France

Gironde : Dans son élevage ultramoderne, Pure Salmon promet à ses saumons une meilleure vie à terre qu’en mer

Il n’existe aujourd’hui aucun élevage de saumons en France. La raison ? Ce poisson ne s’épanouit bien que dans des eaux dont les températures sont inférieures à 14 degrés. Les 200.000 t consommées par les Français chaque année sont donc entièrement importées de Norvège principalement, et d’Écosse. Pour proposer un saumon estampillé local, le groupe Pure Salmon, financé par un fonds singapourien, a l’ambition de les élever à terre, dans des bassins réfrigérés, sur un site de l’estuaire de la Gironde. Le groupe Smart Salmon avait développé un projet similaire en Bretagne qui semble compromis, même si l’enquête publique se poursuit jusqu’au 15 avril.

Pure Salmon a signé le 4 avril 2022 une convention d’occupation (de quarante-neuf ans) avec le grand port maritime de Bordeaux pour un site industriel clé en main, situé au Verdon-sur-mer, en Gironde. Le conseil municipal a voté en faveur de ce projet d’ampleur. Ce site viabilisé, et pour lequel les inventaires en matière de faune et flore ont été anticipés, a permis au groupe de déposer une demande de permis de construire et d’autorisation environnementale, de façon accélérée. Il espère qu’à la fin de l’année 2023, il aura obtenu ces deux permis, afin de se lancer dans la construction du site industriel, avec l’ambition de produire 10.000 t par an, soit 5 % de la consommation française.

« Si vous n’avez pas de bien-être, vous n’avez pas de performance »

Cette « ferme aquacole écologique », selon la rhétorique de Pure Salmon, s’est attiré bien vite les foudres des écologistes, qui y voient un projet d’élevage intensif, daté et champion de greenwashing. « Il pourrait s’agir du plus grand élevage intensif aquacole terrestre du monde, dans le dernier grand estuaire sauvage d’Europe : celui de la Gironde. À l’heure de la sobriété énergétique et des urgences écologiques et sanitaires, ce projet gigantesque n’est pas acceptable ! » écrit le collectif Eaux secours agissons, qui a lancé une pétition en ligne pour l’abandon de ce projet.

Pour défendre son projet, le groupe n’hésite pas à pointer son exemplarité en matière de bien-être animal. « En élevage, si vous n’avez pas de bien être, vous n’avez pas de performance, résume Xavier Govare, président du conseil d’administration de Pure Salmon France. C’est une dette sociétale mais qui est aussi le gage d’une performance économique pour un tel investissement (275 millions d’euros). »

Quand on interroge le groupe sur la densité de 70 kg de saumons par m3, alors que les recommandations du fonds marin européen sont de 25 kg par m3, il répond que ce ne peut pas être un critère de bien-être. « Ces préconisations concernent l’élevage en cages en pleine mer, dans lesquelles l’eau circule en fonction des marées, avec plus ou moins d’oxygène naturel dans la mer et des stress possibles liés à des tempêtes ou des hausses de températures », pointe Frédéric Gaumet, biologiste et chargé du volet bien-être animal chez Pure Salmon. Ce qui prime pour éviter le stress de ces poissons, de son point de vue, c’est la qualité de l’eau, sa température et la limitation des manipulations.

Une eau purifiée et sans pathogènes

Cela tombe bien, la pureté de l’eau est l’un des points forts mis en avant par le groupe qui a racheté Kruger Kaldnes, la branche aquaculture du groupe Veolia, désormais renommée Pure Salmon Kaldnes. Cette société spécialisée maîtrise une technologie poussée appelée « recirculating aquaculture system » (RAS). « 99 % de l’eau qui circule est nettoyée pour assurer une eau pure aux saumons, explique Xavier Govare. On change de temps en temps l’eau, comme dans une piscine municipale. » Quelque 3.500 m3 seront relargués quotidiennement, après traitement par une station d’épuration intégrée, soit l’équivalent de ce qui est pompé dans la nappe d’eau saumâtre qui intéresse le groupe.

Sur un site présenté comme une « zone blanche » sans pathogènes, les poissons ne sont pas vaccinés et les déplacements de bassin en bassin (cinq à six fois sur les vingt-quatre mois d’élevage) sont très limités, sans que les poissons ne soient jamais sortis de l’eau. Les comportements entre les individus sont scrutés, notamment par un système de caméras.

Ultime argument : la mortalité des saumons est très limitée dans ce type d’installation. Elle est de l’ordre de 15 %, quand elle atteint 25 à 28 % dans les cages de pleine mer en Norvège. Cela baisse encore davantage à partir du moment où les poissons sont placés en bassins de grossissement, soit au bout d’un an de vie.

« Quel est le problème ? s’agace Jacques Bidalun, maire (DVD) du Verdon-sur-Mer. Aujourd’hui, dans l’eau, les poissons bouffent tout un tas de saloperies, et là, le projet en circuit fermé de Pure Salmon les protège bien ». S’agissant des rejets, il ne voit pas non plus d’obstacle puisque l’eau sera traitée par une station d’épuration avant de se retrouver dans le milieu.

Après l’obtention du permis de construire et de l’autorisation environnementale, une enquête publique sera lancée. Si le déroulé est favorable au groupe Pure Salmon, il espère commencer son activité fin 2026 ou début 2027.