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Moto GP : « C’est leur bébé », le lien étroit entre les pilotes et leur casque

Un énorme « 5 », sur l’arrière, aux couleurs du drapeau des Etats-Unis, rouge, bleu et blanc, orné de deux petites étoiles pour ses deux titres de champion du Monde en Moto 2 en 2015 et 2016. Un autre, plus petit, sur la partie supérieure, toujours avec deux étoiles. Sans oublier les fameuses bandes rouges du « stars and stripes », le nom du drapeau américain, et le logo RedBull. Voilà à quoi ressemblera l’œuvre d’art, ou plutôt le casque, que portera le pilote français de Moto GP, Johann Zarco, pour le Grand Prix d’Austin, aux Etats-Unis, dont la course principale s’élancera ce dimanche (21 heures).

Le casque des pilotes est l’un des seuls objets sur lequel ils peuvent apporter une touche de leur personnalité. « Les pilotes de Moto GP ne sont libres sur rien. La couleur de leur combinaison et de leur moto leur est imposée, alors que le casque c’est leur bébé. Les contrats sont traités par les managers, mais pour les casques on est en direct avec les pilotes », cadre Florian Fouris, racing manager chez Shark, fabricant français de casque basé à Marseille.

Etroite collaboration entre le fabricant et le pilote

Ce que Johann Zarco confirme : « Quand on est partenaire avec RedBull, on place déjà le logo et ensuite on fait notre déco. Ils sont très exigeants sur leur emplacement et leur couleur, donc mieux vaut prendre ça en compte dès le départ, sinon tu gâches toute la déco ». Cela n’empêche pas une étroite collaboration entre le fabricant de casque, le designer, et le pilote. « Shark a un designer freelance qui bosse avec eux, et il a aussi les réflexes de réfléchir la décoration pour la faire en replica. Tu fais une déco sympa, et en même temps pour eux la faire à 10.000 exemplaires, c’est réalisable. Certaines décos sont réalisables avec un peintre, à la main, mais il a 3 casques à faire, pas 10.000 », confie le pilote.

Florian Fouris, est par exemple allé passer une semaine en Californie chez Troy Lee Designs, marque récemment rachetée par Shark, avec Miguel Oliveira et Lorenzo Fellon pour designer leur casque de la saison 2023.

Des replicas commercialisés autour de 1.000 euros

Du casque du pilote, découle une collection replica commercialisée par Shark pour le grand public. Si le prix d’un casque de pilote atteint les 3.000 euros avec les mousses, la personnalisation, la décoration, quand un casque replica est commercialisé autour des 1.000 euros. « J’aime être vraiment très proche de la marque. Parce je pourrais simplement être le pilote, dire  » je veux ma déco et je m’en fous de votre business vous vous faites déjà de l’argent sur mon cul donc c’est moi qui choisis « . Non on est en collaboration intelligente, et ça me plaît de faire comme ça », lance-t-il. « Les pilotes s’impliquent énormément dans la conception et le design de leur casque pour les replicas parce qu’ils sont super fiers que les fans puissent porter le même casque », confirme Florian Fouris.

Au point d’imaginer dès décembre le design du casque de la saison prochaine, afin que le replica soit prêt à être commercialisé lorsque le pilote le porte en course pour la première fois. « Ça fait bizarre de réfléchir en décembre à ton casque que tu porteras mi-mai, mais c’est comme ça qu’il faut faire. Eux pensent pour moi, et moi j’ai juste à choisir, donner mon avis. C’est facile et j’aime bien ça », avance Johann Zarco. Celui qu’il portera ce week-end pour le Grand Prix d’Austin est celui créé l’année dernière pour la course aux USA. En plus de celui-ci, il portera également celui de 2022, ou peut-être un nouveau décor 2023, pour le Grand Prix de France le 14 mai prochain, et l’édition « Winter test » pour le Grand Prix de Valence.

Accompagnement personnalisé

Et mieux vaut y réfléchir en amont car en moyenne, un pilote utilise de 8 à 10 casques par saison, et pas forcément à chaque chute. Le casque est changé en moyenne une fois toutes les trois chutes parce que le casque ne tape que rarement. Sauf pour certains casse-cou comme le pilote espagnol Alex Debón, pour qui Shark a carrément dû réfléchir à modifier sa décoration à cause de ses trop nombreuses chutes. « Un drapeau espagnol à peindre seulement, ça fait gagner du temps », en rigole Florian Fouris.

