France

Popeye, le faux CRS qui fait la loi sur les manifs à Lille

Ce rêve de bleu. Si les policiers ont été adulés après les attentats qui ont secoué la France en 2015 et 2016, ils sont beaucoup moins appréciés par les opposants à la réforme des retraites. Néanmoins, à Lille, les hommes en bleu ont au moins un fan inconditionnel. « Mon prénom, c’est incognito. On m’appelle Popeye », assure ce dernier avec beaucoup de sérieux.

La première fois que nous avons vu Popeye, il collait aux fesses des CRS qui encadraient le cortège du 15 mars. S’il a fait illusion de loin, en l’observant attentivement, on s’est vite dit « rien ne va ». D’un certain âge, claudiquant et brandissant sa béquille comme une matraque, il avait tout et rien d’un fonctionnaire de police.

Dans le doute, nous avons fait une petite vidéo de six secondes, postée sur TikTok avec le titre : « POV : quand t’es encore policier à 97 ans ». Le buzz inattendu de cette vidéo nous a poussés à vouloir en savoir davantage sur ce personnage hors du commun. C’est lundi, lors du rassemblement spontané qui a suivi le rejet de la motion de censure du gouvernement, que 20 Minutes a retrouvé son faux CRS. Dans les mimiques, on peut en effet lui trouver une certaine ressemblance avec le personnage de dessin animé éponyme. Toujours armé de sa béquille et de son sifflet, Popeye invective avec fermeté les piétons et les cyclistes qui tentent de contourner le cordon policier. « Je travaille avec eux, je les aide, lance-t-il. J’aurais bien voulu entrer dans la police, mais comme je suis handicapé, voilà quoi. »

« Je fais ce que je veux, je m’habille comme je veux »

Une vocation avortée, certes, mais qui ne l’empêche pas de porter l’uniforme. « J’aime bien, j’en ai un de policier, un de pompier et un de l’armée », clame-t-il fièrement. Et quand on lui fait remarquer que ce n’est peut-être pas très légal, Popeye s’agace un peu : « Je fais ce que je veux, je m’habille comme je veux, j’ai d’ordre à recevoir de personne. » Il a quand même pris soin de retirer le blason des CRS qu’il arborait lors de la précédente manif, « donné à un copain ». Du côté des vrais policiers, on ferme un œil et on garde l’autre ouvert avec bienveillance, lui donnant raison. « On le connaît comme ça, de vue. A force, c’est devenu un peu notre mascotte », plaisante l’un d’eux. « Les gens dans les manifs aussi ils me connaissent, ils m’appellent Golum », renchérit Popeye.

A 59 ans, « bientôt 60 », le policier manqué affirme avoir été pompier un temps, puis aide cuisinier à Tourcoing. « J’aime pas Tourcoing, y’a rien, c’est mort par rapport à Lille », déplore-t-il. Alors dès qu’il a le temps, il saute dans le métro et revient dans sa ville natale. « Je fais toutes les manifs ici, ça m’occupe ». Et si son calot ne le protège pas des projectiles, Popeye n’a pourtant pas froid aux yeux : « J’ai ma matraque », insiste-t-il en montrant sa béquille. Il nous confie aussi qu’il aimerait bien avoir une radio et une bombe lacrymogène, « parce que c’est quand même grave ce qui se passe ici ».

Entre deux phrases et trois coups de sifflet, Popeye ne lâche pas la grappe aux piétons, lesquels obtempèrent, dans le doute. Une autorité qui lui fait bomber le torse et alimente un rêve impossible. Parce qu’intégrer les forces de l’ordre lui trotte toujours dans la tête. Et s’il n’a pas pu entrer par la porte, il compte bien tenter la fenêtre : « Je vais faire les démarches pour la réserve opérationnelle de la police. Ils m’ont dit que je pouvais », assure Popeye. Reste à savoir qui sont ce « ils ».