France

Des bergers et bergères dénoncent leurs conditions de travail à travers un clip de rap

Une cabane de quatre mètres carrés à plus de 2.000 m d’altitude, en pleine montagne, à se partager à deux. Pas de quoi se doucher, ni se nourrir. Ce n’est pas le nouveau défi d’un youtubeur mais le quotidien de certains bergers et bergères dans des alpages, notamment dans des parcs nationaux depuis « une douzaine d’années ». Lassés de ne pas être entendus par les responsables, ils ont décidé de dénoncer en chanson leurs conditions de travail.

« De cette manière, on sera enfin un peu écouté, glisse Fanny du collectif PastorX and the Black PatouX, à l’initiative du projet avec Noémi et Félix. La chanson est un outil pour faire valoir des causes qu’on a envie de défendre et pour lesquelles on n’est pas entendu depuis des années. » En parallèle, une pétition a été lancée pour soutenir leurs revendications.

Leur premier titre, intitulé « Niche à chien », vient de sortir et compte déjà 30.000 vues. « C’est du rap pastoral, précise Félix en souriant, ça ne s’était jamais fait avant. C’est venu spontanément et au final, c’est ce qui nous semblait le plus correspondre avec notre coup de gueule. »

« Il en va de nos vies »

Un « coup de gueule » qui cache en réalité des revendications bien plus sérieuses qu’une volonté de faire le buzz. « Il en va de nos vies », lâche Fanny. Celle qui exerce depuis cinq ans, rappelle que, lorsqu’on est « gardien de troupeaux et en alpage », on a la charge des centaines de brebis, qui doivent être gardées, nourries, protégées. « On doit se relever la nuit en cas d’attaque, pointe-t-elle. On doit être tout le temps avec le troupeau et donc, dormir à côté lors de la saison [de deux à quinze semaines] ». D’où la nécessité d’avoir des logements décents. Elle note d’ailleurs que l’été dernier, l’Inspection du travail a contrôlé des cabanes de bergers dans les départements des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence et qu’« aucune n’était aux normes ».

« Il y a ces niches comme qu’on voit dans le clip mais aussi des caravanes trouées ou des marabouts, cite la femme de 38 ans. Ces habitations sont mal isolées, mal chauffés. Des bergers et bergères s’intoxiquent, sont victimes de problèmes digestifs à cause du manque d’eau potable. » Elle ajoute : « Il n’y a pas de vie de famille possible. Tout ça nous questionne sur comment on peut exercer sur la durée. On parle de vies humaines. »

« On n’a pas envie de lâcher le métier sans le changer »

En plus du logement, les bergers pointent les heures bénévoles qu’ils effectuent. « On fait 70 heures de travail par semaine pour des contrats de 44 heures », souligne Fanny. Et les équipements sont à leurs frais ainsi que leurs chiens.

« C’est pour toutes ces raisons que beaucoup font un peu le métier puis l’abandonnent, constate la bergère. C’est un danger pour la profession qui a besoin de transmission et d’investissement au long terme. D’autant plus que le pastoralisme a vraiment sa place. » Un constat partagé par le berger de 33 ans. Il veut faire réagir maintenant pour imaginer un futur « exemplaire », qui respecte un territoire, la flore, les animaux qui la peuple, les troupeaux et leur berger.

« Le pastoralisme contribue à la préservation de l’environnement, à l’entretien des espaces et au maintien d’une présence humaine bienveillante et respectueuse en montagne comme en plaine. On n’a pas envie de lâcher le métier sans le changer. Derrière nous, il n’y aura plus de niches à chien, il y aura des bergers considérés », espère-t-il.

Des changements à venir ?

Mais pour ça, il faut mettre les moyens. Pour PastorX and the Black PatouX, il existe un « réel décalage » entre les moyens mis par les parcs nationaux pour « l’image et le tourisme » et ceux investis pour les personnes qui travaillent sur les lieux.

Le parc national de la Vanoise, en Savoie, directement visé par le collectif, possède onze « niches à chien » qui sont déployées depuis 2005. A travers un communiqué, il explique que ces abris d’urgence héliportables sont utilisés pour « apporter une réponse rapide et temporaire aux éleveurs dans l’attente de la restauration ou de la construction d’un véritable logement. » Tout en concédant que la « finalisation de ces réalisations » est parfois « longue » et que les abris sont « particulièrement spartiates ». Le parc indique alors réfléchir à d’autres projets de cabanes pastorales.

« Ça fait plus de vingt ans que le loup est dans tous les alpages et on n’a toujours pas de solutions pérennes », répond insatisfait Félix. Avant d’ajouter : « Si les parcs nationaux ne l’avaient pas fait, personne n’aurait osé concevoir des logements pareils. »

En attendant que « les choses bougent », PastorX and the Black PatouX a projet de sortir un album aux notes de rap mais aussi de punk, de chants marins et traditionnels dont le thème restera le métier de bergère et berger.