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Robocup 2023 à Bordeaux : « Lors de la compétition, on pousse les robots dans leurs retranchements »

La crème de la robotique internationale va se donner rendez-vous à Bordeaux, début juillet. C’est au Parc des Expositions qu’aura lieu, du 4 au 10 juillet, la 26e édition de la RoboCup, la plus grande compétition de robotique et d’intelligence artificielle au monde, qui réunit 45 pays, 2.500 compétiteurs et 3.000 robots, a annoncé lundi le comité d’organisation de la Robocup 23, à Cap Sciences. Bordeaux devait accueillir l’édition 2021, mais celle-ci avait été reportée pour cause de Covid-19.

Ouverte au grand public, cette manifestation montrera les prouesses des robots pour effectuer du sauvetage lors d’un accident de voiture, ou pour porter assistance à une personne dans des appartements reconstitués. Mais c’est évidemment autour de la compétition de foot, durant laquelle s’affrontent des équipes de robots, que les yeux seront surtout braqués. D’autant plus que Rhoban, l’équipe du LaBRI (Laboratoire bordelais de recherche en informatique), a été quatre fois championne du monde dans la catégorie Humanoid Kid-Size, depuis 1997 qu’elle participe à cette compétition. Et qu’elle a une revanche à prendre sur le Japon, qui l’a battue en finale l’an passé.

« On ne dort pas beaucoup durant les sept jours de la compétition »

« L’année dernière, les Japonais ont littéralement braqué une caméra sur nous durant sept jours, jusqu’à la finale, se remémore Clément Gaspard, doctorant en intelligence artificielle au LaBRI, et membre de l’équipe Rhoban. C’est ainsi qu’ils se sont aperçus que lorsque leur robot se mettait à gauche, le nôtre tirait à droite, donc ils ont fait en sorte de placer également un robot à droite pour intercepter la balle. Bref, ils se sont adaptés à notre jeu, alors que nous, on essayait plutôt de faire des robots qui marchent en toutes circonstances, sans s’adapter à une équipe en particulier. Mais peut-être que cette année on observera davantage les autres. »

Même s’il n’y a rien à gagner dans cette compétition qui rassemble la communauté de scientifiques, et qui sert avant tout à faire avancer la recherche, Clément Gaspard reconnaît qu’au fur et à mesure que le tournoi avance, l’envie de gagner prend rapidement le dessus, et fait perdre un peu la raison. « Quand la compétition arrive, on pousse les robots dans leurs retranchements, et on ne dort pas beaucoup durant les sept jours de la Robocup. » Bugs informatiques à régler, moteurs qui cassent ou mécanique défaillante… « On passe beaucoup de temps à dévisser, visser, réparer… C’est pour cela que l’on part avec de quoi fabriquer trois robots dans nos valises. »

« Le but est qu’en 2050, une équipe de robots affronte une équipe humaine »

Les matchs se jouent à quatre contre quatre, en deux fois dix minutes. « Les règles se rapprochent très fortement de celles de la Coupe du monde de foot, le but étant qu’en 2050, une équipe de robots affronte une équipe humaine, rappelle Clément Gaspard. C’est pour cela que nous sommes en train de monter sur des robots adultes. Nous n’en avons qu’un seul, d’1,70 mètre, pour le moment, et il marche comme une personne âgée de 80 ans, mais les Etats-Unis sont en train de sortir des robots adultes qui courent, donc on va voir ce qu’ils vont présenter cette année. »

Clément Gaspard, doctorant au LaBRI de Bordeaux, et membre de l'équipe Rhoban
Clément Gaspard, doctorant au LaBRI de Bordeaux, et membre de l’équipe Rhoban – Mickaël Bosredon

L’idée est néanmoins d’évoluer progressivement. « Nous espérons déjà présenter l’année prochaine une équipe de robots d’un mètre de haut, quand les robots de Rhoban mesurent 70 cm. » Au-delà de la taille, les robots ont beaucoup évolué depuis leurs débuts à la RoboCup. « On leur a ajouté notamment de l’intelligence artificielle, ce qui nous a permis de leur apprendre à trouver le chemin le plus court pour aller tirer dans la balle. »

« S’ils peuvent jouer au foot, ils peuvent faire plein d’autres choses »

Mais pourquoi, finalement, faire jouer des robots au foot ? « C’est un peu une carotte pour les chercheurs, résume Clément Gaspard, et ces robots, s’ils peuvent jouer au foot, peuvent faire plein d’autres choses, comme de l’assistance à la personne. » « La communauté de l’intelligence artificielle s’est longtemps focalisée sur les emblèmes de l’intelligence, je pense notamment aux échecs ou au jeu de go, l’idée avec la Robocup créée il y a vingt-cinq ans était d’aller sur le terrain de l’intelligence motrice, qui doit réagir aux incertitudes de l’environnement, ajoute Olivier Ly, de l’université de Bordeaux, et membre du comité d’organisation. Et nous travaillons avec plusieurs robots qui coopèrent, sur la base de leur propre compréhension du jeu. »

Mais la RoboCup, ce n’est pas que du foot, loin de là. « D’autres ligues sont apparues au fil des années, rappelle Olivier Ly, comme Rescue, qui reproduit un site de catastrophe sur lequel les robots doivent aller porter secours à des personnes en difficulté. Il y a la ligue industrielle, bien sûr, car l’industrie reste le plus gros consommateur de robots. Et il y a la partie @Home, le but étant de concevoir un majordome qui aide aux tâches de la maison. Les enjeux du robot domestique, ce sont l’interaction avec l’utilisateur en n’étant pas dangereux, sachant que pour être utile un robot doit être puissant, et s’il est puissant il est dangereux, il y a donc une équation difficile à résoudre. »

Le comité d’organisation bordelais souhaite mettre l’accent lors de cette vingt-sixième édition sur la robotique agricole. « On en fait à Bordeaux, et pour nous c’est un thème central, insiste Olivier Ly. Nos projets consistent à mettre en œuvre des robots semi-autonomes pour désherber à l’intérieur d’un rang, pour des cultures bios à grande échelle. La robotique vient donc s’opposer à la chimie, avec une grande précision. Il s’agit d’une contribution à l’évolution des pratiques agraires du point de vue écologique. »

RoboCup 2023, du 4 au 10 juillet au Parc des Expositions de Bordeaux. Billetterie sur le site 2023.robocup.org