France

Pyrénées : La peur de l’ours réveillée après la mort d’un joggeur de 26 ans en Italie

Andrea Papi avait 26 ans. Le corps de cet amateur de trail a été retrouvé dans un ravin le 5 avril, dans la région du Trentin en Italie. Et l’autopsie est formelle, le jeune homme a succombé à l’attaque d’un ours mâle que les autorités envisagent désormais d’abattre. Ce drame, rarissime, ranime la polémique dans les Pyrénées, où les efforts de réintroduction des plantigrades depuis vingt ans sont comparables à ceux déployés dans les montagnes du nord de l’Italie. Une centaine d’ours vivent là-bas, 76 dans la chaîne franco-espagnole selon un tout dernier décompte.

Sur le versant français du massif, la communauté pastorale a été la première à réagir. « Cette mort ne devait pas se produire. Ce malheur ne pouvait pourtant qu’arriver », déplore l’Association pour le développement durable de l’identité des Pyrénées (Addip), qui fédère les collectifs hostiles à l’ours. « Dans le Trentin, comme dans les Pyrénées et les Monts Cantabriques espagnols, les populations locales se sont vues imposer la présence et la protection des ours contre leur gré, non sans avoir, à escient, régulièrement alerté sur les menaces que feraient peser ces animaux dangereux sur la vie quotidienne et la sécurité publique », poursuit leur communiqué, en appuyant bien sur le fait qu’Andrea Papi « n’était ni chasseur, ni berger ».

Guerre des chiffres macabres

Dans l’autre camp, celui des défenseurs des ours, on s’efforce de relativiser l’événement. « Il s’agit de la première mort due à l’ours dans l’ouest de l’Europe depuis des décennies et dans le monde on compte en moyenne six à sept décès par an », souligne Patrick Leyrissoux, le référent ours de l’association Ferus. Le militant préfère mettre en perspective, en relevant qu’un chasseur a été tué par un cerf en 2017 en France, que d’autres ont été blessés par des sangliers, et qu’il arrive que des randonneurs soient chargés par des bovins dans les estives des Pyrénées.

Pour le collectif CAP-Ours « le risque d’accident présenté par l’ours, bien que très médiatisé, n’est pas plus élevé, voire inférieur à celui présenté par d’autres grands mammifères sauvages ou domestiques ». A l’Addip, les anti-ours tiennent un décompte plus macabre. Ils regardent vers l’Europe de l’est, avec deux décès en 2021, celui d’un Slovaque et celui d’un berger roumain qui rassemblait son troupeau. « Dans nos Pyrénées ariégeoises, un chasseur n’avait dû son salut en 2021, qu’à son arme qui lui permit d’abattre l’ourse qui l’avait sérieusement blessé et s’acharnait sur lui », faisant allusion à la mort de la femelle Caramelle sur laquelle une instruction judiciaire est toujours en cours.

Faire « profil bas » en cas de rencontre

Le drame italien tombe plutôt mal pour les amis des ours, au moment où les autorités mènent une nouvelle consultation publique pour généraliser, dans certaines conditions, l’effarouchement des ours pyrénéens trop féroces avec les troupeaux et notamment l’effarouchement « renforcé », autorisant des tirs non létaux. Cette procédure fait l’objet d’un bras de fer judiciaire qui dure depuis plusieurs années entre les ONG et le ministère de l’Ecologie, les arrêtés étant publiés, retoqués par la justice administrative, puis réécrits à nouveau.

Les défenseurs du plantigrade voient toutefois dans l’enquête minutieuse en cours en Italie sur la mort d’Andrea Papi, l’occasion d’améliorer l’information et la prévention. « Des scientifiques et éthologues ont été mis dans la boucle, et c’est une bonne chose », dit Patrick Leyrissoux. Le spécialiste rappelle qu’un flyer est diffusé par les autorités à l’attention des touristes et randonneurs en vadrouille dans les Pyrénées sur l’attitude à adopter en cas de « rencontre ». Mais il déplore qu’il soit parfois « caché au fond d’un placard dans certains syndicats d’initiatives » et que les panneaux de prévention prévus tardent à être plantés.

Le conseil général est de « faire profil bas » en toutes circonstances. « C’est facile à dire, reconnaît le militant. Mais il faut s’efforcer de rester calme. S’agiter, crier ou se munir d’un bâton pour frapper ne ferait qu’aggraver les choses et déclencher chez l’ours, comme chez tout autre prédateur, un réflexe inné de poursuite. » Pas la peine d’essayer de lutter contre « 200 kg de muscles et une pointe de vitesse de 55 km/h ». En amont, pour éviter la rencontre, le mieux est de ne pas surprendre l’animal – « à la vue basse mais à l’odorat et l’ouïe très développés » – en randonnant plutôt bruyamment.