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Les missiles longue portée promis à Kiev peuvent-ils changer la donne ?

C’est une première depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Londres va fournir des missiles Storm Shadow, de longue portée, permettant à l’armée ukrainienne d’atteindre des cibles lointaines. A quoi servent-ils ? Quels dégâts peuvent-ils causer ? Surtout, à l’heure où une contre-offensive de Kiev se prépare, ces nouvelles armes peuvent-elles changer la donne sur le terrain ? « Aucune arme ne permet de reprendre un territoire, mais c’est un arsenal qui se densifie », répond à 20 Minutes Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien et stratégiste.

Qu’est-ce qu’un missile de longue portée ?

Officiellement, ces missiles de croisière ont une portée de plus de 250 kilomètres, plus que toutes les autres armes fournies à Kiev par les pays occidentaux. Mais en réalité, « c’est peut-être le double », explique Michel Goya. Ces Storm Shadow ont à peu près la même puissance que ceux que possède la Russie et qu’elle lance sur les villes ukrainiennes. Ils ont cependant l’avantage d’être « furtifs, difficiles à discerner sur les radars et donc difficilement interceptables », complète-t-il.

D’environ 1,3 tonne, ces missiles européens sont lourds et lancés depuis des avions. Il faudra alors que l’armée ukrainienne adapte ses appareils afin de pouvoir s’en servir. « Ce n’est pas encore fait techniquement », prévient Michel Goya. Relativement anciens, ils ont déjà été utilisés notamment par la France dans différents conflits, comme en Libye en 2011, contre l’Etat islamique en Syrie et en Irak ou encore contre des sites de l’armée syrienne après une attaque chimique en 2018.

Que peuvent-ils changer sur le terrain ?

Cette nouvelle acquisition de la part de l’armée ukrainienne peut-elle lui permettre de reprendre un territoire ? « Ça ne suffit pas », tempère Michel Goya. Cela dépendra de la date à laquelle ces missiles seront livrés, mais aussi de leur quantité. « Si les Ukrainiens en obtiennent des centaines, ça peut faire de très gros dégâts dans les bases russes, les infrastructures, les ponts, les dépôts… C’est une aide importante », développe l’historien. Surtout s’ils sont fournis assez tôt pour entrer dans la stratégie de contre-offensive annoncée depuis des semaines par Kiev.

« Ce sont des missiles très puissants et très efficaces », insiste Michel Goya. « C’est un vrai saut qualitatif », abonde l’historien. Ces missiles peuvent atteindre des cibles très éloignées, même jusqu’en Crimée, et toucher toutes les bases aériennes russes proches de la frontière ukrainienne.

Faut-il craindre une escalade du conflit ?

C’est pourquoi, jusqu’ici, les autres soutiens occidentaux de Kiev, les Etats-Unis en tête, sont restés frileux à l’idée de fournir ce genre d’armes craignant une escalade du conflit et des représailles russes. Moscou avait déjà proféré des menaces après la livraison de chars lourds par de nombreux pays européens et les Etats-Unis, mais rien ne s’est réellement passé. Pour les missiles de longue portée, « c’est donc un peu un test sur la réaction russe », analyse encore Michel Goya.

Concernant les chars, les Britanniques étaient déjà les premiers à sauter le pas, d’autres pays avaient ensuite suivi la démarche. « Rien n’interdirait d’envoyer d’autres projectiles, surtout si les Russes ne réagissent pas », estime alors l’historien.