France

« On doit souffrir en silence » : elles racontent la difficulté de vivre avec des règles douloureuses au travail

Dans le témoignage d’Amélie, comme dans celui de beaucoup de nos lectrices qui racontent les difficultés de souffrir de règles douloureuses au travail, le mot “silence” revient le plus souvent. « Lors de rendez-vous face à un public ou des interlocuteurs divers, on doit souffrir en silence. On doit aussi inventer des parades auprès des collègues », ajoute la jeune femme. Pour toutes, il s’agit d’éviter les moments de gêne quand le sujet est abordé.

Heureusement, d’une certaine manière, le télétravail a permis de passer ce moment avec un peu plus de tranquillité. A l’instar de Marion qui a l’avantage d’avoir une certaine autonomie dans son emploi du temps : « Ce qui me permet quand je devais vivre plusieurs jours avec une douleur aiguë et crispante de poser des congés et de travailler chez moi », raconte-t-elle. Mais ce n’est évidemment pas le cas de toutes les femmes.

« Je rase les murs »

Chantal est professeure des écoles et elle avoue son anxiété : « Je suis angoissée rien qu’au fait de penser au jour où les règles arriveront. » Et d’ajouter : « C’est difficile de se concentrer avec les élèves, d’assurer la journée comme si de rien n’était… ». A cela s’ajoute la difficulté de ne pas pouvoir en parler. Le silence, toujours : « Aucun de mes collègues ou supérieurs hiérarchiques n’est au courant, j’ai honte d’évoquer ce problème… », déplore une autre lectrice, Aurélie, qui a des règles abondantes et douloureuses. 

« Je ne peux pas prendre les positions qui me soulagent, ni utiliser ma bouillotte pour apaiser la douleur… Et que dire des allers-retours aux toilettes toutes les deux heures pour changer ma serviette sans que personne ne me voie, sans faire de bruit, je rase les murs… » Chantal, elle, songe même à changer de métier car son corps ne suit plus et « être absente tous les mois quand on est institutrice, ce n’est pas possible. Lorsque j’ai vu que l’Espagne avait voté pour un congé menstruel, cela m’a donné un peu d’espoir ! »

Le congé menstruel, la solution ?

En effet, l’Espagne a récemment adopté une loi pour créer un congé menstruel destiné aux femmes souffrant de règles douloureuses. En France, la question est à peine posée sur la table. Mais que pensent les principales concernées de cette option ? Pour Aurélie, ce n’est pas si évident : « Je culpabiliserais beaucoup envers mes autres collègues et je ne voudrais pas être considérée comme la fainéante de service qui a ses deux jours de congé par mois… »

Le problème est plus profond selon Marion qui voit en cette solution « l’effet d’un pansement ». Pour elle, il faut aller plus loin : « Quelle efficacité peut-on attendre d’une telle mesure quand une femme ne peut pas parler sans tabou des conséquences de ses menstruations dans le cadre professionnel ? s’interroge-t-elle. Si je ne peux pas dire à mon chef que je ne suis pas bien à cause de mes règles sans crainte de jugement, pourquoi irais-je lui demander un congé spécial qui annonce sans transparence la raison ? »

De son côté, Amélie a un avis beaucoup plus tranché sur la question : « Vive le congé menstruel ! » Et elle bénit le jour où les femmes ne devraient plus se cacher pour en parler. La fin du silence sur un sujet essentiel.