France

Marseille : « Les touristes sont évidemment les bienvenus dans les calanques », assure la nouvelle directrice du parc

Elle a pris ses fonctions le 1er septembre dernier, au lendemain d’une saison particulière au sein du parc national des calanques qui, pour la première fois, à instaurer des quotas d’accès pour lutter contre la surfréquentation de certains de ces sites. A la veille d’une nouvelle saison touristique, qui sera sa première, la directrice du parc Gaëlle Berthaud et le chargé de communication du parc Zacharie Bruyas donnent pour 20 Minutes Marseille un premier bilan de la limitation de visiteurs à Sugiton avant de revenir sur les enjeux à venir dans cet espace naturel devenu très attractif.

L’année dernière a été expérimentée l’instauration de quotas pour accéder à une calanque, celle de Sugiton. Quel bilan en faites-vous ?

Gaëlle Berthaud (G.B) : Sur Sugiton, le bilan qu’on a fait au conseil d’administration dernièrement est très positif, d’abord sur la perception de cette expérimentation. On voit bien que cette mesure a été comprise, et son sens de préservation aussi. Aujourd’hui, le conseil d’administration a décidé de poursuivre l’expérimentation sur cinq ans, parce que l’impact environnemental, ce n’est pas en une saison qu’on arrivera à le voir. On a réussi à voir quelques repousses à certains endroits. Mais très sincèrement, avant qu’il y ait une érosion des sols qui soit arrêtée ou qu’on retrouve des racines qui trouvent un espace normal, il faudra à peu près cinq ans. C’est l’autre échéance qu’on se donne pour regarder les choses.

Envisagez-vous d’étendre ce système de réservation à d’autres calanques ?

G.B. : Non. La question d’état des lieux environnemental à Sugiton le nécessitait. Mais on n’a pas toutes les calanques qui sont dans cet état environnemental. Et en plus, c’est un dispositif particulier qui ne peut pas se mettre partout. C’est pas simple.

Zacharie Bruyas (Z.B.) : En revanche, cette année, à En-Vau, qui fait face à une forme de surfréquentation, on met en place une régulation au niveau des sports de pagaie. Les kayaks pouvaient occuper un tiers voire une moitié de plage. On va pas jouer sur le volume de fréquentation mais sur le fait de libérer un espace. Ils posaient les kayaks sur les rochers, et portaient atteinte à l’habitat naturel, notamment une forme d’algue calcaire. Ils marchaient dessus et les dégradaient.

En quoi cette régulation consiste-t-elle ?

Z.B : Sur En-Vau et Port-Pin, pour la location d’embarcation de sports de pagaie, on a fait un appel d’offres pour que les professionnels puissent louer des embarcations. Il y a quatre lots. Il y a deux lots de quarante embarcations et deux lots de vingt embarcations. L’appel d’offres est terminé et on est en train d’éplucher les candidatures. L’intérêt de ce système-là, c’est d’avoir une meilleure connaissance de qui loue quoi. Il y a certaines embarcations qui peuvent questionner. On sait pas d’où ils viennent, s’ils ont une autorisation… Des cabanoniers nous le disent et c’est questionnant. Ils voient une camionnette arriver et mettre des kayaks sur la plage….

G.B : On fera notre choix en fonction de critères environnementaux. Il y a aussi des critères de sécurité. Ils doivent aussi mettre en place des coordonnateurs sur site aussi pour accompagner notamment sur les deux calanques sensibles les gens qui ont loué. L’objectif, c’est de donner l’information et que les choses se passent bien. L’ensemble de cette régulation permet aussi de limiter la location illégale. Là, on officialise une location légale.

L’autre nouveauté de la saison dernière, c’est la mise en place d’une calanque naturiste au cœur du parc, la calanque de Pierres Tombées. Comment cela se passe-t-il ?

