France

Gironde : Une expo Banksy initiée par un collectionneur, fan de la première heure de l’artiste

Banksy c’est le Daft Punk du graff, personne ne sait quelle est l’identité exacte de cet artiste britannique. Critique infatigable des absurdités intrinsèques du capitalisme, certaines de ses productions ont ironiquement affolé le marché de l’art, avec des ventes à plusieurs millions d’euros. En 2018, il avait d’ailleurs dissimulé une broyeuse à papier dans une de ces œuvres pour dénoncer cette dérive. Quelque 250 pièces réalisées par cet artiste mondialement reconnu sont exposées gratuitement à partir de ce samedi à la caserne des manèges de Libourne jusqu’au 14 mai, par la Banksy Modeste Collection.

Derrière cette structure, un passionné : François Bérardino, dit Béru, qui a patiemment amassé depuis dix-sept ans des centaines de sérigraphies, stickers, photos, pochoirs attribués à l’artiste, dont il partage les valeurs. A l’occasion de cette exposition, la sixième depuis le lancement en 2020, des dons sont récoltés pour une vingtaine d’associations, dont SOS Méditerranée ou Médecins du Monde. Banksy n’a pas donné officiellement son feu vert à l’expo mais il ne l’a pas dénoncée, comme cela lui est déjà arrivé quand il s’agissait de se servir de son art à des fins mercantiles. A Libourne, le soutien de l’artiste urbain est donc tacite mais bien réel.

« Chaque objet raconte une histoire »

Lors d’une visite à Londres en 2007, Béru rencontre Banksy sans le savoir. Il échange avec un street artiste qui lui offre deux croquis et c’est plus tard en se plongeant dans le seul livre signé par l’auteur « Wall and Piece » (Guerre et Spray), qu’il remarque des similitudes et comprend qu’il a visité l’atelier du maître du graff politique. Il commence alors à enquêter sur Internet pour recueillir des pièces (pochettes de vinyles, timbres, dessins etc.) pourvu que « chaque objet raconte une histoire », explique-t-il.

Des médiatrices sont là pour accompagner le public et évoquer le contexte ou les anecdotes liés aux différentes pièces. On y trouve par exemple le CD retouché de « Paris Hilton », dont il n’admire pas vraiment les talents de chanteuse, réalisé avec DJ Danger Mouse pour « se moquer de l’industrie de la musique ». On découvre aussi que Banksy a investi une ancienne station balnéaire désaffectée pour y installer Dismal Land, un anti-parc d’attraction qui détourne les figures de Disney Land. Pendant deux semaines, des concerts militants et autres événements décalés y sont organisés. Pour Béru c’est une façon de nous alerter sur « ce qu’on montre à nos enfants ». Au cours de la visite, on tombe aussi sur des pièces plus célèbres de l’artiste comme l’homme au bouquet ou le Che Guevara aux lunettes ornées de dollars.

Ne pas parler de Banksy mais de ses valeurs

Béru achète en ligne mais correspond aussi avec des amateurs de street art et d’autres collectionneurs qui s’alertent mutuellement sur leurs marottes. Fan de la première heure, il a par exemple fourni à la Banksy Modeste Collection (BMC) les photos des premières œuvres de l’artiste prises par lui-même. On y voit émerger son style et le goût pour le pochoir. « Aujourd’hui, je ne pourrai plus réunir ces pièces à cause de la spéculation dont elles font l’objet ». Il se donnait un budget de 300 euros par mois quand il récoltait ses pièces pour son propre compte, avant la création de la BMC.

« L’objectif premier ce n’est pas de parler de Banksy mais de ses valeurs, pointe Thierry Angles, le directeur de la BMC. L’idée est qu’il y ait une portée politico-artistique qui bénéficie aux associations ». « Ses combats politiques résonnent avec les nôtres », ont ajouté les structures lors d’une déclaration commune. Le genre d’expo percutante dont on ne sort pas tout à fait indemne.