High-tech

Sur Twitter, les « couches pédophiles » et autres fausses rumeurs fleurissent

Vincent Kennedy, un partisan du mouvement conspirationniste QAnon, avait été banni de Twitter après l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole à Washington.

Il a posté la photo d’une couche comportant un personnage du « Roi Lion », après avoir entouré certains symboles faisant partie du dessin, des triangles et spirales, en référence à une théorie du complot selon laquelle il s’agirait de signaux codés utilisés par les pédophiles.

« Une fois que vous êtes vraiment réveillé, vous ne pouvez plus vous rendormir », a écrit M. Kennedy dans un tweet qui a été vu des millions de fois.

La fausse allégation s’est répandue comme une traînée de poudre sur d’autres plateformes telles que TikTok, au point que Kimberly-Clark, la maison mère de Kleenex et Huggies, a dû faire face à une avalanche de messages haineux et d’appels au boycott.

Pour Elon Musk, détenir Twitter est “assez douloureux”

Quelque 67.000 comptes bannis de Twitter pour diverses infractions au règlement (incitation à la violence, harcèlement, désinformation…) ont été réinstaurés, suivant la vision quasi-absolutiste de la liberté d’expression prônée par Elon Musk, d’après Travis Brown, un développeur et chercheur basé à Berlin.

« Dommages dans le monde réel »

Les associations de défense des droits humains reprochent en outre au patron de Tesla et SpaceX d’avoir réduit à la portion congrue les équipes de modération des contenus en licenciant des milliers d’employés du groupe (soit entre 50 et 75% des effectifs totaux).

Dans une interview récente accordée à la BBC, Elon Musk a nié que la proportion de tweets toxiques était en hausse depuis le rachat.

« Vous dites qu’il y a plus de contenus haineux, mais vous n’avez pas un seul exemple », a-t-il lancé à l’intervieweur.

Les experts consultés par l’AFP ont recensé des dizaines d’exemples, de la propagande anti-vaccins aux commentaires par des suprémacistes blancs.

Twitter fusionne officiellement avec X Corp

Jesse Lehrich, cofondateur de l’association Accountable Tech, anticipe des conséquences graves.

« Quand vous réintégrez les architectes de l’insurrection du 6 janvier alors que la démocratie vacille, quand vous offrez une plateforme à des néo-nazis notoires au milieu d’une montée de l’antisémitisme, quand vous laissez revenir des influenceurs spécialistes de la désinformation médicale en pleine pandémie, il y a des dommages dans le monde réel », a-t-il déclaré à l’AFP.

Quand son compte a été rétabli, Mike Lindell, un amateur de théories du complot sur les élections, a appelé ses abonnés à « faire fondre les machines de vote électroniques ».

Le Center for Countering Digital Hate (CCDH) constate de son côté que la diffamation contre la communauté LGBTQ+ atteint des sommets sur la plateforme.

« Monétise la haine »

« Twitter monétise la haine à un niveau sans précédent », assure Imran Ahmed, directeur du CCDH. Cinq des comptes qui associent la communauté LGBTQ+ à des pédophiles génèrent jusqu’à 6,4 millions de dollars par an en recettes publicitaires, d’après l’ONG.

Mais les experts estiment que cette stratégie est contre-productive, car elle ne compense pas la fuite de nombreux annonceurs, qui ne veulent pas que leurs marques soient adossées à des tweets problématiques.

Les revenus de Twitter chuteront de 28% cette année, selon Insider Intelligence, car « les annonceurs ne font pas confiance à Musk », selon Jasmine Enberg, une analyste de ce cabinet d’études.

Pour générer de nouveaux revenus, Elon Musk a lancé un abonnement payant (à 8 dollars par mois), Twitter Blue, pour les utilisateurs voulant obtenir la coche bleue, gage d’authenticité.

Mais des dizaines de « super-diffuseurs de fausses informations » ont acheté la coche bleue et inondent la plateforme de désinformation, selon l’ONG NewsGuard.

« Musk a rétabli ces comptes pour gagner de l’argent et pour instaurer ce qu’il croit être, à tort, un état d’esprit de +liberté d’expression pour tous+, sans tenir compte du fait que cette politique fait de Twitter une plateforme qui récompense les propos violents par plus de visibilité », a souligné Nora Benavidez, de l’association Free Press.