France

Immeubles effondrés à Marseille : La fin du « procès en légitimité » pour Benoît Payan ?

La mine grave, les traits tirés, Benoît Payan s’avance vers la ligne de caméras et de journalistes. A ses côtés l’amiral Lionel Mathieu du bataillon des marins pompiers de Marseille (BMPM), reste silencieux. Ce mardi 11 avril, trois jours après l’effondrement de plusieurs immeubles de la rue de Tivoli, le maire de Marseille continue d’endosser son rôle de chef des opérations de recherches et de secours, comme le prévoit son statut de directeur du BMPM. Il détaille face à un parterre de journalistes l’avancée des opérations, les moyens engagés, les difficultés rencontrées.

Une « communication orchestrée au millimètre », observe Lionel Royer-Perreaut. Le maire des 6e et 8e arrondissements de Marseille et député Renaissance estime que celle-ci s’est doublée d’une « orchestration politique » de l’événement. Elle aurait visé à combler un « défaut de légitimité » que traînerait Benoît Payan depuis son accession à la tête de la ville après la démission de Michèle Rubirola, qui était la tête liste du Printemps Marseillais au moment de la campagne municipale.

« Cela fait partie du jeu politique »

« Ce défaut de légitimité entraîne un défaut de crédibilité et c’est d’ailleurs parce qu’il a bien compris cela que sa gestion de la rue de Tivoli était si importante et cruciale. Cela fait partie du jeu politique, je le comprends parfaitement », poursuit l’opposant municipal. C’est ainsi qu’on a pu voir l’édile échanger longuement avec des habitants et des commerçants du quartier. Le voir s’éloigner, visiblement agacé, d’un point presse au cours duquel Olivier Klein, le ministre du Logement, annonçait la découverte d’un quatrième corps sous les décombres.

Dès le dimanche, une séquence ne manquait également pas d’initier une tempête dans un verre d’eau encore nimbé de tristesse : descendu en catastrophe de Lorient où il passait son week-end, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, s’était vu opposer par la mairie une fin de non-recevoir à sa demande d’organiser une séquence filmée « au plus près des décombres ». « On a eu aussi dans son vocabulaire une forme de possessivité permanente –  »ma ville »,  »mes habitants »,  »j’ai obtenu le plan Marseille en grand »-, on voit bien par là que ce combat en légitimité est un combat permanent », poursuit Lionel Royer-Perreaut. « Un mauvais procès » pour Yannick Ohanessian, adjoint au maire en charge de la Sécurité. « Il fallait s’organiser très vite et ce n’est pas quelque chose à laquelle nous avons pensé », ajoute-t-il.

La catastrophe a coûté la vie à huit Marseillais et Marseillaises. Durant cette séquence, tragédie d’envergure nationale, Benoît Payan et son équipe municipale n’auront donc pas ménagé leurs efforts : la mairie est délocalisée dans l’école Roosevelt, où des lits de camp sont installés. Le maire, ses adjoints, son cabinet, son équipe de communication, les employés municipaux assureront une présence sur site intense et H24. Et Benoît Payan, dont le visage est plutôt inconnu des profanes de la politique, a ainsi pris un peu plus d’épaisseur au terme du drame de Tivoli qui l’a donc vu être en continu sur tous les fronts : médiatique, politique, auprès des secours et pendant plus de cinq jours endosser le costume de « capitaine » des opérations. « Aujourd’hui plus qu’hier, Benoît Payan a cette reconnaissance, celle de savoir à la fois gérer les crises et le quotidien. Il est de plus en plus l’homme de la situation », complète Yannick Ohanessian.

« Personne ne peut lui contester sa légitimité »

Mohammed Bensaada, militant LFI et candidat malheureux à la députation sur l’une des deux circonscriptions des quartiers Nord, ne contredira pas Yannick Ohanessian. Si les relations entre LFI et le Printemps Marseillais ont pu être très tendu « personne ne peut aujourd’hui lui contester sa légitimité. Il est le seul maire à bord, le seul maire de Marseille », estime-t-il. « Entre les municipales de 2020 et avril 2023, il s’en est passé des choses. On sortait du mandat Hollande [qui vient du PS tout comme Benoît Payan à l’époque]. Entre-temps il y a eu des actes », salue encore l’Insoumis.

La rue de Tivoli a forcément rappelé la rue d’Aubagne. En 2018, l’effondrement de deux immeubles insalubres faisait également huit victimes. Ce drame a été l’un des axes forts de la conquête de la mairie de Marseille par la team Payan. La gestion de l’enfer de Tivoli revêtait donc pour l’équipe municipale une charge symbolique forte, un coche à ne surtout pas manquer. En plus de l’évidente et première nécessité d’accompagner les victimes.

« J’avais un accord avec Michel [Rubirola] mais pas avec Benoît [Payan] et si je l’ai fait, c’est parce que je ne doutais pas de sa capacité. Je n’ai pas attendu la rue de Tivoli, qui, malheureusement, n’a fait que mettre en lumière ce qu’il est : Benoît Payan a le charisme de la fonction », avance pour sa part Samia Ghali.

Entre le Covid-19, la guerre en Ukraine et ses réfugiés marseillais ou, plus récemment donc, le drame de la rue de Tivoli, Benoît Payan aura eu, comme l’évoque souvent son entourage, « un mandat de crises » « Et c’est dans le pire qu’on montre hélas le meilleur », avance Samia Ghali, avant de conclure : « c’est à l’usage qu’on devient maire, un titre ne fait pas l’homme. Aujourd’hui, ce procès en légitimité est tombé ».