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« Les chiens méchants, ça n’existe pas »… Un vétérinaire urgentiste nous plonge dans son quotidien

Le téléphone arrête rarement de sonner. Ici, ce ne sont ni les pompiers ni le Samu mais VetaDom, l’équivalent de SOS Médecins pour les animaux. Pierre Fabing y exerce au sein de l’antenne parisienne depuis 2015 comme vétérinaire urgentiste. Pour un quotidien très animé, « extraordinaire » selon lui, et dont le natif de Moselle ne se plaint pas. Il apprécie quand les propriétaires de ses patients lui répètent d’avoir la chance d’exercer « le plus beau métier du monde ». Le docteur tenait à en raconter les coulisses dans Vous avez appelé le véto, qui sort ce mercredi 12 avril (Albin Michel, 264 pages, 19,90 euros).

En quoi votre métier est-il extraordinaire au quotidien ?

Parce que je suis en permanence dans l’urgence et que je ne sais jamais vraiment ce qu’il va se passer. Des propriétaires d’animaux nous appellent tous les jours avec un motif : pour leur chat qui a vomi éventuellement. Mais derrière ça, on peut se retrouver dans une situation inattendue. En fonction du lieu où on est, mais aussi des relations humaines qui peuvent se nouer. Et alors là, on peut tomber dans l’extraordinaire.

C’est justement ce que vous racontez dans votre livre, toutes ces aventures…

Encore une fois, ce ne sont pas toutes mes consultations. Mais c’est assez fréquent qu’il me reste une petite histoire à la fin dont je me souviendrai pendant des années. Si je ne devais en retenir une ? Je dirais les fins de vie. Je me souviens d’un cas où je suis allé voir un animal qui appartenait à une petite fille qui était décédée d’un cancer. Rien que d’en parler, j’en ai des frissons. Ce sont des moments très durs, ça nous touche émotionnellement. A l’inverse, quand on arrive à sauver un animal d’une situation catastrophique, on vit un moment incroyable. On se sent tout puissant.

Dans votre première histoire, vous n’êtes pas loin de laisser votre doigt à cause d’une chatte qui vous mort violemment…

En général, les animaux ne sont pas contents de me voir. Donc on peut avoir des petites réactions qui ne sont parfois pas celles qu’on attend. Mais des vraies blessures, j’en ai eu deux. Quand j’ai failli me faire opérer du doigt, j’avais eu un petit défaut de maîtrise. La deuxième fois, quand je me suis fait mordre par un chien, je n’y étais pour rien. C’est le propriétaire qui a lâché son animal et il m’a planté un croc à côté du genou. Ce sont des petits accidents.

Vous n’avez pas peur depuis ?

Non parce que les animaux peu coopératifs font partie de notre quotidien. C’est à nous de prendre les mesures qu’il faut. Le chien qui s’est lâché sur moi, c’était vraiment de la bêtise humaine. Le propriétaire avait un chien qui pouvait être considéré comme une arme et il n’a pas tenu son animal. Oui, j’ai eu peur ce jour-là mais ça n’existe pas les chiens méchants. Le chien, c’est le propriétaire qui va le rendre méchant.

Vous écrivez « Nous soignons autant les animaux que leurs propriétaires ». Que voulez-vous dire ?

Le lien entre les gens et leurs animaux est tellement fort aujourd’hui que quand on va soigner leur animal, on va en quelque sorte soigner le propriétaire. En intervenant à domicile, on est confronté à pleins de choses. Notamment aux personnes seules, un peu isolées. Notre passage leur fait en général énormément de bien, ne serait-ce que pour le petit contact humain. Je repense toujours à cette période du Covid-19, où on était les seules personnes parfois que les gens voyaient pendant deux mois…

Votre métier, c’est beaucoup d’aventures et autant de rencontres humaines…

Je fais des rencontres fantastiques tous les jours. On peut aller partout. On va autant dans les banlieues un peu défavorisées que dans des appartements luxueux du XVIe arrondissement. Et toutes ces personnes ont quelque chose à nous raconter. Moi, j’affectionne particulièrement les personnes âgées qui ont toute cette vie derrière eux et qui ne demandent qu’à la partager. Je prends toujours dix minutes à la fin des consultations, si j’ai le temps bien sûr, pour discuter et me nourrir de cette expérience.

Pierre Fabing a vécu quelques aventures lors de interventions...
Pierre Fabing a vécu quelques aventures lors de interventions… – Pierre Fabing

Revenons-en au début : pourquoi avoir choisi ce métier d’urgentiste ?

Je faisais de la rurale quand j’ai commencé à être vétérinaire, donc j’allais soigner les vaches dans les fermes. Aujourd’hui, j’en fais toujours mais en ville car le secteur d’intervention est très large. On voit toutes sortes de situations. On a cette casquette de pompier, on est là pour sauver les animaux. Cette adrénaline fait que je suis passionné par cet exercice. Ça me permet de m’épanouir, de trouver un sens à ce que je fais. Les gens vous accueillent toujours et vous remercient, il y a une vraie gratification.

Est-ce plus dur que de rester au cabinet et d’enchaîner les consultations ?

Il y a des vétos qui ne se verraient pas à ma place. Ils me demandent comment je peux aller chez les gens et faire tout ça chez eux. Je leur réponds que je ne pourrais pas faire autre chose. Je travaille avec les moyens du bord, c’est-à-dire 20 à 35 kilos de matériels avec moi. Ça oblige à sortir de sa zone de confort. Le côté social est aussi plus marqué car je pense que les gens s’ouvrent davantage à nous. Sur dix vétérinaires, je dirais qu’un seul est urgentiste aujourd’hui, même si on fait de tout en rurale. Les services dédiés aux urgences commencent à s’installer un peu partout en France, à être un métier à part entière.

La demande doit être forte…

Oui, énorme, je m’en rends compte moi qui travaille surtout la nuit. Après, tous les appels ne déclenchent pas une consultation, seulement 15 % environ. Le reste, c’est du conseil médical et je suis content de répondre. Les gens n’appellent pas pour rien, ils sont inquiets pour leur animal et ont besoin de l’avis d’un professionnel.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Je voulais parler de toutes mes histoires. On nous dit souvent qu’on fait « le plus beau métier du monde » et je voulais en parler. Mais j’ajoute qu’on est aussi confronté à la mort, qu’on la donne fréquemment. Et dans les urgences, il y a une partie émotionnelle, un stress, sans oublier une exigence croissante de la part des propriétaires. On est la profession de santé qui a le plus fort taux de suicide. C’est aussi une des thématiques du livre.

Pensez-vous continuer longtemps ce métier ?

Pour l’instant, je ne me vois faire rien d’autre. Il y aura d’autres histoires à raconter, c’est sûr.