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En Espagne, une grande figure de la dictature enterrée avec les honneurs doit être exhumée ce lundi

C’est la famille qui a sollicité l’exhumation après la publication de la loi. Elle sera menée ce lundi 24 avril, date anniversaire de la naissance du fondateur de la phalange, en 1903. Ses restes seront déplacés au cimetière de San Isidro, à Madrid.

Espagne: adoption définitive d’une loi réhabilitant la mémoire des victimes du franquisme

Une légende pour légitimer son pouvoir

Primo de Rivera est surtout un symbole. Emprisonné sous la Seconde République peu avant le coup d’État de juillet 1936 pour une tentative d’assassinat, il a été fusillé peu après son déclenchement et n’a participé ni à la guerre, ni à la dictature qui en a résulté. Homme charismatique, il fonde le parti fasciste La Phalange en 1933, et emploie son énergie à déstabiliser la république et tenter de la renverser.

Franco ne l’apprécie pas. Mais à la fin de la guerre civile, il a besoin de consolider son pouvoir. Il prétend être guidé par les préceptes de Primo de Rivera et fait de La Phalange le parti unique qui structure la vie politique du pays, un des trois piliers du régime, avec l’Église et l’armée. En 1959, le dictateur inaugure la monumentale abbaye de la Vallée de Ceux qui sont tombés (Valle de los Caidos), où il fait enterrer les restes du fondateur du parti pour lui conférer le statut de martyr, assassiné par les Républicains, premier de ceux qui sont tombés.

La nouvelle loi sur la mémoire démocratique, un des textes phare du gouvernement de gauche actuellement au pouvoir en Espagne, entrée en vigueur en octobre 2022, prévoyait l’exhumation du fondateur de la Phalange. Le texte (qui a aussi modifié le nom du site, redevenu la vallée de Cuelgamuros) vise à rééquilibrer la mémoire floue qui entoure cet épisode historique en Espagne. Une partie de la société résiste à retirer les éléments commémoratifs du franquisme ou à faire toute la lumière sur la répression et ses violations des droits humains. Mais une autre estime avoir été réduite au silence après la dictature et n’avoir jamais pu soigner ses blessures.

À Séville, un général franquiste a changé de tombe suite à une nouvelle loi

Une fracture mémorielle

L’Association pour la récupération de la mémoire historique apprécie mais regrette que les familles des victimes du franquisme n’aient pas eu le droit à la même attention du gouvernement que celle de Primo de Rivera. À droite, la garde rapprochée du président du Parti populaire (PP), Alberto Nuñez Feijóo, critique le fait que l’exhumation soit annoncée à l’approche des élections locales du 28 mai. Mais la présidente de la région de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, deuxième figure la plus influente du parti, estime qu’il s’agit d’une tentative de “réécrire” l’histoire et que la “mémoire historique” est un “manquement à la vérité”. À l’extrême droite, le président du parti Vox considère que cette démarche vient “profaner des tombes” pour “déterrer les haines.”