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Le journaliste Evan Gershkovich accusé d’espionnage: pris en otage par Moscou ?

Mercredi, attablé dans un restaurant d’Ekaterinbourg, dans l’Oural, le journaliste du Wall Street Journal a été arrêté par les services de sécurité, le FSB, avant de disparaître des radars pendant plus de huit heures. C’est une première en Russie, le journaliste américain est désormais accusé d’espionnage.

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Un reporter aguerri

Au moment de son arrestation, cela faisait plusieurs jours que le reporter se trouvait dans la région, travaillant sur la question du recrutement des paramilitaires de Wagner puis sur un autre sujet tout aussi sensible, l’économie de guerre. Il aurait obtenu des contacts au sein d’une usine d’armement pour nourrir son reportage sur ce sujet d’importance. C’est ce qui aurait déclenché les foudres du FSB, qui l’accuse désormais d’avoir “collecté des informations” et le soupçonne “d’espionnage au profit des États-Unis”. Le Kremlin ayant encadré légalement tous les sujets touchant de près ou de loin à la guerre ces derniers mois, Evan Gershkovich risque jusqu’à 20 ans de prison. D’après le journal Kommersant, c’est le service central du FSB, à Moscou, qui aurait été chargé de l’opération.

Evan Gershkovich, 31 ans, est un reporter aguerri, bien connu de tous les correspondants moscovites. Ancien rédacteur pour The Moscow Times et le bureau moscovite de l’Agence France-Presse, il avait rejoint le Wall Street Journal en 2022. Le quotidien a demandé jeudi la “libération immédiate” du journaliste, qualifié de reporter “fiable et consciencieux”. Dans chacune des rédactions qu’il a traversées à Moscou, le correspondant se démarquait régulièrement pour ses sources de qualité dans un pays pourtant méfiant envers la presse étrangère.

Les autorités russes ont signifié jeudi qu’elles iraient jusqu’au bout de leur démarche, qu’il ne fallait pas s’attendre à une libération rapide. Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, qui avait accrédité Evan Gershkovich, a affirmé que “le collaborateur de la publication américaine Wall Street Journal à Ekaterinbourg n’avait aucun rapport avec le journalisme”. Elle a ajouté qu’il n’était “pas le premier Occidental célèbre à être pris la main dans le sac” et que d’autres avaient “utilisé le statut de correspondant étranger à des fins de couverture de leurs activités”.

Cette arrestation, qu’elle soit un signal envoyé à la presse étrangère ou une prise d’otage en vue d’un échange de prisonniers, inquiète grandement les derniers correspondants étrangers à Moscou. Plusieurs bureaux pourraient être amenés à remettre en question leur présence sur le territoire russe, alors que les visas et accréditations ne sont plus délivrés aux journalistes qui ne vivent pas sur place. Dans une période où les diplomates européens ne peuvent plus circuler dans le pays, les journalistes sont les derniers à pouvoir rendre compte de l’état d’esprit de la population. Un regard clé dans la compréhension de la guerre qui sévit en Ukraine.