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« Il n’y a pas pour un sou de nostalgie en moi », nous confie Harrison Ford

C’est un homme pudique et ému qui a accepté de se confier à 20 Minutes. Avec ses chaussettes noires étonnantes (il était réputé pour des choix plus colorés) et son humour à froid (il feint de botter en touche avant d’ouvrir son cœur), ce grand monsieur de 80 printemps est revenu sur la Palme d’or d’honneur reçue juste avant la projection d’Indiana Jones et le Cadran de la Destinée de James Mangold, jeudi soir à Cannes. Le lendemain sa voix se brisait encore pour qualifier cette expérience d’« indescriptible ».

Pourquoi étiez-vous aussi ému en recevant la Palme d’or d’honneur ?

Vous ne l’auriez pas été, vous ? Cela m’a rappelé tant de choses et puis j’ai ressenti tant d’amour de la part du public que ça m’a bouleversé bien plus encore que je ne l’aurais imaginé. Cette soirée, ce festival et ce film marquent une fin pour moi. Je ne pouvais pas imaginer plus belle conclusion.

Quelle raison vous à donné envie d’en terminer avec la saga d’Indiana Jones ?

Vous rigolez ? Vous l’avez devant vous, la raison et moi, je l’ai tous les matins devant ma glace. Je suis vieux et cela n’est pas un problème pour moi. J’aime la vieillesse car je n’en ai pas peur. J’ai été heureux quand j’étais jeune et je le suis maintenant que je suis vieux ! Il n’y a pas pour un sou de nostalgie en moi.

Dire « au revoir » à Indy, cela ne vous rend pas triste ?

Je ne dis pas « au revoir » à Indiana Jones, je lui dis « adieu » ce qui ne me rend pas triste puisque je le fais en suivant mon propre agenda. J’avais des idées très précises sur ce que je désirais. Je voulais que le spectateur voie ce que cet homme à la jeunesse éclatante est devenu dans son âge mûr où il a tant perdu.

Je désirais que son âge soit abordé de façon frontale sans qu’il devienne une source d’humour vulgaire ou facile. Indiana Jones est devenu fragile. C’est pour cela qu’Indy en sous-vêtements au tout début du film. Il se montre comme une tortue sans carapace, avant de se reconstruire pour la dernière fois grâce à une femme qu’il ne s’attendait pas à rencontrer.

Pourquoi avoir choisi de faire rencontrer une jeune femme forte à Indiana Jones ?

Il y en a toujours eu dans les films, ne serait-ce que celui joué par Karen Allen dans le premier et le quatrième volet. Celui qu’incarne Phoebe Waller-Bridge fait vivre à Indy une relation différente avec une femme, une relation qui n’est pas basée sur une attirance physique que leur différence d’âge aurait rendue déplacée. Les rapports entre les deux personnages permettent d’offrir de beaux moments d’émotion dans le film, plus que dans les précédents. Le réalisateur James Mangold a su les faire éclore au cœur de l’action.

Avez-vous ressenti autant d’émotion quand vous avez dit « adieu » au personnage d’Han Solo, l’un des héros de « Star Wars » ?

Je pourrais vous dire que oui et vous inventer plein de conneries pour justifier ma réponse, mais je préfère vous laisser les inventer vous-même. Etre acteur est un métier pour moi. Je ne suis pas mes personnages et je n’intellectualise pas mes rôles. Je suis tombé au bon moment sur des rôles qui me correspondaient et qui ont plu au public.

Nous nous sommes quittés quand il était temps, ce qui me permet de garder de beaux souvenirs tout en continuant sur autre chose comme la série Shrinking. J’ai de la chance de pouvoir encore travailler à mon âge. J’aime toujours autant mon métier.

Avez-vous un héros qui vous a inspiré autant qu’Indiana Jones a fait rêver ses fans ?

Pas vraiment car je ne suis jamais beaucoup allé au cinéma. Et je n’y vais toujours pas très souvent. Si je devais citer quelque chose qui m’a marqué sur grand écran, ce serait plutôt un film : Du silence et des ombres de Robert Mulligan. C’est en me laissant emporter par cette œuvre qui évoque le Bien et le Mal que j’ai compris la force du cinéma. Il nous donne un pouvoir incroyable pour défendre des idées.

Aujourd’hui, plus que jamais, il réunit les gens en une expérience commune alors que le monde est de plus en plus déchiré par la quête de profit. Son côté fédérateur fait partie des choses qui le rendent merveilleux.