Belgique

Clerfayt pas d’accord avec Maingain sur le burkini : “Mettre des contraintes sur les usagers des services publics serait une atteinte à la liberté”

Le débat sur la neutralité de l’État divise profondément les partis en Région bruxelloise, jusqu’au sein même du plus traditionnellement laïc d’entre eux, Défi.

La réouverture de la piscine Neptunium à Schaerbeek, après 6 ans de travaux, fait ainsi l’objet de nombreuses critiques. Le règlement d’ordre intérieur de l’établissement est depuis ce matin l’objet d’une polémique, suite à la publication d’un article de la RTBF affirmant que le burkini serait désormais autorisé au sein de la piscine, ce que conteste Schaerbeek.

Ce mardi matin, l’ancien président de Défi Olivier Maingain s’est distancié des arguments de la commune, mais aussi de ceux de la bourgmestre de Schaerbeek, Cécile Jodogne, également membre de Défi. Olivier Maingain a signalé qu’au Poséidon, la piscine communale de Woluwe Saint-Lambert (dont il est le bourgmestre), “le port de vêtements qui portent atteinte à l’hygiène du corps, tel que le mal nommé burkini ou encore le bermuda ou le short, restera strictement interdit. J’invite les directions des piscines bruxelloises à adopter la même règle.”

Il n’y aurait donc pas, formellement, d’opposition entre leurs argumentaires.

Contacté par La Libre, Olivier Maingain signale que c’est avant tout une question d’hygiène qui doit être garantie. “Je n’approuve pas cette décision schaerbeekoise pour des raisons évidentes d’hygiène. Avant d’entrer dans l’eau, il faut enlever ses vêtements et se laver le corps. Cela n’a donc pas de sens de laisser entrer des personnes sales dans l’eau.”

Olivier Maingain outré par le port du burkini à Schaerbeek : “Ecolo est devenu le relais des forces obscurantistes religieuses”

Ce mardi, François De Smet, président de Défi, avait pourtant assuré que le règlement de la piscine de Schaerbeek ne contenait “pas le mot “burkini”.Ce règlement mentionne en revanche bien les vêtements amples… et les interdit”, précise-t-il.

”Pas possible d’avoir un règlement plus clair que ça”

”Il n’est pas possible d’avoir un règlement plus clair que ça”, prolonge Marc Weber, chef de cabinet de Cécile Jodogne, bourgmestre de Schaerbeek. “Si vous voulez porter une tunique de triathlonien, vous pouvez. Et ce, que vous soyez un homme ou une femme, musulman ou non. Je ne peux pas faire la différence sur ce point. Par contre, si vous portez un foulard, une tenue ample, ou par exemple le modèle burkini de Nike, c’est interdit car il s’agit des vêtements amples. Est-ce que ça flotte ou pas ? C’est cela la question. On ne rentre pas ici dans la question religieuse.”

Sur ce point, par contre, les avis divergent très nettement chez Défi puisqu’Olivier Maingain analyse la question du burkini à la piscine de Schaerbeek sous l’angle d’une neutralité, qui doit selon lui être respectée dans les lieux publics. “C’est l’absence de volonté politique au gouvernement fédéral et à d’autres niveaux de pouvoir qui est problématique. Il faut édicter des règles claires pour tenir en échec la montée de l’obscurantisme religieux. Il y a une véritable offensive de ces groupes qui prospèrent suite à l’absence de règles pour faire respecter cette neutralité. Il est temps d’avoir le courage de dire non ! On respecte les conditions philosophiques et religieuses de chacun mais il y a des lieux de vie commune, comme l’école ou une piscine publique, où l’on respecte l’autorité de l’État qui est indépendante et supérieure à toute influence de groupements obscurantistes religieux”, assure-t-il, pointant du doigt l’échevin des Sports Ecolo qui a validé le règlement de la piscine estimant qu’“Écolo est devenu le relais des forces obscurantistes religieuses.”

Ce n’est pas la première fois, ni sans doute la dernière, qu’Olivier Maingain contredit publiquement les positions de son successeur à la présidence de Défi, comme sur l’abattage rituel ou la fusion avortée avec le CDH. Quitte à le mettre en difficulté.

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Il peut être tout à fait légitime, au nom de cette neutralité, de poser des interdictions à des fonctionnaires afin d’imposer une neutralité d’apparence. Mais qui n’entraîne pas des interdictions qui porte sur les adultes.Je ne connais aucun règlement qui interdit à des femmes adultes de porter un vêtement religieux quand elles vont à l’université. »

Ce mardi matin, Bernard Clerfayt, bourgmestre en titre de Schaerbeek, a fourni devant le Parlement bruxellois une analyse qui contredit nettement celle d’Olivier Maingain. Et soutient la majorité schaerbeekoise. “À ma connaissance, il ne s’agit pas d’une question de neutralité des services publics”, a déclaré le ministre bruxellois de l’Emploi et des Pouvoirs locaux. “C’est important la neutralité des services publics. Et il peut être tout à fait légitime, au nom de cette neutralité, de poser des interdictions à des fonctionnaires afin d’imposer une neutralité d’apparence, ou d’imposer des interdictions aux enfants mineurs dans les écoles, pour les protéger du prosélytisme. Mais qui n’entraîne pas des interdictions qui portent sur les adultes. Je ne connais aucun règlement qui interdit à des femmes adultes de porter un vêtement religieux quand elles vont à l’université. Il ne s’agit pas de mettre des contraintes sur les usagers des services publics. Ce serait une atteinte à la liberté, qui ne pourrait se fonder que sur des lois qui n’existent pas.”

Ces expressions dissonantes, à nouveau, illustrent les divergences de vues qui existent au sein de Défi sur la question de la neutralité de l’État et de l’étendue de son champ d’application. Et renseignent sur la difficulté qu’éprouve ce parti à concilier sa participation au sein de plusieurs exécutifs (gouvernement bruxellois, commune de Schaerbeek etc.), aux côtés du PS ou d’Ecolo, avec une conception exigeante de la neutralité de l’État. De quoi, après l’épisode de l’abattage rituel, raviver des tensions toujours latentes en interne ?