ou plus simplement embaumement sont des termes qui désignent l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver les corps de défunts humains ©ennio cameriere