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Quel est le secret de la longévité de Gasquet au plus haut niveau ?

Malgré tout l’amour qu’on lui porte, si on nous avait dit il y a quelques années de ça que, des quatre Mousquetaires du tennis français, Richard Gasquet serait celui qui péterait le plus la forme à une semaine de l’édition 2023 de Roland-Garros, on ne l’aurait pas cru. Et pourtant, alors que Jo-Wilfried Tsonga et Gilles Simon ont plié les gaules et que Gaël Monfils a sombré dans les bas-fonds du classement ATP, notre Richard national se refait peinardement une seconde jeunesse, tranquillement installé dans le top 50 à bientôt 37 ans (il les aura le 18 juin). Et si sa défaite contre Ugo Humbert au Challenger de Bordeaux dimanche va lui valoir de passer derrière son plus jeune compatriote, Gasquet aura tout de même été le premier Français à l’ATP ces dernières semaines.

Lui-même a du mal à y croire, comme il nous le confiait il y a un mois en marge du tournoi de Monte-Carlo. « Il y a deux, trois ans, à un moment où je n’étais vraiment pas bien, que j’avais quelques blessures bien handicapantes, jamais je n’aurais pensé revenir à ce niveau. Je savais que j’avais encore de quoi battre de bons joueurs, mais de là à gagner un tournoi comme je l’ai fait à Auckland et revenir aussi haut au classement, non, vraiment pas ». En s’imposant en Nouvelle-Zélande face à Camreon Norrie (12e mondial), #Richard2023 est d’ailleurs devenu le joueur français le plus âgé à remporter un tournoi sur le circuit ATP, devant Fabrice Santoro et Gaël Monfils. De plus, avec 16 victoires au compteur (toutes dans des tournois 250, certes), Gasquet a conforté sa place sur le podium des Français les plus titrés, derrière Yannick Noah (23) et Jo-Wilfried Tsonga (18).

Il y a quelques mois, au moment de commenter le départ en retraite de Roger Federer et la longévité du bellâtre suisse sur le circuit ATP, le Biterrois se marrait en expliquant que, pour lui, il fallait lui « appeler le SAMU » dès qu’il enchaînait deux matchs de suite. Et le voilà aujourd’hui qui enchaîne les tournois comme si de rien n’était, sans la moindre sirène d’ambulance à l’horizon. Un exploit qui ne surprend pas le moins du monde le préparateur physique Paul Quetin, qui voit dans ce retour en forme de Gasquet le signe d’une passion toujours intacte.

Il y a quelque chose qu’il faut toujours avoir à l’esprit quand on parle de Richard, et c’est en partie ce qui explique sa longévité, c’est que c’est un véritable passionné de son sport, un amoureux fou de ce jeu. Il adore jouer, tout le temps, partout, c’est sa vie. C’était le cas aussi pour Jo, Gilles ou Gaël, bien sûr, mais selon moi Richard a un truc particulier dans sa relation au tennis. »

« Il n’a aucune raison de s’arrêter »

C’est exactement ce qu’il nous disait entre deux séances d’entraînement à Monaco. « Chaque jour qui passe je me régale sur un court, je pense tennis H24, je respire tennis. Et l’âge ne compte pas là-dedans, je me sens toujours jeune. C’est aussi ça le secret, pour rester aussi longtemps sur le circuit il faut se sentir jeune, sinon tu prends une claque. Et après, plus tu gagnes, plus tu as envie de jouer, plus t’es heureux sur le circuit, c’est un cercle vertueux. Il y a forcément des moments plus durs que d’autres et ce n’est pas toujours facile de trouver la force mentale pour ne pas lâcher, mais j’arrive encore à garder la motivation, je sens que le moment n’est pas encore venu d’arrêter. »

« Le jour où il dira stop, et ça, il l’a toujours dit, c’est quand il sentira qu’il n’est plus capable de performer, explique Paul Quetin. Mais tant que son corps va bien, comme en ce moment, et qu’il le laisse tranquille avec les blessures, il n’a aucune raison d’arrêter ». Pour éviter que la mécanique ne s’enraye et que le corps lâche, Gasquet a beaucoup fait évoluer sa manière de se préparer en dehors des matchs ces dernières années. Désormais, celui-ci fait preuve d’une grande minutie aux échauffements mais ne tire plus comme un cochon sur la machine. Témoin privilégié de cette routine d’entraînement, à Paris, où Gasquet se rend régulièrement dans l’année, Paul Quetin admire le professionnalisme du joueur.

« Ce qui fait la différence, c’est qu’il se connaît parfaitement. Je le vois quand il est au CNE, il a entraînement à 11 heures mais il arrive toujours une heure et demie avant, il fait plein d’exercices pour se mettre en route, à une intensité moindre qu’il y a quelques années en dehors du terrain mais c’est calculé, c’est un échauffement hyper carré, analyse-t-il. Il va faire les exercices adaptés pour ne pas se blesser mais il n’y a plus d’échauffement à haute intensité. Par contre quand il est sur le terrain, raquette en main, là il donne tout, il ne cherche pas à s’économiser. L’intensité il ne la met plus dans les entraînements physiques, il ne fait plus de musculation, des choses comme ça, et il garde tout pour le terrain, quel que soit l’adversaire. Quand il fait des sets avec les jeunes, Lucas Van Asche, Gabriel Debru, il est tout le temps au taquet. »

Voir Roland et passer quelques tours

« Il faut trouver le juste milieu, ne pas trop en faire mais en faire quand même, sourit le doyen du tennis tricolore. Il faut bien doser, c’est-à-dire garder une haute intensité aux entraînements, jouer les sets à fond mais ne jamais faire les quinze, vingt minutes de trop. » Pour le reste, Gasquet n’a pas révolutionné le shmilblick. Pour tenir, il faut s’en tenir à ce que Mbappé appelle le « bien manger, bien dormir ».

Gasquet : « Il n’y a pas de secret, quand on veut rester au haut niveau à 37 ans, il faut prendre soin de son corps, se reposer, prendre des plages de récup’, faire gaffe à son alimentation, tout est important. Quand t’as 20 ans, c’est plus facile, mais plus les années passent plus faut être intelligent et rigoureux. » Et s’il admet se faire « parfois un peu plaisir sur la bouffe », pour ne pas « devenir totalement fou », le vainqueur à Aukland début janvier s’oblige à mettre de côté ses autres passions en dehors du tennis. « Je suis plutôt âgé pour le tennis mais je suis encore jeune à l’échelle d’une vie, je me dis que j’aurais tout le temps de m’éclater au golf ou au foot après ma carrière. C’est pour ça que j’arrive à faire ces sacrifices, le jeu en vaut la chandelle. »

Reste à savoir ce qu’on peut attendre de lui à Roland-Garros, lui qui expliquait récemment à L’Equipe avoir du mal à gagner des matchs s’ils vont au-delà de trois sets, ce qui était déjà se faiblesse quand il était au sommet de sa carrière. « Il nous étonnera toujours donc on peut espérer qu’il nous fasse quelque chose à Roland, veut croire Quetin. Ça dépendra de son adversaire, c’est sûr que s’il doit jouer d’entrée un spécialiste de la terre ou un jeune en pleine bourre comme Rune ou Ruud, ça sera difficile. Mais s’il a la chance d’avoir un tirage un peu plus clément, il peut bien passer quelques tours. » Deux victoires et ce serait déjà le bonheur : Richard n’a plus aperçu un 3e tour à Roland depuis 2018, et c’était pour se coltiner Rafa Nadal. Au moins un tirage qu’il est sûr d’éviter cette année.