Maroc

Crowdfunding : un départ poussif ?

Et si le crowdfunding en ces temps de crise était la solution? Il faut dire que le secteur quoi qu’encore balbutiant est très prometteur. Pourtant, tous les ingrédients sont réunis pour la réussite de ce chantier. Les observateurs et acteurs du domaine ont ouvert le débat sur les actions à prendre pour permettre à ce nouveau mode de financement de prendre son envol.

La publication de l’ensemble des textes réglementaires régissant le crowdfunding ou le financement collaboratif par Bank Al-Maghrib et l’AMMC annonce l’entrée en vigueur effective du dispositif. N’empêche, les défis restent encore nombreux afin d’intégrer efficacement ce mode de financement au marché marocain. C’est ce qui a été abordé récemment lors du webinaire de la BritCham intitulé « Le crowdfunding au Maroc : Un soutien participatif solidaire en temps de crise».

Stratégie
« Le crowdfunding fait partie intégrante de la stratégie de finance nationale au Maroc élaborée en 2019», a souligné d’entrée Badr Nabil, adjoint au directeur de la supervision bancaire au sein de Bank Al-Maghrib. En effet, les 9 circulaires publiées reposent sur 3 piliers principaux : la protection des contributeurs à travers une plateforme claire et transparente permettant de communiquer l’ensemble des informations relatives au projet à tous les stades de l’opération. Le deuxième pilier étant la gestion des risques grâce à un dispositif de sécurité afin de filtrer les porteurs de projets et éviter les fraudes et enfin l’additionnalité des SFC comme étant des accompagnateurs et des conseillers ayant une réelle valeur ajoutée dans le process. De son côté, Mouad Tanouti, directeur de la direction normalisation et affaires juridiques à l’AMMC, vient compléter ce dispositif mis en place par les régulateurs avec des éléments non négligeables afin de réussir un process de financement le plus sécurisé possible : la qualité du projet, la transparence de l’information afin d’éviter les conflits d’intérêts, un dispositif assujetti à la lutte contre les blanchiments de capitaux et la contractualisation matérialisée avec des contrats. Mouad Tanouti met en avant également un ensemble d’efforts d’accompagnement de ces acteurs, l’AMMC à titre d’exemple prévoit de lancer un portail dédié de crowdfunding à travers lequel les sociétés peuvent être accompagnées à travers des formations, des guides pédagogiques…

Opportunités pour les TPME
La composition du tissu productif marocain est caractérisée par une prédominance des TPE (95% des entreprises sont des TPE dont 81% de microentreprises dont le CA est inférieur à 1 MDH). Le crowdfunding faciliterait l’accès au financement des TPME principalement celles ayant des difficultés d’accès au prêt bancaire ou à un autre mode de financement. Les avantages principaux étant l’absence de garantie et la rapidité de collecte de fonds. Le défi principal étant de renforcer la digitalisation du processus (signature électronique de contrat, remontée d’information, …), ensuite la vigilance (authentification des contributeurs ou des porteurs du projets) pour réussir le pari d’un exercice effectif en phase avec l’âme digitale de cette activité.

Initiatives solidaires
En quelques années, le crowdfunding s’est imposé dans le paysage du financement avec des volumes de montants collectés toujours plus importants. Down Bebe, cofondatrice de Crowdfunder UK, témoigne de l’importance de ce mode de financement principalement en temps de crise. Sa plateforme à titre d’exemple a pu lever un montant de 15.000,00 pounds en quelques heures seulement après le tremblement de terre, travaillant ainsi en collaboration avec les organisations gouvernementales afin de verser l’argent aux bonnes personnes.
Eric Asmar, CEO de Happy Smala, met également le point sur le séisme qui a frappé le Maroc ces derniers jours et l’élan de solidarité qui s’ensuivit, fédérant une communauté autour d’une même cause humanitaire. Selon lui, il est temps de préparer le terrain pour les futures plateformes et les accompagner dans leur lancement à travers 3 axes importants qui font la différence : une campagne de communication réussie et ciblée à travers les réseaux sociaux, une vision de projet claire pour les parties prenantes et enfin considérer le crowdfunding comme une partie du mécanisme de financement. Toutes ces conditions draconiennes mises en place par Bank Al-Maghrib et l’AMMC devraient encourager les contributeurs à adhérer à ce nouveau mode de financement prometteur en termes d’accès au financement pour les porteurs de projets mais également de soutien à des projets portés par les associations et qui nécessitent la mobilisation des dons.

Cadre légal
Il faut préciser que le financement collaboratif est régi par la loi n°15-18 qui trace en effet un cadre complet de régulation des activités de financement collaboratif. Il définit en effet le dispositif d’agrément des Sociétés de financement collaboratif (SFC), les procédures et des modalités de création et de fonctionnement des PFC ainsi que les engagements et les obligations de la SFC en matière d’information du public, de publicité et de reporting. Ce texte juridique fixe par ailleurs les règles à respecter en matière de vérification préalable des projets à financer, de sécurisation des transferts et de protection des contributeurs. Il établit, en outre, les plafonds en termes de montants à lever par projet et par contributeur pour les différentes formes de financement sans omettre la définition des règles spécifiques à chacune des trois formes de financement collaboratif. Tel qu’il est défini dans la loi en vigueur, «le financement collaboratif par le public est une opération de collecte de fonds via une plateforme électronique dite plateforme de financement collaboratif, désignée (PFC), gérée par une société de financement collaboratif désignée (SFC)». En effet ce mode de financement est connu à l’international sous le nom du «crowdfunding». Il permet de collecter des fonds, généralement de faibles montants, auprès d’un large public, principalement en vue de financer l’entrepreneuriat des jeunes et de l’innovation. Ce nouveau mode de financement opère à travers des plateformes internet permettant la mise en relation directe et transparente entre les porteurs de projets et les contributeurs. Ces activités prennent trois formes de financement, en l’occurrence le prêt, l’investissement en capital et le don.

Plateforme
Portail. L’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) met en ligne sur son site internet un portail dédié au financement collaboratif (crowdfunding)et ce, suite à la publication au Bulletin officiel de la circulaire de l’autorité marocaine du marché des capitaux n°01/23 relative aux sociétés de financement collaboratif réalisant des opérations de catégorie « investissement». Pour accompagner les futurs acteurs du financement collaboratif dans le déploiement du nouveau dispositif d’agrément des plateformes, ainsi que le grand public dans la compréhension de ce nouveau mode de financement, l’Autorité a créé sur son site web un portail spécial «Financement Collaboratif ». Par l’intermédiaire de ce portail, toute personne intéressée par le sujet peut prendre attache avec l’AMMC pour toute demande d’informations sur le dispositif ou sur le processus d’agrément. Il est à rappeler que l’agrément en tant que société de financement collaboratif est obligatoire pour exercer l’activité de financement collaboratif. Aussi, des séances d’information seront prochainement organisées par l’AMMC à l’occasion de présentations de guides sur le cadre régissant le crowdfunding au Maroc.