France

Couronnement de Charles III : « Avec mon copain, on restera chez nous samedi »

De notre envoyée spéciale à Londres,

« Avec mon copain, on restera chez nous samedi. » Comme de nombreux jeunes Britanniques, Emily ne se passionne pas pour le sacre du roi Charles III, qui se déroulera ce week-end pendant trois jours. Etudiante en sciences de l’éducation, la jeune femme ne regardera pas la cérémonie, à la différence de son amie Juni, avec qui elle partage un déjeuner ce jeudi à quelques pas d’UCL, leur université dans le centre de Londres. « C’est la première fois que je verrai un couronnement », lance Juni, qui nuance : « Je ne serai pas collée devant, je l’aurai en fond ».

Pour Emily, qui vient d’Essex, un comté au nord-est de Londres qu’elle décrit comme « ouvrier », la famille royale « est juste une attraction pour les touristes ». « Je ne pense pas que l’on ait besoin d’eux. Ils n’ont pas vraiment un impact dans notre vie. »

Le lundi férié, seul intérêt du couronnement

Emily, et l’enthousiasme modéré de Juni, reflètent ce que plusieurs sondages ont montré ces dernières semaines. 38 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans estiment que le Royaume-Uni doit avoir un chef de l’Etat élu et 30 % jugent que le pays doit conserver la monarchie, selon un sondage de l’institut YouGov réalisé en avril pour l’émission Panorama de la BBC. 78 % déclarent ne pas être intéressés par la famille royale. Le soutien à la famille royale augmente avec l’âge des personnes sondées. Le phénomène, toutefois, n’est pas récent. Un sondage en 2000 donnait déjà les mêmes tendances.

Pour Lisa* et Sarah, qui travaillent dans les ressources humaines à SOAS (École des études orientales et africaines) à l’University of London, le seul intérêt de ce week-end de trois jours est le lundi exceptionnellement férié. « Les gens sont plus enthousiastes du fait de ne pas aller travailler », résume Lisa. Les deux jeunes femmes suivent les péripéties de la famille royale de très loin. Le documentaire de Harry et Meghan, parce qu’il était sur Netflix, les a un peu intéressées. « Mais on n’irait pas jusqu’à faire des recherches sur Internet sur tel ou tel sujet les concernant », confie Sarah.

« C’est bien d’avoir un peu de stabilité »

Alors, tous indifférents les jeunes ? Assis dans un parc au soleil avec son amie Sofia*, étudiante en littérature, Ben, étudiant à SOAS, ne cache pas son enthousiasme pour le week-end qui s’annonce. « J’ai l’intention d’aller sur le Mall [artère du centre de Londres où passera la procession du roi et de la reine], juste pour y être, pour vivre un événement historique. Le dernier couronnement était en 1953, cela n’arrive pas souvent ! » L’étudiant avait déjà assisté au jubilé de platine de la reine, en 2022. « C’était une super journée. Quand on patiente, on devient ami avec les gens autour. »

Pour Ben, l’enthousiasme pour le couronnement n’est pas le même à la campagne, dont il est originaire, qu’à Londres. « A la campagne, chaque route va avoir une fête [le gouvernement britannique et la famille royale encouragent les Britanniques à organiser des fêtes entre voisins ce week-end]. A Londres, il y a tellement de circulation, c’est différent. »

Quid du coût du couronnement ? « Je pense que les commerces gagnent beaucoup d’argent grâce à cela. J’ai même vu des chips du couronnement ! Mais est-ce que cela amortira le coût du sacre ? Je ne sais pas. »

Son amie Sofia « regardera probablement à la télévision ». Britannique née d’une mère japonaise et d’un père australien ardent républicain, elle ne se sent pas « de connexion » avec la famille royale. Bien qu’elle se soit d’accord avec plusieurs principes défendus par son père, elle « n’a pas d’opinion tranchée dans un sens ou dans l’autre ».

Ben, lui, imagine mal un autre principe que la monarchie au Royaume-Uni. « Je préférerais avoir quelqu’un comme Charles, qui est plus conscient des questions comme l’environnement, que des politiques. Je ne vois aucun politique actuellement qui pourrait être chef de l’Etat. » Il craint que si le chef de l’Etat est élu, la société britannique ne se polarise comme aux Etats-Unis. Et puis, « c’est bien d’avoir un peu de stabilité. On a eu un peu de chaos, avec le Brexit, les changements de premier ministre. » A 74 ans, le roi Charles ne peut espérer régner aussi longtemps que sa mère, mais il a déjà connu deux premiers ministres en tant que roi. Signe d’une longévité qui s’annonce plus longue que celle des personnalités politiques ?

* Le prénom a été modifié à leur demande.