Suisse

«La communauté horlogère ne peut pas se passer d’un grand événement fédérateur»

Le salon Watches and Wonders dévoile ses fastes dans les halles de Palexpo à Genève. Wwgf/keystone/cyril Zingaro

Le plus grand salon horloger du monde se tient cette semaine à Genève dans un contexte de croissance historique pour la branche. Après la disparition de Baselworld, Watches and Wonders se profile comme le nouveau rendez-vous incontournable pour la communauté horlogère globalisée.

Ce contenu a été publié le 28 mars 2023


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Watches and WondersLien externe. Ce salon regroupe les grandes marques horlogères emblématiques du secteur telles que Rolex, Patek Philippe, Cartier ou encore TAG Heuer et attire des journalistes en provenance du monde entier.

Pour la première fois, la foire et ses stands somptueux sont également accessibles au grand public (les 1 et 2 avril). Profitant de la venue à Genève de milliers de visiteurs à cette manifestation, de plus petites maisons horlogères avec des moyens plus modestes présentent également leurs garde-temps à un autre salon, Time to WatchesLien externe, ou dans les grands hôtels de la ville au bord du lac Léman.

De quoi profiler Genève comme nouveau centre d’excellence pour l’organisation de cet événement fédérateur essentiel à la bonne marche de l’industrie, estime Serge Maillard, éditeur de la revue spécialisée Europa StarLien externe.

Serge Maillard est un observateur avisé du monde de l’horlogerie. DR

swissinfo.ch: Après les déboires financiersLien externe qui ont conduit à la disparition de Baselworld, Watches and Wonders s’affiche comme le nouveau rendez-vous horloger phare du printemps. Est-ce une bonne nouvelle pour l’horlogerie suisse?

Serge Maillard: Oui, assurément. L’industrie horlogère ne peut pas faire l’économie d’un grand rassemblement annuel qui réunit les professionnels, les journalistes, mais aussi les passionnés et les collectionneurs de montres. Un tel salon représente un point de cristallisation pour toute cette communauté présente dans le monde entier.

Le salon Watches and Wonders est désormais le lieu où il faut être présent au printemps si on a un quelconque lien avec cette communauté.

Cela faiisait longtemps que Genève et Bâle se disputaient le leadership pour l’organisation du plus grand salon horloger mondial. Avec la disparition de Baselworld, Genève est désormais le seul point d’ancrage sur la carte.

Genève est une terre d’horlogerie, ce que n’était pas Bâle. Y voyez-vous un atout pour l’organisation d’un tel salon?

Il s’agit en effet d’un atout incontestable pour les marques genevoises que de pouvoir jouer à la maison. C’est beaucoup plus facile à gérer d’un point de vue logistique. Ces marques [telles que Rolex ou Patek Philippe] profitent également de l’occasion pour faire visiter leurs manufactures aux détaillants et journalistes qui viennent de l’étranger. Si on avait imaginé un nouveau salon horloger à Zurich, par exemple, qui n’est pas une terre d’horlogerie, cela n’aurait pas du tout eu le même impact.

Mais a-t-on encore vraiment besoin d’un tel salon dans notre monde hyperconnecté?

Il y a quelques années encore, on entendait souvent ce type de discours qui remettait en cause l’utilité de telles manifestations. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Le modèle du salon horloger multi-marques a non seulement survécu aux réseaux sociaux et à la crise du Covid, mais il en ressort même plus fort.

Je fais volontiers le parallèle avec la Coupe du monde de football. C’est un événement planétaire qui donne ponctuellement une visibilité importante à ce sport et qui fédère ses principaux acteurs. C’est la même chose pour l’horlogerie: dans un monde de plus en plus numérique, il est indispensable de valoriser le sens du collectif et de rassembler sous un même toit les principaux acteurs de ce secteur.

Watches and Wonders est un événement de réseau, de communication. Le fait qu’il mette en valeur un objet tangible, la montre, qu’on a envie de voir et si possible de toucher, lui donne une légitimité supplémentaire.

Baselworld était décrié pour le coût excessif de la location des stands et des tarifs hôteliers surfaits. Ce sont d’ailleurs deux facteurs qui ont contribué à sa perte. Est-ce vraiment différent à Genève?

On retrouve ce genre de problèmes en marge de tous les grands salons mondiaux. Il faut les contenir avant que cela ne devienne ingérable. Genève a cependant l’habitude d’organiser de grandes conférences. La ville dispose d’une infrastructure adaptée à ce type d’événement. Et pour les marques genevoises, qui évoluent à domicile, c’est bien sûr plus facile puisqu’elles ne doivent pas loger leurs employés à grands frais dans les hôtels de la place.

La manifestation est surtout dédiée à la haute horlogerie et reste fermée à quantité de marques, qui tiennent salon ailleurs. Pourrait-on imaginer un élargissement à l’avenir?

Plusieurs petites marques d’entrée et de milieu de gamme ont rejoint le salon, c’est un signal positif. D’autres événements sont organisés en parallèle et attirent de plus en plus d’acteurs de la branche. La manifestation va continuer de croître ces prochaines années.

De plus en plus de marques, même celles qui ne sont pas présentes sur le salon, vont caler le lancement de leurs nouveaux modèles sur les dates de l’événement, qui va devenir le nouveau point de repère du calendrier horloger.

Quid de Swatch Group, le plus grand groupe horloger du monde avec ses 17 marques, qui n’est pas présent à ce salon?

Pour l’instant, il n’est pas question que Swatch Group intègre le salon. Le groupe biennois dispose d’une infrastructure qui lui permet de s’en passer, par exemple en organisant des événements régionaux. Audemars Piguet et Richard Mille, deux acteurs majeurs actifs dans l’horlogerie de luxe, ont également développé d’autres stratégies pour communiquer sur leurs nouveautés et ne sont pas présents à Genève. Mais à terme, cela aurait du sens que toutes les grandes marques soient réunies à l’occasion d’un même événement.

Ce type de salon est l’occasion de dessiner les grandes tendances du moment. Quelles sont-elles?

L’horlogerie suisse vit un véritable âge d’or. La croissance sans précédent des exportations observée l’an dernier se poursuit, même si les turbulences bancaires actuelles causent quelques inquiétudes. Comme généralement on ne change pas un modèle qui gagne, on assiste plutôt à une consolidation qu’à un changement d’époque. Chaque marque se concentre sur son ADN et ses modèles à succès. Les montres en métal sport-chic, avec bracelet intégré, de même que les chronographes, restent à la pointe des grandes tendances du moment.

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