France

Nord : Un logiciel améliore la vie d’enfants en difficulté scolaire

« Ces enfants ne sont pas des handicapés de la vie, mais des handicapés de l’école. » Dès qu’il est sollicité sur le sujet, l’écrivain Pierre Lemaître livre cette définition des « dys ». L’ancien Prix Goncourt sait de quoi il parle puisque sa fille est dyslexique, c’est-à-dire qu’elle inverse parfois les lettres ou les syllabes.

Dyslexie, dyspraxie, dysorthographie… Tous ces troubles neurologiques de l’apprentissage handicapent terriblement certains enfants qui, par ailleurs, ont de réelles capacités intellectuelles. « Or, ces capacités, ils ont beaucoup de mal, hélas, à les exprimer à l’école. Ils doivent faire plus d’efforts que les autres élèves », souligne Thierry Paluch, directeur de pôle chez APF France Handicap, dans le Nord. Et selon les estimations officielles, ces élèves qui souffrent de troubles de l’apprentissage – souvent synonyme d’échec scolaire – représentent entre 6 et 8 % de la population française.

Facilité de prise en main

Pour eux, l’horizon va peut-être s’éclaircir un peu. Une start-up, installée à Lille, a pris la mesure de ces dysfonctionnements pour concevoir un logiciel innovant. Rien de révolutionnaire en matière de pédagogie, mais une facilité de prise en main dans la mesure où le logiciel regroupe 24 outils pédagogiques et de compensation. « C’est une sorte de cahier scolaire numérique », résume François Billioud, cofondateur de la start-up Cantoo – traduction : « on peut aussi » – qui travaille depuis plus de dix ans sur ce projet.

L’idée est de n’utiliser qu’une seule interface pour tous les usages : la lecture, l’écriture, le calcul, les sciences, la mémoire ou encore l’organisation du travail. « Pour la lecture, par exemple, ça va de la reconnaissance vocale au système de colorisation des syllabes pour aider à l’apprentissage, précise François Billioud. On peut aussi espacer les mots pour mieux les voir. »

« L’innovation de Cantoo, c’est la simplicité. Nous utilisions déjà des logiciels, mais la gestion des différents fichiers était très compliquée et ça pouvait décourager l’enfant », témoignent Emmanuelle Smoch et Louise Labbe, deux ergothérapeutes de l’Institut motricité Fougerousse, à Douai, où ce logiciel est testé depuis plusieurs mois.

Plus de dix ans de développement

Ainsi, au fil de l’expérimentation et des retours d’expérience de quelque 6.000 utilisateurs, le logiciel est devenu de plus en plus intuitif et performant. Or, cette belle histoire a vu le jour presque par hasard, en 2009, avec un simple projet étudiant à Centrale Lille.

Un éducateur spécialisé et un prof proposaient de travailler sur un logiciel pour accompagner dans l’apprentissage des maths, des jeunes atteints de dyspraxie, un problème de motricité fine qui freine la capacité à écrire avec un stylo. « Le projet m’a intéressé dans sa dimension informatique. C’était mon domaine et, à l’époque, il y avait encore peu de projets de ce type », se souvient François Billioud.

Ce dernier est vite rejoint par Minashe Selvam, étudiante brésilienne aussi passée par Centrale Lille, mais qui affiche des motivations différentes. « Une de mes cousines avait un problème dys qui n’a jamais été diagnostiqué, explique-t-elle. C’était très difficile à vivre pour notre famille. Je comprends d’autant mieux la détresse des parents qui se trouvent démunis par cette situation et je suis ravie de tenter d’y apporter une solution. »

Levée de fonds d’un million d’euros

Aujourd’hui, le logiciel Cantoo doit être développé dans quarante établissements scolaires répartis sur douze départements. Grâce à une levée de fonds d’un million d’euros en décembre, la start-up – qui emploie neuf personnes et collabore avec une dizaine de prestataires – espère élargir son rayon d’action dans les mois à venir.

D’autant que ce « cahier scolaire numérique » s’adapte aussi aux enfants touchés par des troubles de l’autisme ou de l’attention. « L’idéal serait que tous les enfants puissent l’utiliser, sans aucune distinction », estime Thierry Paluch, de France Handicap. Car, selon le ministre de l’Education Nationale, plus d’un quart des élèves n’ont pas le niveau attendu en français, en entrant au collège et ils sont près d’un tiers en mathématiques.