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“C’est comme dans un cauchemar, quand l’horreur se répète sans cesse”: la Serbie confrontée au culte de la violence et à des citoyens surarmés

On compterait dans le pays 39 armes en circulation pour 100 habitants, ce qui le classe au premier rang européen, à égalité avec le Monténégro et au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et le Yémen.

C’est la première fois depuis une dizaine d’années que la Serbie connaît de telles tueries, mais l’on compterait dans le pays 39 armes en circulation pour 100 habitants, ce qui le classe au premier rang européen, à égalité avec le Monténégro, et au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et le Yémen… Plusieurs raisons expliquent ce surarmement : la tradition patriarcale, commune à tous les Balkans, qui veut qu’un homme soit armé, mais surtout le passé récent des guerres de la fin du XXe siècle. Malgré les campagnes lancées dans les années 2000, beaucoup de ces armes n’ont été ni restituées ni détruites : elles sont notamment utilisées par les réseaux criminels de toute l’Europe.

Le président veut “désarmer” le pays

Nous allons procéder à un désarmement presque complet de la Serbie : le président Aleksandar Vučić a annoncé un renforcement des moyens de la police et des conditions d’attribution du port d’armes, mais seul le temps permettra de savoir s’il ne s’agit pas que d’un effet d’annonce. Celui-ci a aussi qualifié les tueries de Mladenovac d’acte “terroriste”, mais l’on ne sait rien des éventuelles motivations du tueur, tandis que l’auteur de la fusillade de mercredi, âgé de moins de 14 ans, n’a pas de responsabilité pénale selon la loi serbe. Le ministre de l’Éducation, Branko Ruzic, a pour sa part expliqué ce premier drame par “les contenus cancérigènes d’Internet, des jeux vidéos et des prétendues valeurs occidentales”, alors que la Première ministre Ana Brnabic rejetait toute possible responsabilité du système d’enseignement serbe.

Des déclarations qui passent mal dans le pays. “Il est plus facile d’accuser les autres que de reconnaître ses propres responsabilités”, lançait ainsi une lycéenne interrogée par Radio Slobodna Evropa. On a appris que le père du jeune meurtrier possédait chez lui un véritable arsenal, ce qui montre bien l’inefficacité des mesures de contrôle des armes, mais on ignore par contre comment et pourquoi un enfant d’une dizaine d’années a pu apprendre à tirer…

Des criminels de guerre présentés comme “héros”

Si les jeux vidéo violents sont aussi répandus en Serbie que partout dans le monde et pourraient répandre une “culture de la violence”, le pays n’a jamais fait les comptes avec les guerres et les crimes des années 1990. Bien au contraire, les figures des anciens combattants sont exaltées, comme celle du général Ratko Mladic, condamné à la prison à perpétuité par le Tribunal pénal international de La Haye (TPIY), mais dont le portrait s’affiche sur les murs des villes serbes. D’autres condamnés, libérés après avoir purgé leur peine, ont été accueillis en “héros”, paradant durant les meetings du Parti progressiste serbe (SNS), la formation d’Aleksandar Vucic.

Enfin, les groupes mafieux prolifèrent dans le pays et jouissent d’une tolérance, voire d’une complicité active des autorités. La violence est aussi présente dans les milieux des supporteurs de football, qui servent de vivier de recrutement à ces groupes criminels et a aussi fourni des volontaires partis se battre dans le camp russe en Ukraine. Le journaliste Ljubodrag Stojadinović dénonce ainsi le rôle d’un régime qui fait le choix “d’une apologie constante de la violence”.