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Démission de Laporte : Retour sur la folle journée à la FFR, cette « forteresse assiégée qui vient de faire un hold-up »

Quand le rugby français fait son cinéma, les scénaristes de Hollywood peuvent aller se rhabiller. En effet, vendredi, le monde merveilleux du ballon ovale a encore vécu une folle journée, de celles qui restent gravées dans les annales de l’histoire avec un grand H (comme Hahaha). Alors que le comité directeur de la Fédération française de rugby se réunissait à Marcoussis vendredi matin pour décider des destinées du rugby français, après le vote « non » au référendum censé valider ou non la désignation de Patrick Buisson en tant que président délégué, consécutive à la condamnation de Bernard Laporte, celui-ci avait deux options face à lui.

La première, en vertu de l’article 15 des textes de la FFR, consistait à une démission générale du comité directeur et la tenue de nouvelles élections générales. C’était l’option privilégiée par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, présente en début du « codir » vendredi matin. « Je leur ai indiqué que la voie qui me paraissait la plus claire, la plus nette, la plus légitime et aussi la plus rapide, car on a tous envie que cette crise puisse aller à son terme et être résolue rapidement maintenant, était la voie d’une démission du comité directeur », expliquera-t-elle à sa sortie de Marcoussis. C’était aussi l’option qui allait dans le sens du résultat du référendum du début de semaine, lors duquel les quelque 1.500 clubs amateurs ont dit « non » à Buisson.

La seconde, en vertu de l’article 21, était celle du maintien de l’équipe en place, avec la nomination d’un président par intérim jusqu’à la nouvelle Assemblée Générale de juin, date à laquelle le comité directeur désignera parmi ses membres le futur président ou la future présidente de la FFR jusqu’en 2024. La raison, pour ne pas dire l’honneur et la dignité, aurait voulu que les membres du comité directeur optent pour la première option. Cela aurait alors permis, à travers de nouvelles élections générales, de redonner une légitimité pleine et entière à la nouvelle équipe élue pour préparer à bien l’organisation de la Coupe du monde. A ce titre, l’annonce de la démission de Bernard Laporte, en amont du « codir », après un ultime baroud d’honneur téléphonique de « Crazy Bernie » ces derniers jours pour convaincre les clubs amateurs de donner leur soutien à son poulain Patrick Buisson, semblait aller dans le bon sens.

« C’est une forme de putsch »

Mais ça, c’était avant. Avant que Florian Grill, chef de file de l’opposition au clan Laporte et membre du comité directeur ne claque la porte avec ses soutiens et annonce leur démission collective. En cause, la décision de la majorité de se ranger derrière l’avis de Serge Simon et de s’accrocher coûte que coûte à ce qui leur reste de pouvoir. Cheveux au vent à sa sortie de Marcoussis, Florian Grill était dépité.

« Ils veulent décider entre eux d’un président par intérim, issu du bureau fédéral, qui devra gérer sans légitimité, sans passer par les urnes, la fédération jusqu’en juin. Ce n’est pas respectueux du vote qui s’est exprimé par le référendum, explique-t-il. Je regrette que la parole des clubs ne soit pas respectée. C’est une forme de putsch, un déni de démocratie. Je pensais que les élus du comité directeur auraient plus le sens des responsabilités et de l’honneur du rugby. Je suis très déçu pour le rugby de cette attitude qui manque de dignité. » Joint par téléphone en fin de journée, le président d’Ovale Ensemble justifie la démission collective de l’opposition.

« La solution proposée conduisait à une impasse : un président par intérim et une élection en juin du seul président. Dans le meilleur des cas, on avait une cohabitation, qui aurait été mortifère à quelques mois de la Coupe du monde, assure-t-il. La bonne décision, et on est contents que la LNR ait suivi, c’était de démissionner. Dans ces conditions, on a préféré les mettre devant leurs responsabilités. Ils préfèrent défendre leurs petits privilèges. On n’allait pas tomber dans ce piège. »

De leur côté, les soutiens de Laporte ne voient pas du tout où est le problème. « On est dans le respect de nos valeurs » a déclaré le vice-président de la FFR et président de la ligue Occitanie, Alain Doucet, à nos confrères de L’Equipe. Avant carrément de sortir les violons en évoquant avec des trémolos dans la voix ces « petits clubs qui s’entraînent dans le froid pour préparer leurs championnats » et qui « attendent de nous qu’on leur assure une fin de saison digne de leurs engagements, de leur confiance ». C’est marrant, on pensait justement que cette confiance leur avait été retirée à l’issue du référendum de jeudi. Mais ce doit être une illusion d’optique.

La ministre n’a pas encore pris la parole

Contacté par 20 Minutes, le ministère des Sports n’a pour l’heure pas donné suite à nos demandes. En visite vendredi après-midi en Saine Saint-Denis, dans le cadre des Jeux Olympiques 2024 de Paris, Amélie Oudéa-Castéra n’a pas encore officiellement pris la parole pour réagir à la décision du comité directeur de ne pas écouter ses recommandations. On imagine sans peine la colère qui doit être la sienne, elle qui ne cesse de naviguer d’une fédé à l’autre pour gérer les différents scandales qui tombent comme à Gravelotte ces dernières semaines.

Mais elle aura beau regretter le choix du comité directeur, elle n’a aucun pouvoir sur celui-ci. A huit mois de la Coupe du monde, nous voilà donc avec une équipe dirigeante dont personne ne veut (sauf elle) et qui désignera le plus tranquillement du monde l’un de ses membres pour présider la Fédé jusqu’en 2024, puisque tous les autres membres ont démissionné. Et Florian Grill de conclure : « C’est une forteresse assiégée qui vient de réaliser un hold-up sur le rugby français ». Hollywood ne nous arrive décidément pas à la cheville.