France

Le prix du jus d’orange en hausse de 30 %, et l’inflation n’est pas la seule responsable

À la question « avez-vous constaté une hausse du prix du jus d’orange ? », difficile de répondre non. D’abord parce que, tout le monde le sait, le prix de l’alimentation dans sa globalité a subi une augmentation vertigineuse d’environ 15 % en un an. Mais aussi parce que le jus d’orange est un cas particulier. L’inflation actuelle n’est, en effet, pas le seul facteur ayant entraîné la hausse de ses cours sur les marchés mondiaux depuis l’été dernier. « En 2022, la tonne de concentré d’orange valait environ 2.100 dollars, précise Eric Imbert, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Actuellement, en 2023, elle est à environ 2.700 dollars. »

Dans les rayons, le ressenti est quasi-immédiat. En février dernier, Quentin Mathieu, responsable économie à la Coopération agricole, estimait qu’une hausse de 50 à 60 % sur le prix des jus d’orange était attendue en magasin au début de l’année. Mais aujourd’hui, il a revu ses chiffres à la baisse. « L’augmentation grimpe jusqu’à 30 % », affirme-t-il. Mais pourquoi votre bouteille de Tropicana ou de Paquito coûte-t-elle plus cher depuis quelques mois ? 20 Minutes fait le point.

Baisse des stocks

Si les prix montent en flèche, la diminution des stocks est à mettre en cause. « Le stock de jus en juin 2022 n’a jamais été aussi bas depuis 2017 », indique Eric Imbert. En faisant un zoom sur le Brésil, le leader de la production mondiale d’oranges à jus avec la Floride aux Etats-Unis, on s’aperçoit que seules 126.500 tonnes de jus d’orange étaient stockées en juin 2022, contre 311.000 en juin 2021, selon des chiffres communiqués par le Cirad. Le stock de l’année 2017 n’était que de 19,5 tonnes de moins.

Attention, ces chiffres ne concernent que le jus concentré, car il s’agit de la recette la plus produite et vendue. « Le pur jus ne correspond qu’à 15 à 20 % du marché mondial du jus d’orange », précise Quentin Mathieu.

Si l’on se penche du côté de la récolte d’oranges, le constat n’est pas vraiment meilleur. Toujours selon des chiffres transmis par le Cirad – productions brésilienne et floridienne confondues –, la saison 2022-2023 a permis de remplir 333 millions de caisses culture (cagettes contenant les fruits récoltés), contre 311 millions en 2021-2022. Cependant, en comparaison, 454,1 millions de caisses culture avaient été remplies lors de la saison 2019-2020.

Catastrophes naturelles et maladie

Les causes de la chute de la production d’oranges, et par conséquent du stock de jus, sont en fait assez anciennes. « Le bassin floridien est en baisse de production de façon drastique depuis ces dix dernières années en raison des nombreux ouragans », affirme Quentin Mathieu. Et puis il y a la « maladie du dragon ». Cette bactériose, transmise par un petit insecte appelé la psylle, inocule aux arbres le « greening », une maladie incurable. Les feuilles de l’arbre jaunissent, ses fruits verdissent, deviennent amers, et il finit par mourir.

Si la maladie sévit depuis les années 2000 aux Etats-Unis, ses ravages ont été conséquents lors de la dernière saison. Et financièrement, les producteurs d’oranges ne peuvent pas compter sur l’Etat de Floride pour les soutenir. « Les aides américaines sont concentrées sur les grandes cultures ou sur le bétail », précise Quentin Mathieu.

La « maladie du dragon » est également répandue sur le territoire brésilien, mais Quentin Mathieu reconnaît que le pays est, lui, « assez en avance sur la génétique », et limite les dégâts en utilisant « des moyens phytosanitaires pour protéger les plantations des maladies ». Un certain nombre de pesticides sont vaporisés et les orangers infectés sont par ailleurs arrachés

La hausse des prix aussi subie par les industriels

Autre facteur : celui de l’explosion des prix des matières premières due à la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine, en bref à l’inflation (6 % sur un an, d’après l’Insee). « Le coût des emballages et des matériaux ont subi de 50 à 80 % de hausse », assure Quentin Mathieu. La marge dégagée par les industriels s’est donc affaiblie, ce qui les oblige à accroître le prix de leurs bouteilles.

Mais cette année (début mars), les négociations avec les distributeurs ont été troublées par ce contexte particulier. « Les marques au pouvoir de marché important – comme Tropicana, Paquito, Joker – ont fait passer leurs hausses tarifaires sans problème. D’autres marques ont en revanche été menacées d’être supprimées ou mises au bout des rayons si elles ne baissaient pas leurs tarifs », développe l’expert de la Coopération agricole.

Paradoxalement, « la consommation de jus d’orange baisse globalement mondialement, explique Eric Imbert. Car c’est un produit sucré et qui n’est pas forcément recommandé pour la santé, il n’est particulièrement pas bien vu aux Etats-Unis. »