France

Réforme des retraites : Comment les Sages du Conseil constitutionnel vont prendre leur décision

Un pays suspendu à l’avis des Sages. Le Conseil constitutionnel doit rendre, ce vendredi « en fin de journée », sa décision concernant la réforme des retraites du gouvernement. Dans le camp présidentiel comme chez les opposants au texte, la pression est maximale, car ce retour devrait déterminer la suite de la bataille politique et sociale. « Il faut attendre la décision et s’en remettre à elle », estime-t-on à l’Élysée. Comment est prise cette décision ? Quels sont les scénarios possibles ? On fait le point.

Pourquoi le Conseil constitutionnel doit-il se prononcer ?

Le Rassemblement national, les élus de la Nupes, et des sénateurs de gauche ont déposé des recours sur le texte de loi présenté par le gouvernement. Elisabeth Borne a, elle aussi, indiqué avoir saisi la juridiction. Le président Laurent Fabius, et les huit autres membres du Conseil constitutionnel, dont Alain Juppé ou l’ancienne ministre Jacqueline Gouraud, auront alors à trancher. « Ils doivent vérifier deux choses, explique Michel Lascombe, agrégé en droit public et spécialiste de droit constitutionnel. D’un côté, la conformité de la procédure utilisée, est-ce qu’on a suivi les bonnes règles en utilisant l’article 47-1, en l’ayant cumulé avec le 49.3 ? Est-ce qu’il est possible d’avoir une réforme des retraites dans un texte de financement de la sécurité sociale ? » Et l’expert d’ajouter: « La seconde, c’est la constitutionnalité interne : est-ce que les dispositions contenues dans la loi sont conformes à la Constitution ? » C’est donc le fond et la forme, qui seront étudiés par les Sages.

Comment ça se passe ?

Bon, et concrètement, comment vont-ils prendre cette décision ? Après avoir auditionné plusieurs élus ayant déposé les recours, les neuf membres du Conseil constitutionnel vont en débattre, tout simplement. « Ils se réunissent dans une salle, avec le secrétaire général du Conseil. Chaque membre prend la parole et ils essayent d’avoir une décision la plus commune possible sur les problèmes soulevés », assure Michel Lascombe. On ne pourra, cependant, pas savoir à court terme si la décision annoncée vendredi a obtenu un consensus. « Les débats font partie des plus grands secrets de la République. Ils ne sont rendus publics qu’après 25 ans», ajoute le spécialiste. Autre particularité française : aucune opinion dissidente ne sera partagée publiquement, comme cela se fait dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis.

Quels sont les scénarios possibles vendredi ?

Plusieurs scénarios sont envisageables. Dans la première hypothèse, celle espérée par les oppositions et redoutée par l’exécutif, le Conseil constitutionnel censure l’ensemble du texte. Une piste difficilement envisageable, selon les experts en droit. Autres solutions possibles : la validation de l’ensemble du texte, ou la censure partielle. « C’est la plus vraisemblable », assure Michel Lascombe. « Les Sages pourraient censurer tout ce qui n’a rien à faire dans un texte budgétaire ». Plusieurs éléments, comme l’index sénior (permettant de mesurer le taux d’employabilité de salariés de plus de 55 ans dans les entreprises), pourraient ainsi être retoqués. Un moindre mal pour le gouvernement, qui a déjà prévu de reprendre les mesures ainsi rejetées dans une future loi « travail ». Cette hypothèse validerait par ailleurs le recul de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, élément central du projet de loi.

Qu’en est-il du référendum d’initiative partagé ?

Le Conseil constitutionnel est également attendu sur le référendum d’initiative partagé (RIP), déposé par les députés de la Nupes. « C’est un contrôle de forme et de fond. Les membres du Conseil doivent vérifier que la proposition de loi référendaire est signée par au moins un cinquième des membres du Parlement (soit au moins 185 députés et/ou sénateurs sur un total de 925) et que le texte ne sorte pas du champ prévu par la Constitution », assure Michel Lascombe. Une validation du RIP pourrait offrir un peu d’espoir aux opposants au texte. Ces derniers auront alors neuf mois pour recueillir 4,8 millions de signatures.