France

« Ils ont tous une histoire »… En Bretagne, ces passionnés redonnent vie à de vieux flippers

Certains se sont tellement usé les doigts sur ses flancs qu’ils n’arrivaient même plus à les plier. A l’image du baby-foot ou du billard, le flipper fait partie de ces objets iconiques qui ont marqué plusieurs générations. Pour s’offrir une partie de « pinball », les ados poussaient les portes des cafés où ils faisaient de la monnaie au bar pour choper de larges pièces de deux ou cinq francs. Une fois glissée dans le monnayeur, la pièce ramenait à la vie la lourde caisse en bois, qui s’animait dans un feu d’artifice permanent de son et lumière.

Avec seulement deux doigts, le joueur pouvait s’offrir des minutes d’adrénaline pour renvoyer la bille d’acier avec les batteurs, visant les rampes et les bumpers. Le véritable marqueur de toute une génération. « J’ai toujours adoré y jouer. Il y en avait un au lycée où j’étais à Nantes. C’était très populaire et on en trouvait souvent dans les salles d’arcade où on allait jouer aux jeux vidéo. Ce qui est fascinant avec le flipper, c’est que tu manipules un véritable objet. Tu n’es pas scotché devant un écran ».

Amadine et Noël Le Moult ont créé la société Flip Again, spécialisée dans la réparation de vieux flippers.
Amadine et Noël Le Moult ont créé la société Flip Again, spécialisée dans la réparation de vieux flippers. – C. Allain/20 Minutes

Comme bon nombre d’adolescents des années 1990, Noël Le Moult a progressivement délaissé le flipper, voyant l’objet disparaître des cafés qu’il avait l’habitude de fréquenter. Et puis, un jour de 2009, le grand adolescent qu’il était devenu s’est offert un vieux flipper. « C’était un modèle Transporter The Rescue, un truc pas très courant ». Il ne le savait pas encore, mais cet achat allait progressivement changer sa vie. Ou plutôt celui de sa compagne. « Moi, je n’étais pas passionnée, je n’y connaissais rien. Je pensais qu’il s’était juste fait un plaisir, que ça lui passerait ». Amandine Le Moult se tenait un peu loin de la passion de Noël, jusqu’au jour, où elle a voulu lui donner un coup de main pour quelques retouches de peinture sur son flipper. Cette artiste peintre a alors découvert un univers qu’il l’a passionnée. Tellement passionnée qu’elle a décidé d’en faire son métier.

« On n’était pas dans la société du tout jetable »

Après plusieurs années à retaper les vieilles machines, Amandine a créé sa petite entreprise. Baptisée Flip Again, elle est basée au domicile du couple, qui réside à Martigné-Ferchaud, dans la campagne d’Ille-et-Vilaine. Dans un petit appentis de leur maison, les amoureux entassent une vingtaine de flippers qu’ils doivent remettre en ordre de marche. Les plus anciens datent des années 1960 et sont entièrement mécaniques. Les plus récents ont grandi dans les années 2000 et sont bardés d’électronique. « C’est un objet assez gros donc tu as plein de choses à faire dessus. Ce sont de belles machines, qui avaient été conçues pour durer. On n’était pas dans la société du tout jetable. Chaque flipper a son histoire, son vécu. C’est ce qui est plaisant dans le fait de réparer. On prolonge la vie de l’objet, on lui redonne vie », explique la jeune femme.

Des années 60 à aujourd'hui, les flippers ont connu plusieurs périodes de gloire mais ont parfois été abandonnés.
Des années 60 à aujourd’hui, les flippers ont connu plusieurs périodes de gloire mais ont parfois été abandonnés. – C. Allain/20 Minutes

Adepte de la bricole, Amandine doit parfois demander de l’aide à son conjoint, ingénieur en électronique, quand il faut toucher aux connectiques de ses flippers. Désormais bien référencés parmi le microcosme des passionnés, Amandine et Noël sont sans cesse en quête de machines à remettre d’aplomb. Le problème, c’est qu’ils ne sont plus les seuls. « Il y a un net regain d’intérêt. La communauté est très active, il y a des tournois, des expositions. Même les fabricants jouent le jeu. Ils sortent plusieurs modèles neufs chaque année et ça s’arrache », explique Noël.

La demande a évidemment fait grimper les prix. Pour s’offrir un modèle neuf, il faut souvent débourser plus de 20.000 euros. Le marché de l’occasion a connu le même sort et il n’est pas rare de voir de vieilles bécanes abîmées s’arracher à plusieurs milliers d’euros. « Pour un modèle qui fonctionne, il faut compter entre 2.000 et 5.000 euros. C’est devenu une folie », reconnaît Amandine. L’inflation a eu un mérite. Désormais, les propriétaires de vieux flippers hésitent moins à les faire réparer, même quand le jeu a subi des années d’inactivité. « Ils savent qu’ils pourront les revendre à un bon prix », assure Noël. Mais la plupart du temps, ils préfèrent les garder. Histoire de voir s’ils n’ont pas perdu la main.