France

« Salade grecque », portrait d’une jeunesse qui n’est pas sortie de l’auberge

Plus de vingt ans après L’Auberge espagnole, Cédric Klapisch remet le couvert ! Salade grecque, la suite du succès de 2002 (et des Poupées russes en 2008 et de Casse-tête chinois en 2013), disponible ce vendredi sur Amazon Prime Video, suit les tribulations de Tom (Aliocha Schneider), 26 ans, et sa sœur Mia (Megan Northam), 22 ans, les enfants de Xavier (Romain Duris) et Wendy (Kelly Reilly) à Athènes, au cœur d’une capitale grecque marquée par la crise économique et migratoire. Objectif de Cédric Klapisch : « Parler d’une autre génération et parler d’une autre façon !  » Au-delà d’une comédie de mœurs réussie en huit épisodes, Salade grecque montre les préoccupations d’une jeune génération, qui n’est pas sortie de l’auberge.

Une nouvelle génération face à la caméra

« Je voulais faire un nouveau portrait de la jeunesse européenne, de la même façon que L’Auberge espagnole au début des années 2000 », raconte Cédric Klapisch, que 20 Minutes a rencontré lors d’une table ronde au festival Séries Mania. Tout commence lorsque Tom, 26 ans, et sa sœur Mia, 22 ans, les enfants de Xavier et Wendy, héritent d’un immeuble à Athènes à la mort de leur grand-père. Tom, jeune entrepreneur ambitieux sur le point de lancer une start-up à New York, se rend à Athènes pour gérer l’héritage avec sa sœur, censée poursuivre son Erasmus dans la capitale grecque.

Sur place, il découvre que la cadette a lâché ses études pour s’installer dans un squat et devenir une activiste au sein d’une association d’aide aux migrants. « Tout se cristallise autour de nos deux héros, Mia et Tom. Pour tenir 8 fois cinquante-deux minutes, il faut qu’il y ait du conflit », résume Agnès Hurstel, cocréatrice et coscénariste de la série. Alors que tout les oppose, ils sont amenés à cohabiter avec des jeunes issus des quatre coins de l’Europe, pris dans le tourbillon d’une vie collective et cosmopolite, à l’instar de leurs parents vingt-cinq ans plus tôt.

Une ancienne génération discrète à l’écran

Une ancienne génération qui se fait discrète à l’écran : « Il fallait qu’ils soient très présents dans l’épisode 1 pour qu’il y ait cette transmission, cette notion d’héritage. On les voit aussi dans l’épisode 5 et 8, mais on ne pouvait pas les mettre beaucoup. Ils sont comme les parents dans L’Auberge espagnole : la mère de Xavier n’est pas très présente, Xavier devient comme sa mère. Romain Duris et Kelly Reilly ont accepté d’être un peu derrière et ont vraiment laissé la place. C’était charmant de voir les choses qu’ils ont dites à Aliocha et Meghan au début du tournage, il y a eu une vraie transmission », salue Cédric Klapisch.

Et de confier : « Pour moi, le face-à-face des parents avec leurs enfants dans l’épisode 5 est d’une émotion folle. C’est plus de vingt ans de ma vie, du coup, il y a une expérience de vie contenue dans ces images. »

Une nouvelle génération derrière la caméra

Les problèmes d’héritage, de frontières, de famille, de transidentité, l’après #MeToo, etc. « La série pose des questions hypermodernes, propres à notre génération », se réjouit Aliocha Schneider. Pour ce faire, Cédric Klapisch s’est entouré d’une bande de jeunes scénaristes composée d’Agnès Hurstel, Eugène Riousse, Paul Madillo, Thomas Colineau et Charlotte de Givry. « Cédric a été très intelligent de se dire  »Ce n’est pas ma génération » et de faire appel à des auteurs plus jeunes », se félicite encore l’interprète de Tom. « Tout a commencé il y a quatre ans. J’ai fait un casting de scénaristes, qui avaient alors entre 26 et 30 ans », raconte Cédric Klapisch.

« On a grandi avec L’Auberge espagnole qui a créé des représentations très fortes pour plein de gens de notre génération », applaudit Thomas Colineau. « On avait envie de faire des parallèles entre deux époques et de rendre hommage à quelque chose qui nous a construits », renchérit Paul Madillo. Des jeunes auteurs que Cédric Klapisch n’a eu de cesse de questionner : « Je leur demandais  »C’est quoi pour vous les thèmes importants ? » Ils m’ont tous dit la crise migratoire. J’ai été étonné qu’ils ne mentionnent pas l’environnement. Je crois que cinq ans plus tard, ils m’auraient tous dit l’environnement. »

Une génération avec de nouvelles préoccupations

Ce thème a permis d’imposer Athènes comme nouvelle arène. « Athènes semblait cristalliser plein de problématiques politiques. La Grèce a été le symbole de ce qui a dysfonctionné en Europe depuis vingt ans. Athènes est une ville qui attire plein de jeunes, pour pleins de raisons. C’est un épicentre par rapport à la question migratoire. C’était assez évident », explique Thomas Colineau. « Et quand on parlait à de jeunes Grecs de leur rapport à l’Europe, il y avait quelque chose d’ambivalent : à la fois le rejet de l’Europe technocratique, à cause de la crise, et quelque chose qui était en train de renaître, à cause de la jeunesse », renchérit Eugène Riousse.

« L’Europe n’est plus celle de nos parents », s’exclame l’un des héros au début de Salade grecque. « A l’époque, l’Europe était une idée enthousiasmante pour tout le monde. Depuis, il y a eu la crise économique de 2008, le Brexit, le Covid-19, la guerre en Ukraine, des problèmes politiques dans différents pays, en Hongrie et en Italie récemment. L’Europe est toujours mise en danger, fragilisée… Il y a quelque chose qui était beaucoup plus insouciant, plus heureux, enthousiasmant dans les années 2000. La génération décrite dans cette série est plus engagée, ce sont des gens plus conscients des problèmes. Il y avait une inconscience dans les années 2000 », analyse Cédric Klapisch.

Si la nouvelle génération de Salade grecque a du pain sur la planche, pas question de parler d’une génération désenchantée, comme après l’arrivée de Mitterand dans les années 1980. « Je ne dirais pas que la jeunesse d’aujourd’hui est désenchantée, elle se prend des trucs durs dans la gueule. Je ne sens pas de désenchantement, mais un côté engagé, notamment pour le climat en mode “Il faut faire quelque chose” », conclut le réalisateur.