France

« Le sida est contrôlé », mais quarante ans après il n’a pas de vaccin

Il y a précisément quarante ans, une petite équipe de l’Institut Pasteur mettait la pipette sur le virus qui allait marquer toute une génération : le VIH. Ce nom ne lui sera attribué qu’en 1986, mais ce 20 mai 1983, dans leur laboratoire parisien, Françoise Barré-Sinoussi, Jean-Claude Chermann et Luc Montagnier sont les premiers à isoler ce virus apparu deux ans plus tôt. Le début d’une lutte scientifique acharnée contre le sida.

Quarante ans plus tard, l’épidémie est présente sur tous les continents, et si elle est bien mieux contrôlée, le sida tue toujours. Où en sont les chiffres ? La recherche d’un remède et d’un vaccin a-t-elle avancé ? Fait-on encore assez de prévention ? 20 Minutes fait le point avec Bruno Spire, directeur de recherches à l’Inserm et président d’honneur de l’association Aides.

Où en est l’épidémie en France et dans le monde ?

La statistique est simple à retenir : en quarante ans, le sida a fait 40 millions de morts à travers le monde. Avec un virus « mortel » et une recherche balbutiante, « les gens mourraient dans des conditions épouvantables », raconte Bruno Spire. Aujourd’hui, « la maladie est contrôlée ». Les connaissances sur le mode de transmission et le traitement ont largement évolué, permettant à 38,4 millions de personnes de vivre avec la maladie en 2021, selon l’Onusida. En France, 5.013 personnes ont découvert leur séropositivité cette même année, sur près de 5,7 millions de tests en laboratoire médical, selon Santé publique France. La moitié de ces cas découverts concernent des personnes hétérosexuelles.

Le vaccin contre le sida, c’est pour bientôt ?

La recherche a fait plusieurs bonds en avant dans la lutte contre le sida. Concernant le traitement de la maladie, après « des traitements lourds avec des secondaires » et la trithérapie, il existe aujourd’hui « plus d’armes biomédicales », souligne Bruno Spire. « C’est beaucoup plus simple, il peut y avoir un seul comprimé à prendre par jour, ou une injection entre les muscles tous les deux mois », liste le médecin. Il cite aussi « la Prep, qui permet de se protéger même dans des rapports sans préservatifs » si le médicament est pris en amont.

Mais il reste, pour le président d’honneur d’Aides, deux « grands enjeux » dans la recherche contre le sida : « le vaccin, et un traitement qui guérit complètement ». Le premier est un serpent de mer presque aussi vieux que le sida lui-même, et « il sera sans doute très difficile de l’avoir dans un avenir proche », prévient Bruno Spire. Contrairement au virus lié au Covid-19, « dont on guérit dans 99 % des cas dans la nature », impossible de « reproduire ce qu’on voyait dans la nature » avec le VIH. De plus, le virus reste « extrêmement variable ». Les traitements actuels, eux, n’éliment pas complètement le virus, mais permettent de vivre plus longtemps avec. Les problèmes de santé qui viennent en vieillissant sont toutefois « pires pour les séropositifs », relève le médecin.

La prévention est-elle suffisante ?

Le virus du sida et son mode de transmission sont aujourd’hui globalement connus, et ont imprégné toute une génération. Néanmoins, « ce qui est important c’est de travailler avec les populations concernées », souhaite Bruno Spire, pour qui la prévention ne se limite pas à l’information. Le médecin met en avant le travail d’associations sur le terrain, qui œuvrent pour organiser des ateliers afin que les personnes « aient conscience de ce qu’elles risquent ». Mais le président d’honneur d’Aides déplore « un soutien stagnant », voire un « Etat qui se retire dans certaines régions ».

Or, l’enjeu de la discussion, de la formation et de la sensibilisation autour de la question du sida n’est pas qu’une affaire de santé publique. « Ce qui n’a pas changé, c’est le regard de la société », dénonce le médecin. « Le VIH est devenue une maladie chronique. Mais vous pouvez dire à votre voisin que vous êtes devenu diabétique, pas que vous êtes séropositif », illustre-t-il, regrettant qu’il n’y ait « pas de traitement contre la discrimination ».