France

Une infirmière voit son cancer du sein être reconnu maladie professionnelle, une première avant d’autres ?

Travailler la nuit à des horaires postés est-il un facteur aggravant dans le développement du cancer du sein ? Depuis quelques semaines, le lien a été officiellement établi en France, grâce à une infirmière de Moselle qui vient de voir sa maladie être reconnue d’origine professionnelle. 

Martine, désormais à la retraite après vingt-huit ans de service au centre hospitalier de Sarreguemines (1981-2009), a obtenu gain de cause. Pas devant les tribunaux mais dans le circuit propre à la fonction publique, à laquelle elle était rattachée. « Un oncologue a donné un avis favorable à son dossier, comme un conseil médical dédié puis le directeur de l’hôpital a eu le dernier mot », explique Brigitte Clément. La secrétaire régionale de la CFDT mineurs de Freyming-Merlebach connaît parfaitement le dossier. D’abord car son syndicat a accompagné Martine, qui ne souhaite pas s’exprimer actuellement, pendant tout le processus. Mais aussi car elle s’intéresse à ce sujet depuis maintenant près de cinq ans.

« Tout est parti d’une aide-soignante, militante chez nous, qui avait constaté plusieurs cas de cancer du sein dans son service. Elle a été lanceuse d’alerte et on a commencé à chercher les facteurs de risques de la maladie », retrace la syndicaliste. Comme souvent, c’est le docteur Lucien Privet qui a alors été sollicité. « Et il y avait déjà une belle bibliographie sur les liens entre les cancers du sein et le travail de nuit. Il y a même un consensus scientifique international sur ce point », détaille le médecin en citant notamment une étude de l’Inserm datant de 2012. Où il apparaissait que le risque d’en développer un était augmenté d’environ 30 % chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport aux autres femmes.

« Le Centre international de recherche contre le cancer (Circ), qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé le travail de nuit en donnée cancérigène probable, ajoute Lucien Privet. Pourquoi ? On ne sait pas encore totalement mais il pourrait entraîner des dérèglements hormonaux et donc avoir un impact sur la sécrétion de mélatonine, une hormone qui a aussi des effets anti-cancérigènes. »

Des rythmes de travail modifiés ?

A raison de plusieurs nuits par semaine alors… Martine, elle, en avait cumulé 873 au cours de sa carrière. Certaines de ses consœurs encore bien plus. « On a un autre dossier en cours avec une femme qui en a réalisé 3.600 », explique encore le médecin, qui aimerait désormais que la justice reconnaisse ce fameux lien. Cela passera par une autre victoire, cette fois dans le cadre du régime général, pas de la fonction publique. « Alors le Circ serait peut-être obligé de définir le travail de nuit comme un risque cancérigène avéré et cela aurait de lourdes conséquences en termes d’organisation des temps de travail. »

L’histoire n’en est pas là. Mais, d’ores et déjà, la CFDT mineurs de Freyming-Merlebach, s’est lancée dans des actions de prévention en distribuant notamment des flyers consacrés à la question. « On est aussi en train de se pencher sur les risques de cancers de la prostate qui pourrait être aussi liés au travail de nuit », ajoute Brigitte Clément. Une prochaine décision historique pourrait suivre.