G.B : J’ai pas forcément eu de remontées sur des conflits d’usage, sauf de l’association des naturistes qui constate que des bateaux s’approchent un petit peu près. D’ailleurs, pour élargir le sujet, nous, ce qu’on a pu constater l’été dernier, c’est qu’il y a beaucoup plus d’incivilités en mer. Il y a de la violence verbale, y compris à l’encontre des agents du parc. Il y a un certain nombre de bateaux qui, aujourd’hui, n’ont pas forcément les codes marins, avec beaucoup de musique, de l’alcool, la fête à bord… Est-ce que c’est aussi relatif à ces amusements qu’on peut voir en mer de se rapprocher de la calanque Pierres Tombées ? Je ne sais pas, mais en tout cas, cette année, on va avoir des écogardes en mer soutenus par le conseil régional. On aura deux gardes régionaux marins et on aura une attention toute particulière pour objectiver ça.

Z.B : C’est un phénomène qu’on a toujours vu, cette question du bruit. Il y a aussi un côté un peu « show off ». Tu viens à la calanque d’En-Vau, tu mets le son aussi pour être vu. C’est vrai aussi que les locations de bateau se démocratisent de plus en plus, avec des plateformes qui se sont développées. On prépare une vidéo avec un influenceur marseillais connu pour s’adresser à un public assez urbain ou des touristes qui n’ont pas une culture de la mer très développée pour leur donner les clés. Et on va inciter les loueurs à leur montrer cette vidéo.

En quoi ces incivilités à bord posent-elles problème ?

Z.B. : Il y a un conflit d’usage. La mer est aussi un espace de travail. Les pêcheurs sont de plus en plus à nous faire remonter la présence de bateaux qui bombardent à côté d’eux, qui détruisent les filets. On essaie de sensibiliser nos visiteurs au fait qu’il faut respecter le travail de ceux qui sont dans le parc.

G.B. : Il y a aussi un impact sonore vis-à-vis de la faune. Les embarcations ont un effet avéré sur l’ensemble des espèces marines. Et d’ailleurs, il y a un arrêté très clair du préfet maritime qui dit qu’il ne doit pas y avoir de nuisances sonores pour des raisons de protection de l’environnement. Si certains agissent comme ça, c’est sûrement par méconnaissance, en se disant qu’en mer, on a toute liberté.

Depuis plusieurs années, le parc des Calanques est engagé dans une logique de « démarketing », visant à ne pas promouvoir les visites dans un endroit idyllique pour faire face à la surfréquentation. Voyez-vous des résultats ?

G.B : Avec le démarketing, l’idée était de donner aux touristes une image vraie, et pas faire semblant de donner une fausse image. Mais là où l’on est vigilant, c’est de pas tomber dans l’effet inverse et de faire du bashing des calanques. Dire que cet espace est catastrophique… Non ! Cet espace est toujours exceptionnel avec de super paysages. Et l’autre chose importante, c’est de ne pas dire qu’on ne veut pas que les touristes viennent. Le démarketing, c’est pas dire que cet espace est fermé et réservé. C’est juste de dire que certaines images véhiculées ne sont pas la réalité parce qu’il y a beaucoup de monde. Mais on n’est pas contre les touristes, pas du tout ! On a voulu être dans une démarche de transparence, mais il y a toujours des effets qui sont pas voulus. On n’a pas voulu dire que les touristes ne sont pas les bienvenus. Au contraire, les touristes sont évidemment les bienvenus dans les calanques. Je ne sais pas si vous avez vu la publication de Geo, qui reprenait un guide américain, qui a cité l’ensemble des sites touristiques où il ne fallait pas aller. Et on est numéro 2…

Avez-vous des craintes pour la saison à venir ?

G.B : L’un des principaux enjeux qui s’impose au parc, c’est la question des incendies. La vulnérabilité existe depuis très longtemps, avec l’effet mistral et une végétalisation qui brûle assez vite. Mais quand je vois qu’il y a encore des gens qui bivouaquent le week-end dernier et utilisent des réchauds, on voit qu’il y a un vrai besoin de communiquer sur le sujet, alors que la France du Sud-Ouest a été dévastée l’été dernier.