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Élections en Turquie : une participation record pour un scrutin historique

Ma grand-mère m’a raconté à quel point les conditions de vie étaient difficiles dans son enfance et combien l’AKP a amélioré le pays (parti de la Justice et du Développement, NdlR) ”, commente Tahrik, tout en installant sa grand-mère dans le siège passager de sa voiture. “Dans la famille, nous soutenons tous l’AKP. J’ai participé à plusieurs meetings, et notamment celui d’Ankara qui était vraiment incroyable”, raconte-t-il, des étoiles dans les yeux.

Architecte ayant grandi à Ankara, il reconnaît les effets de la crise économique, mais y voit un problème mondial : “pendant la période de pandémie, tous les secteurs ont été affectés par la crise économique. Mais vous savez, ici en Turquie, personne n’a jamais vraiment vécu confortablement. Il y a certes du chômage, mais l’économie est plutôt stable et la croissance continue.

Comme tous les Turcs, Tahrik suit de près les enquêtes d’opinion et ne voit pas d’un bon œil la potentialité d’une alternance : “on parle d’une alliance d’opposition qui se réjouit de faire appel au FMI, […] qui est favorable à l’autonomie dans le Sud-Est (régions kurdes, NdlR). ”

L’un au mausolée d’Atatürk, l’autre à Sainte Sophie

Endeuillée par le séisme dévastateur du 6 février, la campagne électorale aura été de courte durée mais particulièrement virulente. Plus opposés que jamais, les camps ont joué de leurs différences par symboles interposés jusqu’au dernier jour. À Ankara, Kemal Kiliçdaroglu s’est rendu au mausolée d’Atatürk pour rendre hommage au fondateur de la république laïque de Turquie. Recep Tayyip Erdogan a choisi quant à lui d’être à Istanbul, pour une dernière prière dans la mosquée Sainte Sophie, qu’il avait lui-même fait reconvertir en lieu de culte en juillet 2020.

Lors du meeting à Istanbul, dimanche 7 mai, le président sortant a rappelé toutes les réalisations de son gouvernement ses dernières années. Le développement de l’industrie de la défense, avec les emblématiques drones Bayraktar TB2 et Akinci, fait la fierté des partisans du “Reis”. Conscient que la crise économique alourdit son bilan, le président Erdogan a multiplié les innombrables promesses économiques, comme la nouvelle augmentation du salaire minimum et une période de gaz gratuite.

La coalition d’opposition, ou “Table des Six”, a quant à elle fait campagne sur la force de la coopération. “C’est en s’alliant que nous allons gagner”, avait lancé le maire d’Ankara Mansur Yavas à la tribune le 6 mai, lors du meeting de son camp à Istanbul. “Le printemps viendra”, répète le morceau de campagne de la coalition, accompagné d’affiches de Kemal Kiliçdaroglu sur un fond bleu ciel, évocateur de l’apaisement.

Turkey's Republican People's Party (CHP) Chairman and Presidential candidate Kemal Kilicdaroglu casts his ballot in front of journalists to vote in the presidential and parliamentary elections, in Ankara, Turkey, on May 14, 2023. Opposition leader Kemal Kilicdaroglu has portrayed his six-party alliance, which includes liberals, nationalists and religious conservatives, as a force for democratic change. The 74-year-old former civil servant has pledged to "bring democracy to this country by changing the one-man regime". (Photo by BULENT KILIC / AFP)
Le candidat de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu, a voté à Ankara. ©AFP or licensors

”Las de cette tension permanente”

Au nord d’Ankara, dans le quartier d’Etlik, Yasemin, 32 ans, sort de son bureau de vote le sourire aux lèvres “J’ai participé au meeting de la coalition d’opposition vendredi dernier, et il y avait vraiment une atmosphère de printemps, c’était génial, se réjouit-elle. “J’habite à Keçiören qui est plutôt conservateur, mais ces derniers temps je sens une réelle volonté de changement, surtout parmi les jeunes électeurs. Il y a aussi des gens de mon entourage qui ont toujours soutenu l’AKP mais qui ont changé d’avis. Ils sont las de cette atmosphère de tension permanente et de la crise économique”, constate-t-elle.

À l’instar des différents électeurs de l’opposition interrogés, Yasemin brûle de connaître les résultats des élections. Et de conclure : “je sais que tout ne va pas changer du jour au lendemain dans le pays, cela va prendre du temps, mais si l’opposition passe, alors nous serons débarrassés de cette atmosphère étouffante et ce serait déjà un immense soulagement.