France

La région Aura fait-elle la « promotion » de la chasse auprès des 15-25 ans ?

« Aberrant ». Cécile Michel, du groupe EELV à la région Auvergne-Rhône-Alpes, ne retient pas ses mots. Elle est « révoltée » face à l’extension d’une aide de trente euros par an du Pass’Région pour obtenir le permis de chasse et de pêche. Cette carte, destinée aux 15-25 ans, permet à 370.000 jeunes de la région de bénéficier de la gratuité des manuels scolaires, de réductions sur des places de cinéma ou encore à la pratique d’activités sportives. Et bientôt, donc, elle permettra de manier la canne et le fusil à moindre coût.

Pour Marie-Pierre Montoro-Sadoux, vice-présidente de la région déléguée à la jeunesse, à la famille et aux séniors, en charge du dossier, il s’agit simplement de « donner un coup de pouce » aux activités « diverses et variées » des jeunes. « Notre ambition est simplement de venir soutenir le coût des pratiques pour les familles, développe-t-elle. On le fait pour la culture, le sport, le permis de conduire en échange d’un engagement citoyen. On ne s’interdit rien. »

Une mesure « saluée » par la Fédération nationale de chasse

Mais d’où vient cette volonté soudaine ? Pas d’un nombre important de pratiquants dans le coin, déclare la vice-présidente qui précise par ailleurs, qu’elle n’a pas de rapport ou d’étude à ce sujet. Selon Le Dauphiné Libéré, 6 % des détenteurs actuels du permis de chasse ont entre 15 et 24 ans en Auvergne-Rhône-Alpes. Et la région est en troisième position en termes de « passionnés », avec 138.000 chasseurs, tous âges confondus, derrière l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine. Cette dernière compte 209.000 pratiquants, selon Barnes propriétés et châteaux.

C’est donc « à travers les relations entretenues au quotidien avec les familles » que l’idée a germé, assure Marie-Pierre Montoro-Sadoux avant d’admettre que « les liens avec des associations » ont aussi motivé la proposition. Par « associations », elle entend notamment la Fédération régionale de chasse à qui la région vient de renouveler son « partenariat » – de 3,26 millions de subventions pour une durée de trois ans.

Le monde de la chasse a d’ailleurs « salué » cette ambition pour le Pass’Région à travers son président, Willy Schraen. « S’opposer à cette initiative de Laurent Wauquiez, c’est faire passer son idéologie anti-chasse ou anti-pêche avant l’intérêt des jeunes », a-t-il réagi.

« Normaliser une pratique qui consiste à tuer »

Et de l’opposition, il y en a. En trois jours, plus de 25.000 personnes ont signé une pétition lancée par l’Association justice animaux Savoie (Ajas) pour s’opposer au projet. Pour sa présidente, Pauline di Nicolantonio, cette aide est « inadmissible ».

« On ne remet pas en cause le Pass’Région mais son instrumentalisation, développe-t-elle. On ne peut pas inclure la chasse au même titre que d’autres activités, cela revient à normaliser une pratique qui consiste à tuer. » Elle pointe « l’image que ça renvoie » de « mettre des fusils dans les mains d’enfants de 15 ou 16 ans ». « Il y a tellement d’autres façons de connaître la nature que la chasse », souffle-t-elle.

Un point de vue partagé par la conseillère régionale EELV Cécile Michel. Cette dernière rappelle les « drames » qui ont lieu chaque année par des chasseurs, soulignant que la responsabilité des politiques est « de les éviter, pas de les encourager » à travers cette « promotion » de la chasse. Marie-Pierre Montoro-Sadoux répond simplement que les propos de l’écologiste sont « un raccourci erroné » et que « la pratique est parfaitement réglementée ».

Des secteurs plus privilégiés que d’autres ?

« Il n’y a pas d’autres régions qui fondent à ce point ses propositions sur la Fédération de chasse. C’est un puissant lobby ici », se désole-t-elle. Pour elle, les enjeux vont au-delà de la carte dédiée aux jeunes. « Ce “coup de pouce” apparaît problématique quand on constate les inégalités dans l’octroi des subventions dans les autres domaines », affirme Cécile Michel. Avant d’ajouter : « On a vu récemment que Laurent Wauquiez coupait les financements dans les secteurs où la pensée critique s’exerce », faisant référence au domaine de la culture.

Ce vendredi, la commission permanente du conseil régional a réduit de moitié la subvention du Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand, retiré la totalité des aides régionales au festival lyonnais Woodstower, ainsi que celles dédiées au théâtre Nouvelle Génération de Lyon.

Face à ces critiques, la région répond qu’il n’y a « aucun sens » de « comparer les actions en direction de la chasse et de la pêche et les actions en direction de la culture ». « Les subventions ne sont pas une rente, mais l’accompagnement d’actions conduites dans tous les territoires. 60 % des subventions concernent les métropoles, la région a à cœur d’opérer un rééquilibrage en direction de ces territoires. Le budget de la culture ne baisse pas d’un seul euro », communique-t-elle après les sollicitations de 20 Minutes.