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”Macron est déconnecté, il est hors sol”

William est infirmier dans un hôpital public de la capitale, dans un service de réanimation. Il enchaîne les journées de 12 heures, parfois le week-end, et il travaille de nuit un mois par trimestre. “J’aime mon métier, mais je ne sais pas combien de temps je vais tenir ce rythme, cette intensité. J’accompagne aussi des personnes en fin de vie et même si on a l’habitude, on n’est jamais blindé pour ça. Je vois que c’est difficile pour mes collègues plus âgés. Le turn-over est énorme, 30 % des infirmiers qui sortent de l’école arrêtent dans les trois ans. À Paris, de nombreux lits sont fermés faute de personnel. Ce n’est pas sans raison.”

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La pénibilité du métier d’infirmier était prise en compte jusqu’en 2010. Puis, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, cette reconnaissance a été supprimée et l’âge de départ à la retraite des infirmiers a été repoussé de 55 à 62 ans en échange d’une revalorisation. Quelques mois plus tard, les salaires des agents publics étaient gelés, une première fois, pour une durée de six ans.

Travaillant dans un secteur en mauvaise santé, marqué par la pénurie de médecins et des fermetures de services d’urgence et de maternité, William est amer. “Nous avons été applaudis pendant la crise sanitaire, comme tous ceux qui devaient continuer à travailler : les caissiers, les éboueurs… Toutes les petites mains, en somme. Et aujourd’hui, ce sont les mêmes, les personnes peu diplômées et celles qui ont commencé tôt, qui vont le plus trinquer. Le camp présidentiel aime bien rappeler que l’âge de départ à la retraite est plus élevé ailleurs en Europe, mais il oublie de parler de la durée de cotisation, qui sera bientôt de 43 annuités en France.”

Pour lui, le travail, c’est lancer sa start-up depuis un bureau. Mais ça ne représente pas la majorité de la population active. Celle qui soigne les gens ou qui balaie les rues.

L’infirmier, par ailleurs responsable national au sein du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), prend sa tasse de café, puis la repose aussitôt. “J’ai beaucoup de ressentiment envers Emmanuel Macron. Il est déconnecté, il est hors sol. Il ne sait pas ce qu’est le travail. D’ailleurs, dès son arrivée à l’Élysée en 2017, il a supprimé quatre des dix critères de pénibilité dont le port de charges lourdes et les agents chimiques dangereux. Pour lui, le travail, c’est lancer sa start-up depuis un bureau. Mais ça ne représente pas la majorité de la population active. Celle qui soigne les gens ou qui balaie les rues.”

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”Nous sommes face à un mur, un mur de mépris”

Quant à la manière dont a été conduite la réforme, William la désapprouve. “Le gouvernement dit que le processus a été démocratique, mais limiter les débats et éviter le vote à l’Assemblée nationale en utilisant le 49.3, tout ça ne participe pas à la bonne marche de la démocratie. Et dire que l’Assemblée a accepté la réforme parce que la motion de censure a été rejetée, à neuf voix près, c’est ridicule. Emmanuel Macron affirme que sa porte a toujours été ouverte, mais il n’a pas reçu une seule fois les syndicats depuis janvier. Ils avaient pourtant avancé des propositions, comme la hausse des cotisations. Les Français y sont favorables. Mais ça a été refusé. Et pendant ce temps, avec la suppression de l’impôt sur la fortune et les exonérations pour les entreprises, les caisses de l’État se vident.”

De l’injustice, voilà ce que ressent William. Alors, il manifeste, encore et encore. “L’opposition à la réforme est massive mais nous sommes face à un mur, un mur de mépris. Le gouvernement reste obtus. Que faut-il faire pour être entendu ?”

William boit d’un trait son café froid, avant de partir manifester. “Emmanuel Macron a oublié qu’il a aussi été élu avec les voix de ceux qui voulaient faire barrage à l’extrême droite. Il a affirmé qu’il serait le président de tous les Français. “Ce vote m’oblige”, disait-il… Il y a les paroles, et puis il y a les actes.”