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Quel bilan humanitaire au Soudan, un mois après le début de la guerre ?

Vingt-cinq millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire au Soudan, a fait savoir ce mercredi l’ONU après plus d’un mois d’une guerre pour le pouvoir entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo. 20 Minutes revient sur le désastreux bilan humanitaire de cette guerre qui a déjà fait près d’un millier de morts, et alors que les combats font de nouveau trembler les maisons de plusieurs quartiers de Khartoum et que l’ONU a revu à la hausse ses appels de fonds.

Quelles sont les origines du conflit au Soudan ?

Une lutte au sommet de l’Etat, des conséquences dévastatrices. Depuis le 15 avril, des combats opposent les troupes du général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée et dirigeant de facto du Soudan, et Mohamed Hamdane Daglo, chef des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). En 2021, les deux généraux ont pris le pouvoir en organisant un putsch, mais sont devenus rivaux depuis. Les FSR, créées en 2013, regroupent des milliers d’anciens Janjawids, des miliciens arabes recrutés par l’ex-dictateur Omar el-Béchir, déchu en 2019, pour combattre des minorités ethniques au Darfour. Longtemps latent et cantonné aux négociations sur les conditions d’intégration des FSR aux troupes régulières, pour finaliser un accord politique sur le retour des civils au pouvoir, le conflit entre les deux généraux s’est transformé en lutte armée.

Très vite, les zones de combat se sont étendues à plusieurs quartiers de Kharthoum, la capitale, peuplée de cinq millions d’habitants terrorisés par la situation. Frappes aériennes, chars dans les rues, guérilla urbaine… Puis, le conflit s’étend rapidement à d’autres régions, notamment au Darfour, l’une des zones les plus pauvres du Soudan.

Derrière cette guerre, expliquent les experts, se joue aussi la compétition entre des populations qui monopolisent historiquement le pouvoir et les ressources et les composantes les plus marginalisées de cette mosaïque ethnique.

Où en est le conflit armé, un mois après ?

Mercredi, les combats ont encore fait trembler les maisons de plusieurs quartiers de Khartoum, la capitale aux rues désertes. Malgré le chaos qui règne à Khartoum et surtout dans la région du Darfour, frontalière du Tchad, où des combattants tribaux et des civils armés se mêlent aux combats, les négociations pour une trêve humanitaire semblent ne mener nulle part. Mercredi, l’agence officielle soudanaise a diffusé pour la première fois une vidéo du général Burhane au milieu de soldats en liesse devant un bâtiment calciné du QG de l’armée à Khartoum.

A Jeddah, où se tient demain, vendredi, un sommet de la Ligue arabe, les chefs de la diplomatie égyptienne et saoudienne ainsi que le patron de la Ligue arabe se sont dits en faveur d’un cessez-le-feu, mais sans en proposer les contours.

Les pays arabes sont profondément divisés sur le Soudan : l’Egypte est alliée au général Burhane, les Emirats arabes unis au général Daglo et Ryad entretiennent des liens avec les deux camps. Les efforts diplomatiques se multiplient néanmoins car les pays voisins redoutent une contagion. « Si le conflit se poursuit, il y aura de plus en plus de risques que des acteurs externes soient impliqués », a prévenu ce jeudi le Rift Valley Institute, alors que déjà, le Soudan et ses mines d’or sont devenus une destination convoitée par des mercenaires et combattants étrangers.

Quel est le bilan humanitaire ?

Plus d’un Soudanais sur deux a besoin d’aide humanitaire, a annoncé mercredi l’ONU. Après un mois de combats qui ont fait près d’un millier de morts, environ 840.000 déplacés et 220.000 réfugiés, l’ONU a revu à la hausse ses appels de fonds, indiquant avoir besoin de 2,6 milliards de dollars pour l’aide au Soudan. « Aujourd’hui, 25 millions de personnes – plus de la moitié de la population du Soudan – a besoin d’aide humanitaire et de protection », a déclaré le responsable des Affaires humanitaires à l’ONU, Ramesh Rajasingham.

A cela s’ajoute près d’un demi-milliard de dollars pour aider les réfugiés ayant fui dans les pays voisins. Ces réfugiés seront plus d’un million au total cette année, prévoit l’ONU.

Avant la guerre lancée le 15 avril, déjà une personne sur trois souffrait de la faim dans ce pays de 45 millions d’habitants. Aujourd’hui, les vivres se font de plus en plus rares. A Khartoum, ceux qui n’ont pas fui sont terrés chez eux, forcés de se rationner et à court d’argent car les banques sont fermées.

Pourquoi l’aide alimentaire tarde à venir ?

Parce que l’industrie agroalimentaire, déjà à genoux après vingt ans d’embargo sous la dictature d’Omar el-Béchir, qui a pris fin en 2019, est bombardée comme les maisons, hôpitaux et institutions à Khartoum et dans d’autres villes. L’usine Samil qui produisait « 60 % des traitements nutritionnels pour les enfants en grande carence alimentaire », selon l’Unicef, est partie en fumée. L’aide humanitaire a été pillée. Médecins sans frontières a annoncé que « des hommes armés sont entrés mardi dans (son) entrepôt de Khartoum pour piller » au moins « deux véhicules remplis de fournitures ».

Réunis à Jeddah, en Arabie saoudite, les représentants des belligérants sont censés dessiner des couloirs humanitaires pour laisser sortir les civils et faire entrer l’aide, sans avancées. Pourtant, plaide Michael Dunford, le directeur régional du Programme alimentaire mondial (PAM), « il est vital que les humanitaires aient des accès, des ressources et des garanties de sécurité pour soutenir efficacement ceux qui dépendent d’eux pour survivre ».