Parce que le fabricant offre un service personnalisé à tous ses pilotes, Johann Zarco et Jorge Martin chez Pramac, Miguel Oliveira et Raul Fernandez d’Aprilia Racing Team Gresini en Moto GP, jusqu’à Lorenzo Fellon, le pilote français en Moto 3. « On est tout le temps aux côtés des pilotes. Il n’y a pas un test sans qu’on soit là. On ne laisse rien au hasard, et on échange beaucoup avec eux. On leur offre un service complet, avec un semi-remorque présent sur les courses européennes dans lequel on peut monter un casque de A à Z, mais aussi hors Europe », relate Florian Fouris, racing manager chez Shark.

Un partenariat de longue date comme avec Johann Zarco permet au fabricant « de le connaître par cœur ». « Il utilise toujours le même Racer-R Pro GP, mais il peut y avoir un travail différent sur l’intérieur avec plus ou moins de maintien, histoire de ne pas avoir le casque collé au visage quand tu roules à 360 km/h. On va jouer sur la mousse intérieure, changer la coiffe en hauteur pour une meilleure position, on peut rajouter des pads pour aspirer la transpiration », liste le racing manager.

Des retours d’expériences très précieux

La parfaite connaissance du pilote est l’une des explications à la stratégie de recrutement des pilotes par Shark. « On ne se dit pas  » tiens, il est bon on va le prendre « . On ne prendrait pas Bagnaia parce qu’il est champion du Monde. Dès les compétitions juniors, on est présent avec notre camion et notre racing service ce qui permet de nouer des partenariats assez tôt avec les pilotes. Zarco, on travaille avec lui depuis 2009, sa première année en 125cc. Il est français, habite à 1h15 de chez nous, donc c’est facile. Il vient chez nous, on va chez lui. Miguel Oliveira, on l’a depuis sa première année de Moto 3, Raul Fernandez nous a quitté un an avant de vite revenir », explique Florian Touris.

Les retours en course sont très précieux pour la marqu : « Ils atteignent des vitesses de plus de 350 km/h, et se prennent des sacrées bugnes. On se sert de ces informations à tous les niveaux. Dès qu’un pilote fait un retour positif, ou négatif, on en informe le service recherche et développement. Encore cette nuit, j’ai reçu un message de Johann que je leur ai fait remonter », explique le racing manager de Shark, en étroit lien avec les 30 personnes qui composent le service R & D basé au siège social, à Marseille.

Sécurité et performance

Parce qu’au-delà de l’aspect esthétique, le casque reste le meilleur allié du pilote en terme de sécurité, avec la combinaison. « Shark est le fabricant le plus à la page en termes de sécurité », avance Johann Zarco. Tous les casques portés par les pilotes doivent répondre à la norme FIM, « la norme spécifique pour la course, qui est plus exigeante avec la notion de perforation », explique Vincent Betton, manager France chez Shark. Si les évolutions de casque ne sont pas nombreuses, le Race-r Pro GP, le modèle des pilotes, répondait déjà à la norme ECE 22.06, de vigueur sur la route depuis juillet 2022 pour les fabricants, et beaucoup plus drastique que la précédente.

Sans pour autant oublier la performance, maître mot des pilotes et de leurs équipes. Il n’est pas rare que Shark soit invité dans les souffleries de certaines équipes pour des tests aérodynamiques. Dans ce domaine aussi, Shark fait office de référence. « La fonction créée le design, chaque courbe a une fonction », rappelle Vincent Betton, manager France chez Shark. « Pour la petite histoire, la première course que Jorge Lorenzo portait ce casque, il a doublé Marc Marquez dans la dernière ligne droite du circuit du Mugello et Yamaha nous avait fait un clin d’œil en disant qu’on avait participé à cette victoire grâce au casque », en sourit Florian Fouris. Le record de vitesse de pointe de Jorge Martin, de 363.6 km/h, réalisé avec un casque Shark, est une autre fierté de la marque tricolore.