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Pourquoi le cyclisme continue de vivre à l’heure du Covid

On l’avait presque oublié, à force de libertés retrouvées dans notre quotidien et de compétitions sportives disputées sans apparente contrainte, mais le Covid est toujours bien présent et continue de pourrir la vie de certains. C’est peut-être qu’on ne voulait plus regarder ça de trop près non plus, mais la mésaventure survenue à Remco Evenepoel dimanche sur le Tour d’Italie le rappelle : le coronavirus reste un ennemi sournois, capable de détruire en une fraction de seconde l’objectif majeur de la saison d’un des plus grands talents du monde. Dans le cyclisme tout du moins.

Quand la grande majorité des sports n’y voit qu’un lointain (mauvais) souvenir, le monde du vélo, particulièrement vulnérable, conserve un rapport particulier à ce virus. Plus rien n’oblige en effet les équipes à exfiltrer leurs coureurs après un test positif. Le concept de bulle sanitaire et les protocoles drastiques pour la préserver n’existent officiellement plus depuis le 1er janvier de cette année. Pourtant, la Soudal-Quick-Step n’a pas hésité longtemps à renvoyer à la maison son leader, champion du monde et grand favori du Giro. De son propre chef. Une décision qui peut surprendre… si on est extérieur au vélo.

Coureur infecté = danger

« On sait aujourd’hui, avec un peu de recul, que le Covid peut avoir un fort impact sur les coureurs, sur le plan de la santé et des performances, avec des répercussions cardiaques et pulmonaires, explique Serge Niamke, le responsable médical de l’équipe AG2R Citroën. Il est important pour nous, malgré la déception sportive que représente un abandon, de se focaliser sur la préservation de la santé du coureur avant le résultat. » C’était le sens du bref commentaire du patron de l’équipe belge Patrick Lefevere dimanche soir au sujet de son poulain : « zéro risque ».

Au-delà du fait de vivre 24 h/24 ensemble lors d’une course, avec la proximité que cela induit, le cyclisme est un sport d’endurance éminemment violent, notamment sur les grands Tours où il faut rouler entre quatre et six heures par jour pendant trois semaines, avec parfois des variations de températures qui fragilisent le système immunitaire. Le corps est sollicité à l’extrême et de manière ininterrompue, en particulier les voies respiratoires. Faire rouler un coureur infecté, même asymptomatique ou avec une charge virale assez faible, pourrait s’avérer dangereux.

Risques à long terme

« Il n’y a plus de réglementation mais c’est du bon sens médical, observe le patron du secteur santé de la Groupama-FDJ Jacky Maillot. On n’est jamais à l’abri d’une forme grave qui entraînerait des complications, et puis, de toute façon, on sait qu’il ne sera pas performant. On a eu des coureurs positifs avant le Tour de France l’an dernier, ils n’ont retrouvé la forme qu’après un à deux mois. Si Evenepoel avait continué, il se serait épuisé. »

Un certain consensus s’est dégagé ces derniers temps parmi les médecins des équipes World Tour pour ne pas tenter le diable en cas de test positif. « Il faut mettre le coureur au repos. C’est le seul traitement efficace pour les pathologies virales, car c’est le seul qui permette au corps de garder toute son énergie pour se remettre totalement, poursuit Serge Niamke. Ne pas le faire, c’est exposer le coureur à ne pas être performant pendant plusieurs mois après l’infection. »

Le Belge Dylan Teuns lors du Tour de France 2021.
Le Belge Dylan Teuns lors du Tour de France 2021. – ESPA Photo Agency/Cal Sport Medi/SIPA

On comprend alors pourquoi les cyclistes continuent à traquer la petite bête. Ils font partie des rares sportifs que l’on voit encore avec des masques, et surtout qui parlent encore du Covid comme d’une réalité. Remco Evenepoel lui-même en était bien conscient avant le départ du Giro. « Il faut être très prudent, disait-il dans un article de La Repubblica paru début mai. Porter un masque, se laver les mains et éviter les contacts inutiles sera important au cours des trois prochaines semaines. Si les journalistes veulent me voir samedi, ils devront porter un masque. »

Prophétique, malheureusement pour lui. C’est là toute la difficulté de la chose, rester à l’écart d’un virus dans un environnement poreux au possible. On ne va pas demander au public de porter des masques sur le bord des routes, alors c’est aux sportifs de s’adapter. « Nous, on maintient les gestes barrières au sein de l’équipe pour se prémunir au mieux, coureurs et staff : masques à la fin des étapes, lavage des mains, etc., détaille Serge Niamke. Mais il y aura toujours des trous dans la raquette, des contaminations dans les transports, les hôtels, etc. »

« Pas à l’abri d’autres virus dans les années à venir »

Du côté de la Groupama-FDJ, les vieilles habitudes sont bien ancrées. Une personne est chargée d’arriver à l’hôtel quelques heures avant les coureurs pour désinfecter les climatisations, les poignées de porte et tout ce qui pourrait tomber sous leurs mains. Le bus de l’équipe est également minutieusement nettoyé tous les soirs. Ça n’empêche pas les petits rhumes, comme Thibaut Pinot l’a éprouvé en fin de semaine dernière, mais, ce lundi, toute l’équipe a passé sans encombre le test de routine instauré à chaque journée de repos.

Si les protocoles sont dans l’ensemble un peu plus légers que lors des deux dernières saisons (« on ne peut pas se couper de tout le monde tout le temps, c’était lourd pour les coureurs, le staff, les sponsors qui veulent venir partager la vie de l’équipe », explique Jacky Maillot), la prudence reste le maître mot. Et ce n’est pas près de changer. « Vu ce qu’on annonce sur le réchauffement climatique, on n’est pas à l’abri d’autres virus dans les années à venir donc il va falloir continuer de vivre avec ça », projette le médecin de la Groupama-FDJ.

En attendant, le directeur du Tour d’Italie, Mauro Vegni, a annoncé lundi le retour d’un protocole sanitaire après les contaminations de cinq autres coureurs depuis le départ, en plus d’Evenepoel. « On a laissé tomber le focus un peu trop tôt. Nous devons continuer à rester vigilants », a-t-il déclaré à la Gazzetta dello Sport. Dès ce mardi, le port du masque sera à nouveau obligatoire dans les zones de contacts avec les coureurs, au départ et à l’arrivée. »