Suisse

Un gentleman photographe dans le métro de New York en des temps périlleux

À la fin des années 1970, le photojournaliste suisse Willy Spiller s’installe à New York. Sa fascination pour le métro de la ville tentaculaire a donné lieu à un livre, Hell on Wheels (Enfer sur Roues), qui vient d’être réédité.

Ce contenu a été publié le 20 mai 2023




New York 1997Lien externe, de John Carpenter, en 1981. C’est dans cette ville que Willy Spiller se lance dans un voyage de découverte, documentant par la photographie la vie quotidienne des New-Yorkais dans ce qui est alors le réseau de métro le plus dangereux du monde.

La criminalité est omniprésente, avec 250 délits graves par semaine dans le métro de New York. Les 2300 policiers chargés de sa sécurité ne sont jamais assez nombreux. Mais c’est aussi une ville qui bouge, sous les vibrations de l’art underground (les graffitis font fureur et sont violemment réprimés) et aux rythmes de toutes les musiques. C’est l’époque où le disco, le punk, la new wave, le funk et une scène hip-hop naissante coexistent dans le chaos des rues.

La ville sert aussi de toile de fond à des films devenus cultes, comme La Fièvre du Samedi Soir et Taxi Driver de Martin Scorsese, qui vont faire de John Travolta et Robert de Niro des stars mondiales.

Willy Spiller a raconté à swissinfo qu’il avait quitté la Suisse au bon moment. Pour lui, l’ambiance de décrépitude générale donnait tout son attrait à la mégapole. Il avait tout ce qu’il fallait: le matériel, une accréditation de photographe de presse du quotidien zurichois Neue Zürcher Zeitung (pour lequel il travaillait en tant que reporter indépendant) et un appartement sur Broadway, au 24e étage, avec vue sur Manhattan. Mais ce qui l’a le plus inspiré, c’est la vue d’en bas.

L’ère de l’underground analogique

À l’époque, se souvient le photographe, personne n’avait de téléphone portable. Dans le métro, les gens lisaient des livres ou des journaux et se regardaient. Il se promenait dans New York sans plan – les photos dans le métro étaient accessoires. Dans chaque rame, dans chaque station, la lumière était différente.

Willy Spiller estimait qu’il fallait montrer du respect pour sa profession en s’habillant de manière élégante, avec un costume et une cravate. La tenue des New-Yorkais, avec leurs jeans, leurs baskets et leurs t-shirts, ne lui convenait pas. Une fois, il a été arrêté par un policier à Harlem, qui lui a dit: «Monsieur, ce n’est pas Noël» et lui a demandé ce qu’il faisait là. «Habillé comme vous l’êtes et avec votre matériel photo, vous allez vous faire dévaliser», l’a averti l’agent.

Il aurait mieux fait de suivre son conseil la nuit où il a décidé de dormir sur un banc de Madison Square. Assez logiquement, il s’est réveillé avec sa seule carte de presse, son appareil photo et son portefeuille ayant disparu.

Willy Spiller a méticuleusement photographié des scènes dans le métro, avec la curiosité d’un étranger. Son journal en images, Hell on Wheels, a été publié pour la première fois en 1984. Puis sa carrière a décollé. Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des plus grands photojournalistes suisses vivants. D’une certaine manière, Spiller a connu un parcours similaire à celui d’un autre géant de la photographie suisse, Robert Frank, qui a lui aussi accédé à la célébrité avec la publication (d’abord en France, puis un an plus tard aux États-Unis) d’un livre anthologique, The Americans, en 1958.

Willy Spiller a obtenu son diplôme de photographie à l’École d’art et de design de Zurich en 1968. En tant que photojournaliste et photographe indépendant, il a travaillé pendant 45 ans pour des publications de premier plan. Il a reçu plusieurs prixLien externe pour ses reportages à l’étranger et en Suisse.

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